30 novembre 2004

Adieu veaux, vaches...

Pour revenir de Saint-Grégoire où je m'étais rendu hier 'par affaires' en passant par la 235 et la 202, j'ai quitté les routes numérotées et emprunté les rangs.



Elles sont tristes les fermes en novembre. Maisons et bâtiments comme des ilots perdus au milieu d'un champ unique à perte de vue couleur de terre labourée. Quasi personne dehors, quelques tracteurs et machines grandeur inhumaine arrêtées au bout d'un champ, signes d'essoufflement.



D'animaux, pas de traces, sauf... quelques moutons en pacage qui me semblent bien maigres juste avant les grands froids. Ni veaux, ni vaches, ni cochons, ni poules visibles... Plus de traces aux couleurs d'une quelconque culture. Que de la terre retournée et quelques squelettes d'arbres en fond de terre et autour des habitations qui semblent inhabitées -- sauf les deux ou trois où s'est arrêté l'autobus scolaire qui me précédait sur un bout du chemin.



Des drames et des chiffres sortent au grand jour pendant cette période de ras-le-bol des producteurs laitiers qui se font littéralement voler leurs vaches à terme tant les prix payés par l'abattoir à monopole sont bas. Revenus nets négatifs en 2003 chez les producteurs laitiers; parallèlement à ces pertes, le prix des terres et de la machinerie est à la hausse. Relève inexistante ou démotivée, découragements, dépressions, suicides, drames familiaux, inexorable exode... Entre 800 et 1000 producteurs abandonnent le rêve de leur vie à contrecoeur et doivent se résigner à vendre leur terre à plus gros qu'eux chaque année au Québec. La dérive de notre peuple terrien se poursuit, inexorablement.



À ce rythme-là, les communautés rurales, comme moi, passeront définitivement à l'histoire oubliée dans moins de vingt ans... Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que j'étais à Saint-Grégoire hier : le centre financier commercial Desjardins de la région est maintenant à cinquante kilomètres d'ici. Après les écoles, les bureaux de poste et les églises, ce sont maintenant les caisses populaires (appelées transitoirement comptoirs de service) qui abandonnent les villages. On appelle ça comment déjà chez les Libéraux progressistes et chez Desjardins & Cie? Le reingeneering?



Portrait anticipé du Québec d'après demain. Montréal, Québec et quelques villes dites 'centres' desservies chacune par RBC, CIBC, Loblaws, Wal-Mart, Brick, Home et autres dépôts, Staples alias Bureau en Gros, Canadian Tire, Tim Hortons et autres macdos, et Jean-Coutou International. Terres agricoles et super machineries entre les mains des financiers repreneurs à bons prix dorénavant aux commandes des grandes cultures et de l'élevages industriels, de l'agriculture soudainement devenue rentable. Villages, lieux de villégiature pour gens aisés et âgés. Un bidonville ici et là avec ça?




29 novembre 2004

Les hasards du développement durable

Le sommet de la Francophonie a ramené le continent africain dans l'actualité pendant quelques jours. Le thème de ce sommet : « La francophonie, espace de solidarité pour un développement durable ». Le premier ministre Jean Charest y était.



On ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec les deux principes soi-disant 'émergés' du Forum des générations convoqué en octobre par ce même Jean Charest : développement durable et nouvelle solidarité.



Hasard? Je ne crois pas. Les termes 'développement durable' et 'solidarité' sont politiquement rentables (même les syndicats l'ont compris). Il en émane de l'espoir. Les mots-masques parfaits.



Au Québec, on sort le 'développement durable' et la 'nouvelle solidarité' pour nous faire oublier les innombrables dérapages du 'progrès', pour masquer le développement sauvage qui depuis belle lurette ne respecte ni la nature, ni l'humain : cotes boursières et Wood Gundy obligent dans l'Église des Grands Investisseurs.



En Afrique, les expressions 'développement durable' et 'solidarité' sont fort utiles pour faire périodiquement oublier le 'sous-développement perdurable' qui caractérise ce continent, pour masquer les pillages passés faits au nom de la civilisation investissante.



Faisons un peu de sémantique 101. Un développement « durable », c'est un développement « qui dure toujours ou du moins très longtemps ». Quel 'développement' durable? Question à choix multiples : définitions pour tous les goûts, pour toutes les bourses. Tout dépend de vos aspirations.



Qui a osé dire que les mots ne veulent rien dire? Ils veulent tout dire.



28 novembre 2004

Ukrainien d'un jour

L'instant d'un reportage télévisé, je me suis senti profondément Ukrainien.



Je grelottais devant le Parlement de Kiev avec mes compatriotes. Avec le peuple qui me semblait là tout entier, je scandais inlassablement : « Iouchtchenko! Iouchtchenko! Démocratie! Démocratie! » Nous revendiquions ensemble notre pays et son avenir.



Nous étions là parce que cette terre léguée par nos ancêtres nous appartient : « C'en est assez des diktats autocratiques de dirigeants qui nous sont étrangers. » Sur la Place de l'Indépendance, je brandissais le drapeau jaune et bleu de la liberté promise à nos enfants en criant : « Maîtres chez nous! »



Autour des feux de camp allumés parmi les tentes montées à la hâte, j'entendais des discours enflammés malgré le froid : « Notre place est à table et non dessous, à recueillir les miettes! Rien ne nous arrêtera, ni la police, ni l'armée, ni l'hiver! Nous sommes prêts à mourir pour que nos enfants et nos petits-enfants puissent vivre dignement en Ukraine. »



J'ai vécu quelques instants la ferveur démocratique, l'illusion que le pouvoir pouvait être entre les mains du peuple.


27 novembre 2004

« Ça va bien aller! »

    En marge de la diffusion à Zone libre du documentaire de Fernand Dansereau et Georges Amar sur le frère André et l'Oratoire Saint-Joseph : Rumeurs de miracles.


Il y a des choses qu'on ne peut comprendre que si on a connu le malheur, la misère et l'humiliation. La ferveur, par exemple. Et la compassion; le besoin de compassion, tout au moins. Lorsqu'on est favorisé par la généalogie, la génétique ou le hasard, on perçoit facilement la compassion comme étant de l'exploitation et la ferveur comme étant de la naïveté. Dans Rumeurs de miracles, c'est ce qui m'a frappé : ce regard hautain quasi dédaigneux sur un des hauts lieux (au sens propre) de notre catholicité québécoise moribonde.



Le titre, le texte, le choix des images d'archives, le choix des experts critiques, le ton... On a voulu susciter la suspicion, mettre en doute, faire passer le 'succès' de l'Oratoire comme étant l'exploitation cléricale de la naïveté populaire. Une imposture, alors? Pourquoi ne pas l'avoir prétendu, quant à y être!



La vie nous apprend que quand on sait s'y prendre on peut monter une preuve capable de faire condamner n'importe qui et n'importe quoi. Je crains que celles et ceux qui ne connaîtront l'Oratoire et le frère André que par ce genre de témoignages biaisés n'osent même pas s'aventurer sur le flanc nord du mont Royal; je ferais probablement pareil, ayant une sainte horreur des exploiteurs en tous genres.



La réalité est pourtant toute autre et tellement simple. Trop discrète pour faire la manchette, trop ordinaire pour mériter un quelconque point de presse. Désarmante. Impossible à montrer dans un documentaire. L'Oratoire est un lieu grandement accueillant. Le frère André était un homme qui savait dire « Ça va bien aller! ». Accueillant, simplement. Les gens simples ont besoin de se sentir accueillis pour se sentir bien; d'être accueillis pour se sentir mieux lorsque le malheur ou la misère s'acharne. Nos prédécesseurs et nos ancêtres étaient des gens simples. Et si on se fie aux deux millions de visiteurs que reçoit encore annuellement l'Oratoire, il y a encore des gens simples.



L'erreur de ce documentaire, c'est de penser que les gens simples sont tous des naïfs.






26 novembre 2004

Espoir, méfiance et scepticisme




Pourquoi cette incrédulité? Parce que nos gouvernements n'arrivent pas à être crédibles. Une des raisons de cet état de fait, c'est qu'ils agissent en marge comme si nous n'existions pas. Un exemple récent : celui du Forum des générations. Au terme de cette consultation en vase clos et entre pairs, le Premier ministre Jean Charest a prononcé une allocution dans laquelle il disait :



À l'issue de ce Forum des générations, j'ai annoncé une série d'actions à court et moyen termes qui vont renforcer le Québec. Ces actions vont permettre la préservation de nos systèmes public de santé et d'éducation et assurer le développement prospère et équitable du Québec. Ces actions reposent sur deux principes qui ont émergé de nos discussions et qui guideront notre action. Le premier, c'est celui du développement durable; du développement durable du peuple québécois. De la même manière que dans le domaine environnemental, nous devons soumettre nos décisions publiques à un critère de base : est-ce que c'est dans l'intérêt de ceux qui nous suivent? C'est ça, le test des générations. Ce principe du développement durable de notre peuple, c'est aussi celui de la responsabilisation de chacun de nous face à notre avenir collectif. C'est aussi celui du juste effort de chacun de nous. De ce premier principe en découle un deuxième, c'est l'émergence d'une nouvelle solidarité. Et cette solidarité, ce n'est pas celle d'un groupe face à un autre, ou des régions face aux villes; c'est celle de notre multitude face à ses enjeux.



« Le développement durable du peuple québécois » et « l'émergence d'une nouvelle solidarité » : voilà un merveilleux projet collectif au potentiel rassembleur capable de susciter l'espoir et de faire l'unanimité. Jean Charest s'est pourtant contenté d'en parler en privé devant l'aréopage du Forum comme étant deux 'principes' qui guideront l'action de son gouvernement. Pourquoi ne pas en avoir fait un engagement public et n'avoir pas convié toutes les forces vives du Québec à y souscrire et à y travailler? Pourquoi faut-il que la politique se fasse toujours en catimini ou par presse interposée? Comme si seuls les 'nobles', les lobbyistes, les groupes de pressions et les gens de la presse écrite ou électronique avaient élu le Gouvernement.



C'est ce que je me disais hier en écoutant le ministre Thomas Mulcair entre deux faits divers du journal télévisé. Si le gouvernement était sérieux, l'annonce du 'virage durable' n'aurait pas été faite dans un point de presse devant quelques journalistes. C'est le Premier ministre lui-même entouré de tous ses ministres qui l'aurait faite dans un discours à tout le peuple, télédiffusé à une heure de grande écoute, dans des termes sans faux-fuyants constituant un engagement 'ici et maintenant'.



Telle que faite, l'annonce de l'avant-projet de loi est apparue comme obligée à cause des pressions constantes des environnementalistes, stratégique pour faire suite à l'annonce des principes énoncés au terme du Forum des générations et électoraliste pour satisfaire les attentes des Libéraux, coincidence, en congrès durant la fin de semaine dernière pour préparer la prochaine élection. Les termes mêmes du projet de loi, notamment l'échéancier, confirment d'autre part cette perception. Et que dire du silence des autres ministres? Bonne chance, Monsieur Mulcair; préparez un plan B pour la suite de votre carrière.



Une autre belle occasion complètement ratée par le Gouvernement pour faire renaître la crédibilité politique auprès de la population. C'est à croire que nos élus préfèrent la politicaillerie.








25 novembre 2004

L'art du titre

Aujourd'hui, exercice de lecture sur l'art du titre. L'occasion : la parution d'un numéro spécial du Nouvel Observateur à l'occasion de ses quarante ans.



Après lecture de l'éditorial de Jean Daniel, dans lequel il fait un survol à sa façon des quarante dernières années de son journal et de notre planète, je parcours, amusé, les titres d'archives liés à des extraits de textes reproduits pour l'occasion. Il y a toutes sortes de façons de voyager dans le temps! Vous lisez un titre paru en telle année; vous imaginez de quoi il pouvait bien traiter; vous lisez l'extrait...



Un périple rempli de rétro découvertes et d'imprévus qui réconciliera n'importe qui avec les archives!


24 novembre 2004

Non, je n'ai pas regardé chacun des mille premiers épisodes de « Virginie », mais...

    C'était la millième de 'Virginie' à la SRC ce lundi. Écrire et produire mille épisodes d'un téléroman quotidien est un tour de force; en faire un succès populaire tient de l'exploit. Un exploit d'autant plus remarquable ici que c'est l'oeuvre originale d'une seule et même personne à ce qu'on dit, Fabienne Larouche, conceptrice, rédactrice et productrice de l'émission fleuve de notre télévision publique.


Je n'ai pas regardé chacun des épisodes diffusés ces huit ou neuf dernières années malgré que notre téléviseur, lui, ait été fidèle à nous les présenter jour après jour, du lundi au jeudi. Je pense même qu'inconsciemment, je les ai longtemps boudés. Cette incursion de la fiction téléromancée dans l'école me rebutait à priori : je craignais la récupération, l'étalage des préjugés qui minent le professionnalisme dans le monde de l'éducation, les pierres lancées dans le tas pour avoir la cote auprès des victimes du système.



    C'est en regardant Mémoires d'enfance, l'émission de Denise Bombardier dont elle était l'invitée, que j'ai mieux connu Fabienne Larouche : intarissable et coulant de source en racontant sa prime jeunesse. Si j'avais eu des doutes quant à ses talents de conceptrice, rédactrice et productrice, ils seraient tombés drette là. Si je m'étais questionné quant à l'origine de son inspiration, j'aurais été rassuré rien qu'à l'écouter. C'est une femme toute là, présente et expressive, visiblement heureuse de partager les expériences, les rencontres et les valeurs qui l'ont faite Fabienne. Devant elle, Denise Bombardier, née communicatrice, n'a pas eu d'autre choix, comme nous, que celui d'écouter. C'est que Fabienne Larouche est communicative.


À force de me faire dire qu'il ne fallait pas manquer le prochain épisode, j'ai fini par céder, par me laisser prendre au jeu une fois ou l'autre. Une chose qui m'agace au plus haut point dans le genre téléroman, c'est la nécessité de voir le précédent et le suivant pour comprendre l'épisode en cours, l'intrigue au premier plan découpée en petits morceaux, la présence obligée à jour et à heure fixe devant télécino. À l'usage, j'ai découvert que « Virginie » a ceci de particulier que l'intrigue y est au second plan; au premier plan, c'est la vie intérieure des personnages qui se manifeste, leurs craintes, leurs joies, leurs peines, leurs doutes exprimés. Leurs colères et leurs indignations tout autant. On peut ainsi embarquer, débarquer, rembarquer dans la série sans se sentir perdu : un peu comme dans la vie lorsqu'on reprend contact avec des amis un temps oubliés.



    Fabienne Larouche sait parler de source. Elle sait aussi faire parler de source ses personnages. Le hasard a fait que lundi soir dernier, sur la route 133 entre Saint-Jean et Saint-Armand, j'écoute un spécial « Virginie » 1000.5 pour l'émission Ados-radio. Il s'agissait principalement de dialogues entre les deux jeunes mis sous arrêt après leur prise d'otage et la fusillade qui s'ensuivit (je l'ai su après). J'ai eu alors confirmation que cette émission est faite autant sinon plus pour être écoutée que pour être regardée : elle a du sens. Après, je n'ai pu faire autrement que d'éteindre la radio pour faire le dernier bout du chemin dans le noir silence : les jeunes devraient pouvoir prendre la parole plus souvent, ça nous sortirait de notre vieillissement collectif léthargisant.


Mes préjugés sont tombés. Après neuf ans et 1000 émissions, il était temps! « Virginie » n'est pas un portrait déformé de l'école mais le reflet de notre société à travers elle. L'école y est secondaire, sans doute même méconnaissable pour ceux qui y vivent au quotidien. Ne serait-ce que sur le plan de la communication : à moins que cela ait bien changé, on parle mais on se parle bien peu dans les écoles. Et on voudrait s'entraider plus qu'on ne le peut vraiment. Dans « Virginie », on se parle, on s'écoute, on s'entraide. De la vraie fiction, quoi!



    Malgré mes réticences du premier mille, tout n'est pas perdu pour moi. Heureusement, la série continue. Je retrouverai donc avec plaisir un jour par ci par là les faux profs, les faux élèves et les autres personnages nécessaires pour faire vrai dans les décors d'une fausse école sauf pour ce qu'elle devrait être; j'écouterai tout ce monde parler vrai, laisser jaillir jusqu'à nos oreilles ce qui vient de la source Fabienne. Et je vais me prendre à espérer que d'autres qu'elle fassent de même, que d'autres qui croient et espèrent encore donnent la parole aux jeunes de tous âges.

23 novembre 2004

Ça commerce ici

    Étais-je au Wal-Mart? chez Zeller's?

    Chez Sear's? ou au Canadian Tire?

    Pourtant, c'était hier!

    Maudite mémoire.


................



forêt intérieure de sapinoides tous formats

d'un fort vert imposant sans nuances

ogm* de sapins importés

ou d'épinettes peu importe

sans fleurs ni cônes

sans aiguilles au pied

sans odeur de résine

sans écorce au tronc

arbres de noel à vie

pour ce qui restera d'enfants

50 % sur tous nos modèles pré-décorés



ça commerce ici



décorations plastiques ou tissus synthétiques

par milliers par millions

lumineuses clinquantes inodores

rouge sang faux or et faux argent

plaisirs plein les yeux d'aveuglement

aux restés des enfants à vue

à partir de 19,97 $

70 % sur tout le stock after XXXmas



ça commerce ici



clones de personnages inconnus

grandeur nature de rêve

sortis de contes d'Elsewhere

written in usa made in asia paid in visa

lutins joufflus empaillés souriants

propres bien mis silencieux si tranquilles

pour futurs parents encore hésitants

à partir de 49,97 $

payez et emportez



ça commerce ici



crèches deux modèles petit et moins petit

pour vieux ou grands parents nostalgiques

s.v.p. ne pas ouvrir les boîtes

14,97 $ ou 29,97 $

personnages non inclus

vendus séparément

à partir de 9,97 $

tant qu'il y en aura

collectionnez-les



ça commerce ici



................



    Je me souviens...

    J'étais chez Canadian Tire, « Ça commence ici », curieux de voir qu'est-ce qui commence... En entrant, j'ai tout de suite repéré les quatre énormes lettres suspendues pour moi au mur nord : N O E L . C'est donc ça « Ça », me suis-je dit. J'ai profité de ce que c'était lundi et encore novembre pour me promener seul parmi d'autres seuls et seules dans les allées engorgées des futurs cadeaux utiles de milliers de Montérégiens qui ne se doutent encore de rien.

    Une absence m'a frappée, la feuille d'érable : de moins en de moins de produits sont marqués de la feuille d'érable rouge omniprésente il y a peu d'années encore chez Canadian Tire... Canadian tired?


................



* OGM : objets générés machinalement



Fiche noelogique : Comment reconnaître le vrai sapin


22 novembre 2004

Le carnetier démasqué

    Réagissant à un billet du poète urbain Karl Dubost, qui laisse entendre que "le carnet Web est bien un masque", Mario Asselin, directeur d'école, se demandait hier tout de go : « Voudrais-je me cacher derrière un masque sans vraiment m'en rendre compte? »


    L'idée du carnet masque est d'autant plus intéressante qu'elle est soulevée ici par un homme qui ne cache ni son identité, ni sa profession, ni son histoire personnelle, ni sa politique éditoriale et qui nous fait partager tous les racoins de sa vie publique. Bien peu de carnetiers et aucun autre directeur d'école ne sont allés aussi loin tout de go à ce jour dans la transparence.


Bien sûr que mon carnet Web est un masque : le nom le dit, Franchement! Comme mes vêtements 'de sortie' sont un masque... Comme les 'mags' de la rutilante Caravan '96 devant la porte et les feuilles des grands érables devant la propriété sont un masque (un beau masque à l'automne)... Comme mes cheveux fraîchement coupés et ma barbe fraîchement rasée, lorsqu'ils le sont, sont un masque... Comme le style, les couleurs, les mots et la ponctuation de ce carnet sont un masque... Nous avons chacun nos masques dans le grand bal masqué de la vie. Jeu réel ou virtuel. Habileté perceptuelle et acuité sensorielle, capacité d'instinct et d'intuition, aptitude à écouter, regarder, lire dans les yeux ou entre les lignes... Fruit d'expériences, succès, échecs... Réflexe de se méfier ou de faire confiance un peu, juste assez ou trop... Mascara, mascarades...



Un masque n'est pas un mensonge en soi; tant qu'on le perçoit comme tel, tant que c'est un vrai masque. C'est alors une clé, un révélateur qui fait mieux connaître sinon ce qu'on est, ce qu'on pense être et ce qu'on essaie d'être, du moins ce qu'on voudrait ou aimerait être. Il n'y a pas de séduction sans masque; pas de relation. Que sont les fleurs sinon des masques? Et puis nous avons l'air de quoi sans masques?



La difficulté, c'est de distinguer le vrai masque du faux : pas facile car le vrai masque est visiblement faux et n'essaie pas d'être autre chose qu'un masque; alors que le faux donne l'impression d'être vrai et fait tout pour se donner des airs de vérité. Pour risquer de s'y moins tromper dans les masques, il faut prendre le temps de les apprivoiser. Le vrai masque perdure et se laisse apprivoiser; le faux masque, quant à lui, finit toujours par être démasqué.




21 novembre 2004

Mises à jour

On apprend avec les années qu'il n'y a pas cinquante-six façons de bien (ou de ne pas) vieillir, il n'y en a qu'une : faire des mises à jour.



On apprend aussi qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Assis dans une chaise ergonomique devant un écran ViewSonic, main gauche sur un clavier Compaq, main droite sur une souris Targus, je ne pose pas et je ne me repose pas. Non; je fais les mises à jour qui s'imposent.



Hier, par exemple, seulement pour être à jour avec Internet... J'ai poursuivi le rafraîchissement de Saint-Armand-sur-le-Web pour le faire passer du HTML au XHTML (la programmation Web s'approche de plus du traitement de texte avec les feuilles de style CSS mais encore faut-il, pour en profiter, se mettre à jour); j'ai téléchargé le plus récent navigateur Web, Mozilla Firefox 1.0 (trop tôt pour en juger mais, à première vue, plus rapide que Netscape 7 et Explorer 6), j'ai installé le fil RSS de l'inestimable formateur virtuel Thot dans mon agrégateur Bloglines (carrefour-source de la plupart de mes mises à jour) et j'en oublie... Ah, oui! J'ai commencé à expérimenter l'outil fort prometteur Google Scholar (découvert via Martin Lessard et Eric Baillargeon).



Mais aussi, hier, j'ai fait le point sur la et sur ma philosophie avec Michel Onfray en lisant son article dans Le Monde diplomatique : Misères (et grandeur) de la philosophie. Pour m'apercevoir que, là aussi, j'aurais besoin d'une sérieuse mise à jour.



Dans cet article, les grands philosophes d'hier (les clercs médiatiques) en prennent un coup pour avoir été « à la solde des idéologies » et « complices des pouvoirs en place ». De telles affirmations vous sortent de votre torpeur philosophique tranquillement acquise. D'autant plus que le bilan concret dressé par l'auteur de l'influence des 'grandes' philosophies (dont la dernière est le libéralisme) sur notre monde actuel est difficile à contester :



Le bilan est connu : désespérance politique, abstentionnisme record, affairisme des partis qui se remplacent au pouvoir, violences urbaines, délinquance accrue, chômage exponentiel, précarité exacerbée, délocalisations assorties désormais de menaces patronales, recul du social, racisme, xénophobie, antisémitisme, misères sociale, sexuelle, mentale, intellectuelle, affective, triomphe de la médiocrité marchande sur les chaînes de télévision et chez bon nombre d'éditeurs, démembrement des politiques de santé, d'éducation, de culture, etc.


Pour ne pas déprimer, c'est-à-dire pour ne pas 'âger' prématurément, il n'y a qu'une alternative, celle de développer ou de mettre à jour sa propre philosophie. Ou revenir à la sagesse de l'antiquité, cet « état de béatitude entre soi et soi, soi et les autres, soi et le monde ».



Michel Onfray n'y va pas avec le dos de la cuillère pour brasser la cage des intellectuels satisfaits :



Laissons de côté l'Université, qui reproduit le système social, enseigne une historiographie fabriquée par elle et pour elle sur mesure -- platonisme, idéalisme, christianisme, scolastique, thomisme, cartésianisme, kantisme, spiritualisme, hégélianisme, phénoménologie et autres occasions de ne pas trop toucher au monde comme il va... Puis retrouvons des formes pour pratiquer autrement la philosophie.


Dans cet esprit, il propose la formule de l'Université populaire. Il propose aussi de fréquenter des « philosophes qui pensent notre modernité de manière critique » : Jacques Derrida, Alain Badiou, René Schérer, Jacques Bouveresse, Noam Chomsky, Raoul Vaneigem, Toni Negri, Annie Le Brun, André Gorz, François Dagognet, Bernard Stiegler et lui-même... Une mise à jour qui ne fait que commencer pour moi, à ce que je vois, mais nécessaire pour m'imprégner de « la fécondité d'une pensée contemporaine, vivante, critique, qui montre la vitalité d'une philosophie faisant front à celle qui collabore avec le monde comme il va ». Bref, la mise à jour de mon espérance.


20 novembre 2004

La cuisine du livre

    Faute de pouvoir aller au Salon du livre qui se tient cette fin de semaine à Montréal sur le thème « Le livre est servi! », je vais faire un peu de cuisine littéraire du côté américain.


NaNoWriMo - J'ai fait récemment la découverte de NaNoWriMo. Sous cet affreux acronyme se cache une géniale activité pour réveiller l'écrivain qui sommeille peut-être en nous. En 1999, Chris Baty a lancé le National Novel Writing Month. C'est simple, mais il fallait y penser : pour devenir écrivain, il faut d'abord écrire! Pourquoi ne pas lancer un concours d'écriture : vous avez un mois pour rédiger une oeuvre de fiction de 175 pages! Et ce mois, c'est novembre. La procédure est minimale : on s'inscrit sur le site, on écrit une moyenne de 1 667 mots (cinq à sept pages!) par jour du 1er au 30 novembre. Quand le nombre de mots y est, on verse le document sur le site de NaNoWriMo où le décompte est officialisé : s'il y est, notre nom apparaît parmi les 'winners'. Le texte n'est ni lu, ni conservé; comptabilisé informatiquement seulement, l'objectif étant strictement d'écrire 50 000 mots en un mois -- on peut même tricher si on a du temps à perdre. Génial, je vous dis! Depuis 1999, près de 42 000 personnes se sont inscrites, dont 1 400 du Canada (dix du Québec, en français). Bien sûr, tous ne se rendent pas jusqu'au bout : 10 % en 2003, mais autant d'écriv... eurs ou eures qui n'auraient sans doute jamais écrit sans ce défi majuscule à relever. En 20XX, je m'inscrirai.



Nanoblogmo - Cette année, un blogue collaboratif est né dans le cadre de NaNoWriMo : nanoblogmo (nanoblogmo, pourquoi pas!). Le blogue peut servir comme espace d'écriture ouvert pour qui s'inscrit au concours. Les sources d'inspiration sont étonnantes! Des centaines de participants l'utilisent, nous permettant ainsi de suivre l'évolution de leur 'oeuvre' ou de leur expérience et d'y verser des commentaires. Certains se servent du blogue simplement pour exprimer au jour le jour comment ils vivent ce défi et comment ils réussissent à le relever ou pas.



RYW - Écrire, c'est une chose; devenir écrivain, c'est une toute autre chose. Est-ce que les lecteurs vont s'intéresser à ce que j'écris? Le site Rate Your Writing (Writers Helping Writers) offre un espace pour mettre nos écrits à l'épreuve. On s'inscrit, on y verse un texte, des lecteurs en font la critique. Un aspect inattendu de la formule : on apprend aussi beaucoup en lisant les critiques des autres textes...



En dernière heure, j'ai découvert un site français d'aide à l'écriture : Plumes du Net. J'ai cependant été rebuté par l'architecture du site et sa présentation graphique : peut-être vous y retrouverez-vous mieux que j'ai pu le faire.





19 novembre 2004

D'homme à hommes

    « Rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais su contrôler mes démons et mes émotions. » (Lettre de Guy Cloutier)


    De l'affaire de notre maintenant célèbre producteur, c'est ce que je retiens. Les autres violeurs qui ont fait la une des médias cette semaine et toutes les autres avant auraient pu faire la même déclaration. Ceux qui feront encore la une, également.


Les médias font leurs choux gras des déviations sexuelles. Ils connaissent leur monde; ils savent nous titiller au bon endroit. Évoquer. Dire sans trop dire, montrer sans trop montrer, expliquer sans trop expliquer, juger sans trop juger, condamner sans trop condamner. En garder pour la prochaine édition. Et surtout, surtout, ne pas parler de la responsabilité des médias dans la sursexualisation de notre société et dans la promotion de la femme objet, notamment par l'étalage des cas de déviations à caractère sexuel, sous le couvert du droit que nous avons à l'information et au droit qu'ils ont à la liberté de presse.



Conséquences de cette 'hommerie' médiatisée... On peut s'en parler d'homme à hommes? C'est à te flanquer la honte d'être un homme. C'est à te faire douter de l'hommanité. C'est à te demander si le petit de l'homme est homminisable, c'est-à-dire self-contrôlable. C'est à te décourager devant la démission paternelle. Parce que s'il y a de plus en plus de 'mères monoparentales' c'est qu'il y a de moins en moins de pères, donc d'hommes; mais les hommes qui font les statistiques feignent de l'ignorer. Il y a aussi de moins en moins d'hommes dont la fierté manifestée est celle d'être l'homme d'une femme et le père de leurs enfants. La fidélité et la paternité ne sont pas médiatiquement rentables; mais la promotion de la bête et de la bêtise l'est. L'argent nous aurait-il rendus bêtes?


18 novembre 2004

Je vois...

Les bulletins d'informations ne peuvent pas tout dire ni tout montrer.


En entendant SOUTIEN À BOMBARDIER, je vois dans mon rétroviseur notre compagnie phare québécoise fermer ici, ouvrir ailleurs.


En entendant AIR CANADA EN INDE, je vois dans mon rétroviseur notre plus grande compagnie d'aviation canadienne devenir de moins en moins canadienne.


En entendant PROFITS RECORDS POUR HYDRO QUÉBEC ET POUR LES BANQUES, je vois dans mon rétroviseur les augmentations récentes de mon compte d'électricité et les frais bancaires sans cesse révisés à la hausse.


En entendant GUY CLOUTIER PLAIDE COUPABLE, je vois dans mon rétroviseur que les classes qui dominent notre société sont épargnées par des qualificatifs irréparables comme pédophiles et fraudeurs, mots réservés aux petits minables.


En entendant SURPLUS BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, je vois dans mon rétroviseur les enfants et les femmes ce ce pays vivant sous le seuil de la pauvreté et dépendant des banques alimentaires pour survivre.


En écho

Une société qui donne à sa jeunesse un accès à la philosophie, tout comme à la littérature qui en constitue le versant poétique, est une société qui favorise la liberté et le choix de la rationalité contre l'aliénation et la domination des idéologies. Elle est aussi une société qui donne à sa jeunesse la possibilité de parler; elle la délivre de son mutisme.


Dans ses rapports avec l'État, la philosophie est à la fois un facteur de distance et de politisation : elle donne au jeune la pleine souveraineté sur son existence en lui fournissant le langage qui lui permet de se mettre en question et de discuter aussi bien des visions du monde que des enjeux sociaux. De ce point de vue, elle favorise un individualisme qui est la conquête principale de la modernité : être soi-même.


Mais dans le même geste, elle inscrit ceux qui entrent dans l'espace de la réflexion, dans la vie de la discussion démocratique, en leur montrant la nécessité du dialogue et le caractère essentiel de l'argument. Ce seuil est celui de la vie dans la cité. Distance sans détachement, liberté dans la solidarité. Qui voudrait aujourd'hui renier ces finalités, qui voudrait interrompre la transmission de cet idéal kantien qu'une longue histoire a maintenu dans nos collèges depuis qu'ils portent ce nom?

L'enseignement de la philosophie aujourd'hui - Sapere aude: ose juger..., par Georges Leroux, Académie des lettres du Québec, dans ledevoir.com, édition du jeudi 18 novembre 2004





Je suis inquiète. Quand un gouvernement souhaite exclure la littérature de l'enseignement supérieur, je me demande quelles sont ses véritables motivations. L'univers littéraire, au même titre que la philosophie, présente comme possible la compréhension de l'homme et de certains de ses comportements. Cet univers, qui se veut bien souvent le reflet de la vie, d'une époque, permet le développement d'un sens critique. Serait-ce donc de cela que le gouvernement veut se prémunir : le sens critique de ses électeurs? Quand les dirigeants veulent éliminer les cours de littérature de l'enseignement supérieur, c'est à tous les despotes qui ont fait s'exiler des Voltaire et des Hugo que je pense. Quand un ministre se prépare à rayer les cours de littérature de l'enseignement supérieur, je pense qu'il veut servir des intérêts financiers et qu'il ne se préoccupe guère de la qualité des citoyens qu'il exigera que l'on forme.


Lettres: À quoi ça sert de savoir ça?, par Marie-Ève Vaillancourt de Sept-Îles, dans ledevoir.com, édition du jeudi 18 novembre 2004





17 novembre 2004

Les Bougon décadents? De plus en plus.

J'ai déjà dénoncé ici le côté décadent des Bougon lorsqu'ils sont tombés dans le 'freakshow'. Dans une lettre au Devoir, Jeannot Vachon dénonce aujourd'hui comment les auteurs ont réussi à banaliser l'exploitation sexuelle infantile dans leur dernier 'show' :


Pourquoi tout d'un coup l'exploitation sexuelle infantile n'est-elle plus un sujet tabou? Pourquoi peut-on en présenter des scénarios dans une comédie à grosses cotes d'écoute à des heures où de jeunes yeux peuvent constater que les parents n'ont aucun scrupule à ce sujet car ils en rient de bon coeur? Quelles sont les limites qu'on impose à cette émission? Radio-Canada a-t-elle vraiment besoin de jouer à la roulette russe avec la sexualité infantile pour stimuler ses cotes d'écoute? Ce que les enfants retiendront de cette émission, en plus de la banalité de semblables gestes, est le côté payant de la sexualité, à la fois en tant que client qu'en tant que travailleur du sexe.

Quelles limites aux Bougon?, Jeannot Vachon, dans ledevoir.com, édition du mercredi 17 novembre 2004


Que répondrait cette fois Michel Trudeau, producteur de l'émission? Que « les auteurs des Bougon ont au moins le courage (...) de prendre le risque d'être très mal compris »? Que « l'épisode ne visait pas du tout à [banaliser l'exploitation sexuelle infantile] mais plutôt à mettre l'accent sur notre indifférence »? Que « c'est aussi ça la vie »?



Jeannot Vachon pose la bonne question : Quelles limites aux Bougon?



16 novembre 2004

Anguille sous roche

Dans tout ce qui s'appelle commerce digne de ce nom, ces jours-ci, c'est la surabondance. Comme dit une certaine pub, il y a des tonnes... de jouets, de friandises et de victuailles, d'objets pratiques, fétiches ou culturels aux allures de cadeaux, de pacotilles ordéco à vous déclencher des allergies au rouge, au vert, à l'or et à l'argent. J'ai fait le tour hier avec d'autres curieux. Les Canadian Tire, Sears, Zeller's, Wal-Mart, Maxi et autres compagnies bien québécoises débordent d'articles en tous genres, made in China pour la plupart; certaines de leurs allées sont même à sens unique tellement elles sont engorgées d'empilades. Il y a anguille sous roche. Quelque chose se prépare : ça se sent. On ne fait pas de telles réserves pour rien; mais pourquoi? Une invasion asiatique? Une razzia terroriste? Une occupation double américaine? Un siège kanesatakéen? Un cataclysme environnemental fondant appréhendé?



Le seul indice que j'ai trouvé jusqu'à maintenant, c'est ce message sous la grande enseigne de Canadian Tire : « Ça commence ici ». Je suis l'affaire et on s'en reparle.


15 novembre 2004

Générosités

Chez Changethis

The Bootstrappers Bible, par Seth Godin

(Un best seller en marketing téléchargeable gratuitement pendant deux semaines)



Chez Webch@ntier

Logos, drapeaux et emblèmes

(Téléchargeables gratuitement en format vectoriel)



À l'OQLF

Banque de dépannage linguistique : pour bien écrire.

(via Les trouvailles de Pierre. Tout son site est un cadeau!)



14 novembre 2004

Le dernier révolutionnaire

Yasser Arafat aura été le dernier révolutionnaire. Le temps des révolutionnaires est maintenant révolu. Avec lui passe à l'histoire ce type d'hommes qui s'identifiait à son peuple pauvre, brimé, exploité, humilié, et qui consacrait le meilleur de sa vie à redonner une fierté aux siens, allant même jusqu'à prendre les armes et mourir pour la cause...



Dans ce troisième millénaire, les révolutionnaires ne sont plus tolérés; dès qu'ils se pointent en sortant des rangs contestataires, ils sont éliminés, isolés ou récupérés. Parce que les révolutionnaires sont des gens d'influence et d'action capables de susciter la prise de conscience, la solidarité et le changement autour d'eux; ils sont donc une menace terrorisante pour la minorité démocratiquement favorisée, exploitante, altière et sécurisée.



Il n'y a plus maintenant de révolutionnaires; que des terroristes. Il n'y a plus de peuples pauvres et brimés; que des peuples sous-développés négligés par l'histoire et la géographie. Il n'y a plus de gens exploités et humiliés; que des contrecoups des transformations positives de la macroéconomie dans un contexte de globalisation et de vieillissement de la population occidentale.



Chez nous, par exemple, pourquoi aurait-on besoin de révolutionnaires même tranquilles maintenant que la sécurité du revenu par dépôt direct est institutionnalisée et indexée? De quoi peuvent vraiment se plaindre les femmes avec les enfants qu'elles ont bien voulus, les précaires, les partiels, les sur-appel, les saisonniers, les à-contrats, les pseudautonomes, les emploiabilitables, les afendettés, les hydrocoupés, les sans-statut, les sans-abri ni logis, les loto et narco dépendants, les en perte d'autonomie sans aidants naturels et les prestataires sous-le-seuil? La solidarité n'a-t-elle pas maintenant son ministère et même son fonds? L'entraide n'est-elle pas maintenant centraidalisée? Le partage n'est-il pas au coeur de la plus longue fête de l'année pour les publicitaires, les médias et les fabricants d'aliments non périssables?



On n'arrête pas le progrès. N'empêche! C'est bien dommage qu'il n'y ait plus de place dans notre société pour quelques révolutionnaires déclencheurs de fierté et rassembleurs d'espoirs. Je ne suis pas certain qu'on y ait gagné au change démocratique et humain en les remplaçant par des terroristes...


13 novembre 2004

Syndrome

Ç'a commencé le 9 : je me suis mis à vouloir regarder les deux cent milliards d'étoiles de la galaxie d'Andromède à vingt-cinq milliards de milliards de kilomètres d'ici.


Le lendemain, je me suis pris à regretter de ne pas avoir connu les cent milliards d'humains ayant vécu sur Terre depuis les débuts de l'humanité.


Le 11, ç'a été plus fort que moi, j'ai pensé que pour s'entretuer en si grand nombre de guerre en guerre et tout détruire sur leur passage, les hommes devaient créer des milliards d'armes en temps de paix.


Hier matin, drôle de question restée en plan : combien de temps ça me prendrait pour consulter les huit milliards de pages Web indexées dans Google? En après midi, calculatrice en main, j'ai compté combien d'années il me faudrait pour retirer les deux milliards de profit d'Hydro-Québec dans un guichet automatique compte tenu de la limite quotidienne : 2 740 ans!


Docteur, est-ce que j'aurais le syndrome du milliardaire?



12 novembre 2004

Ne rien manquer

Une des dernières trouvailles superimaginatélécréatives, c'est le compte à rebours chronométré bien visible en coin du petit écran pendant une dernière pub sur couleur criante surplombant les restes du générique -- ainsi rentabilisé lui aussi, enfin! Trouvaille géniale pour le diffuseur en mal de cote, généreuse pour le publicitaire en mal de profits et combien attentive pour nous en mal de temps plein : ainsi chronométrés, nous ne risquerons plus de passer outre aux nom(bre)s bien tassés dans le bas, ni d'échapper dans le haut aux produits en santé financière, ni de rater (s'il fallait!) la première seconde de l'émission suivante meilleure que la précédente, le décompte en faisant foi : 5, 4, 3, 2, 1... c'est parti, tout est là, dans les premières images! Merci, merci, merci, gens de la pubsrc, d'avoir enfin compris que nous ne voulons rien manquer, rien.



Internet n'est pas en reste. Ainsi, dieu sait par quel stratagème superalgorithmocréatif, Google, vient de doubler son nombre de pages recensées, dépassant maintenant les huit milliards -- les galaxies seraient-elles menacées de perdre leur supériorité numérique? Merci, gens de GOOG, de la part de nous tous qui n'arrivons pas à nous contenter de la superpubtélé, d'ainsi contribuer à satisfaire notre incommensurable besoin de ne rien manquer, rien.



Merci enfin aux gens d'LG d'avoir compris qu'il fallait ajouter un espace frigo à nos petits écrans pour non seulement ne rien manquer mais aussi, ce faisant, ne manquer de rien.



Merci. De rien. C'est rien.



11 novembre 2004

Aujourd'hui, je me souviens...

Ce sont maintenant des chiffres...


Ont fait la guerre :

7 000
+ 650 000
+ 1 000 000
+ 26 791
+ 125 000
= 1 803 800

  (1899-1902)
(1914-1918)
(1939-1945)
(1950-1953)
(1947-2004)
hommes et femmes

Y ont laissé leur vie :

267
+ 69 000
+ 47 000
+ 516
+ 100
= 116 883

  (1899-1902)
(1914-1918)
(1939-1945)
(1950-1953)
(1947-2004)
compatriotes


(source)





10 novembre 2004

Humour et humour

Humour -- Devinez comment j'ai trouvé la plus belle définition de l'humour à ce jour? En poursuivant mes réflexions sur la mort! Eh bien, oui : dans le Dossier sur la mort, le philosophe humoriste Doris Lussier (le 'père Gédéon', pour ceux et celles qui l'ont connu) nous donne sa conception de l'humour, une conception qui, si elle trouvait preneurs chez nos p'tits comiques -- qui glissent trop souvent dans la facilité et l'épaisseur --, donnerait au genre ses lettres de noblesse :



Je vais vous faire une confidence. J'aimerais mourir comme j'ai vécu: avec humour. L'humour, c'est l'état de grâce de l'intelligence. C'est la conscience de la relativité des choses humaines. C'est le premier mot de la culture et le dernier de la sagesse. Humour, humus, humilité, humain: quatre mots qui ont la même racine parce qu'ils signifient des réalités qui sont de même famille. L'humour, c'est le frère laïque de l'humilité. Et souvent le fils de la charité.


Grâce à l'humour, je me suis habitué à voir ma mort dans une perspective de sérénité amusée. Comme les vieux philosophes stoïques de l'Antiquité. Je suis même allé, l'autre jour, faire graver mon épitaphe chez un monumenteur de ma paroisse. Si, si... c'est vrai. L'épitaphe étant la dernière vanité de l'homme, j'ai fait inscrire sur ma pierre tombale les mots suivants: Doris Lussier, 1918 - (j'ai laissé l'autre date en blanc, pour ne pas provoquer la Providence) et j'ai fait écrire: "Je suis allé voir si mon âme est immortelle!".


(Doris Lussier, « La mort vivante », dans Le chant du cygne, Encyclopédie de l'Agora. Il est décédé en 1993.)


Et humour -- Ce genre d'humour se retrouve aujourd'hui, croyez-le ou non, dans Le monde diplomatique. Ce mensuel français des plus sérieux nous propose un texte de l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano (ne pas confondre avec Galliano, s.v.p.!) intitulé : Sens dessus dessous. Une page à lire avec le sourire.
Énigmes (extraits)

- Pourquoi personne, pas même le Bon Dieu, ne peut comprendre ce que disent les experts en communication?

- Pourquoi les livres d'éducation sexuelle te coupent-ils toute envie de faire l'amour pendant plusieurs années?


Points de vue (extraits)

Du point de vue des autochtones, ce qui est pittoresque, c'est le touriste.

Du point de vue d'un ver de terre, une assiette de spaghettis est une orgie.

Utopies (extraits)

Nous allons porter les yeux au-delà de l'infamie, pour deviner un autre monde possible. Un autre monde où :

- les gens ne seront pas conduits par l'automobile, ni programmés par l'ordinateur, ni achetés par le supermarché, ni regardés par la télé;

- le téléviseur cessera d'être le membre le plus important de la famille, et sera traité comme le fer à repasser ou la machine à laver;

- les gens travailleront pour vivre au lieu de vivre pour travailler;

- on introduira dans le code pénal le délit de stupidité, que commettent ceux qui vivent pour posséder ou pour gagner, au lieu de vivre tout simplement pour vivre, comme un oiseau chante sans savoir qu'il chante et comme un enfant joue sans savoir qu'il joue;

- les économistes n'appelleront plus niveau de vie le niveau de consommation, et n'appelleront plus qualité de vie la quantité de choses;

- les historiens ne croiront pas que les pays sont enchantés d'être envahis;

- les politiciens ne croiront pas que les pauvres sont enchantés de se nourrir de promesses;

- la solennité cessera de croire qu'elle est une vertu, et personne ne prendra au sérieux l'individu incapable de rire de lui-même;

- la mort et l'argent perdront leurs pouvoirs magiques, et le décès ou la fortune ne feront pas d'une canaille un homme vertueux;

- nul ne sera considéré comme un héros ou un imbécile parce qu'il fait ce qu'il croit juste au lieu de faire ce qui lui convient le mieux;

- le monde ne sera plus en guerre contre les pauvres, mais contre la pauvreté, et l'industrie de l'armement n'aura plus d'autre solution que de se déclarer en faillite;

- la nourriture ne sera pas une marchandise, ni la communication un commerce, parce que la nourriture et la communication sont des droits humains;

- nul ne mourra de faim, car nul ne mourra d'indigestion;

- l'éducation ne sera pas le privilège de ceux qui peuvent la payer;

- la justice et la liberté, soeurs siamoises condamnées à vivre séparées, seront à nouveau réunies, épaule contre épaule;

- une femme noire sera présidente du Brésil et une autre femme, noire, présidente des États-Unis; une Indienne gouvernera le Guatemala et une autre, le Pérou;

- l'Église dictera aussi un autre commandement que Dieu avait oublié : « Tu aimeras la nature, dont tu fais partie »;

- les déserts du monde et les déserts de l'âme seront reboisés;

- la perfection restera l'ennuyeux privilège des dieux, mais, dans ce monde fou et foutu, chaque nuit sera vécue comme si elle était la dernière et chaque jour comme s'il était le premier.

Eduardo Galeano, « Sens dessus dessous », dans Le monde diplomatique, septembre 2004.






09 novembre 2004

.devue

Le ciel du mois - novembre 2004

En ouvrant les yeux, un peu avant l'aube, j'ai d'abord vu dans le ciel sud-est le croissant de lune. En me levant, j'ai pu voir sous la lune, deux points lumineux particulièrement brillants dans le ciel encore noir. Je me suis rappelé qu'hier Jocelyne, notre météorologue depuis toujours, avait mentionné que Jupiter et Vénus étaient bien visibles ces matins-ci par temps clair. Et je me suis laissé séduire par ce spectacle galaxique.



Mais je ne m'y suis pas laissé prendre. Ces trois planètes toutes brillantes qu'elles paraissent ne font en fait que refléter la lumière du soleil, bien caché à cette heure.



Une page que j'aime consulter périodiquement, c'est Le ciel du mois, sur le site du Planétarium de Montréal. Pour me garder les deux pieds sur terre :



Le ciel de l'automne offre une occasion de découvrir un des objets les plus fascinants du ciel étoilé : la galaxie d'Andromède, une agglomération de plus de 200 milliards d'étoiles. Située à plus de 2,5 millions d'années lumières, soit 25 milliards de milliards de kilomètres, la galaxie d'Andromède est l'objet le plus lointain que l'on puisse observer sans instrument d'optique. À l'oeil nu, elle nous apparaît comme une petite tache floue. On ne perçoit alors que la partie la plus brillante de la galaxie, soit le noyau.


Il ne faut pas se fier aux apparences; on ne voit toujours qu'une très infime partie de la réalité, celle de notre .devue.



    J'espère que Sophie DesRosiers et le Planétarium ne m'en voudront pas d'avoir piqué un petit morceau de leur figure.


08 novembre 2004

Le regard éternisé

Rien de plus simple que de voyager dans le temps. Sans faire de fiction, réellement. Hier j'ai fait un saut de quatre-vingt-dix ans dans le temps en ajoutant cette photo dans le photoblogue Jos parmi les siens. J'ai vraiment revécu à travers l'oeil du photographe l'instant où Germaine recevait de ses cousines sa première et sa dernière leçon de bicyclette. J'y étais, je vous l'assure... Elles ont toutes les quatre à St-François-de-Sales en 1915 posé pour moi à Saint-Armand en 2004!


-- Arrêtez, j'vais prendre une photo avec mon kodak.

-- Bonne idée. Pour une fois que Germaine accepte de faire du bicycle...

-- Ça va comme ça, devant la rivière?

-- J'ai peur de tomber!

-- Crains pas, on te tient bien.

-- J'suis pas montrable; j'vais rester en arrière!

-- Ça va faire une belle photo, en plein soleil!

-- Tout le monde regarde le p'tit oiseau...

-- Vite! J'vais tomber...

-- Clic!


Vous avez vu leur regard! Le regard, c'est la vie manifestée, c'est l'âme de l'être. La photographie, c'est l'art d'immortaliser le regard.



07 novembre 2004

Le profit équitable

    J'ai revu le reportage de Zone libre : La fermeture d'Alcan. J'avais bien entendu : Alcan veut doubler ses profits d'ici les cinq prochaines années. J'avais bien entendu : la nouvelle usine produira cinq fois plus (450 000 tonnes au lieu des 90 000 jusqu'à récemment) après avoir éliminé les deux tiers des emplois (il reste 600 des 2 000 emplois). J'avais bien entendu : le lac Saint-Jean appartient à Alcan, et la rivière Saguenay en bonne partie, et la rivière Péribonka, et les quarante-quatre barrages qui lui permettent de produire 27 % de l'électricité au Québec. J'avais bien entendu : tout cela légalement, selon un bail à long terme signé avec le gouvernement unioniste du Québec des années 1950, renforcé par le gouvernement libéral du Québec des années 1960 qui a exclu les centrales hydroélectriques d'Alcan de la nationalisation, et renouvelé sans conditions avec le gouvernement péquiste au début des années 1990.


Voilà un exemple parfait de l'appétit aveugle des grosses entreprises favorisé par nos lois. Un exemple parfait de l'aplat-ventrisme électoraliste de nos gouvernements. Un exemple parfait de la domination émergente de la technologie sur l'humain. Un exemple parfait de la main mise du capital sur des ressources qui appartiennent à la collectivité. Un exemple parfait du colonialisme économique qui caractérise de plus en plus les compagnies supranationales. Un exemple parfait du double discours nationaliste québécois.



Comment se fait-il que nos élus ne font rien pour civiliser le profit à l'heure du remplacement de la ressource humaine par la technologie? Rien pour partager les profits issus des ressources collectives alors qu'il y a de moins en moins de retombées sous forme d'emplois? Rien pour rétablir un minimum d'équité économique?



ÉQUITÉ, subst. fém. Principe impliquant l'appréciation juste, le respect absolu de ce qui est dû à chacun. (TLFi)


Il me vient un flash. Ce qui se passe dans la Ligue nationale de hockey est le miroir des disparités qui caractérisent toute notre société. Sur la glace, bien protégés, les millionnaires qui s'amusent, les yeux rivés sur la rondelle tout en ayant en tête leurs bénéfices et leurs placements. Dans les gradins, ceux qui peuvent encore assister de près au spectacle en payant le prix que veulent les amuseurs sur patins, Molson Export dans une main, hot dog relish moutarde dans l'autre. Hors du Centre Bell, devant leur télé branchée sur Bell Express VU, ceux qui doivent se contenter de regarder patiner les millionnaires à distance sur Bell RDS parce qu'ils n'ont pu payer leur part aux célèbres patineurs qu'en redevances publicitaires en achetant leurs chips et leur pop corn en spécial chez Wal Mart.



Il faudra bien qu'un jour nos élus décrètent à leur tour un lock-out économique. Négocier avec les grands joueurs, les pros du capital, quelque chose comme un seuil de richesse, pour pouvoir assurer un seuil de pauvreté aux exclus. Parce que, même sous bail, le territoire et les ressources naturelles appartiennent à la collectivité qui a des droits ancestraux et de bon sens sur son exploitation; et que les exclus du profit font aussi partie de la collectivité. On peut même prévoir quand aura lieu ce lock-out : le jour où la sécurité nationale mise en place sous prétexte de menace terroriste ne pourra plus contenir la majorité brimée.



Dire que j'ai déjà été fier d'Alcan. Un parfait exemple de ce que peut faire la publicité.


06 novembre 2004

La laine sur le dos

    En marge de l'excellent reportage privé de Zone libre, La fermeture d'Alcan, je ne puis retenir cette fois la révolte qui me ronge chaque fois que le pillage légalisé de nos ressources humaines et naturelles soi-disant pour notre bien-être économique revient dans l'actualité.


Je ne suis pas d'une région, ni d'un parti, ni d'un groupe de pression, ni d'une idéologie, ni d'une religion intégriste quelconque. J'ai passé l'âge habituel de la révolte; j'ai plutôt celui de la sécurité douillette bien méritée.



Mais je suis révolté qu'en 2004 on se fasse encore 'manger la laine sur le dos'!



Je suis révolté du sort dévolu aux travailleurs qui ont sacrifié le meilleur de leur santé et de leur vie pour des compagnies qui les traitent moins bien que les machines appelées à les remplacer. Alcan est l'exemple type de ce que vaut pour la 'grande' entreprise la ressource-machine humaine : de la chair à profits.



    Je leur rends hommage en même temps à ces travailleurs et travailleuses qui ont cru et espéré au point de tout donner pour leur compagnie et de faire des enfants pour assurer la relève de la ressource humaine des maître des lieux.


Je suis révolté d'avoir été trahi par des gouvernements qui ont vendu à des exploiteurs étrangers des grands pans du territoire que nous avaient légué nos ancêtres autochtones et canadiens français puis anglais puis autres. Ces gouvernements, nous les croyons nôtres mais ils ne le sont pas : comment peuvent-ils l'être pour nous vendre sans conditions pour un petit pain? « Maîtres chez nous! », nous le savons maintenant, est le fruit d'une erreur typographique. Alcan, Noranda, Abitibi, etcaetera avaient comme slogan : « Maîtres chez vous! ».



    J'aimerais bien voir la carte géographique de l'appartenance réelle des régions du Québec. Au lieu des noms touristiques fictifs, y voir les noms des compagnies qui, légalement -- ce qui ne veut pas dire légitimement -- se les sont appropriées et qui se les approprient encore avec l'aval béant de nos élus béats. À qui donc appartient le Québec? Après les libéraux et les unionistes, même les péquistes nous ont bernés avec 'Le Québec aux Québécois!' en perpétuant l'exploitation sauvage du Québec sans retombées réelles pour les Québécois en région : les villages ressemblent de plus en plus à des réserves, à une revanche des Indiens.


Je suis révolté du virage capitaliste à tout prix qu'on pris les syndicats. D'opposition lucide et socialement engagée pour améliorer le sort de leurs membres, les grandes centrales sont devenues des fonds lucratifs pour actionnaires opportunistes tirant profit à la fois des gouvernements et de l'entreprise. Les choix syndicaux sont maintenant déterminés par les cotes boursières; la syndicalisation, oui, mais à la condition que vos emplois soient hautement rentables pour les actionnaires!



    Nous ne pouvons donc plus compter sur les grands syndicats pour dénoncer l'exploitation de la ressource humaine non rentable.


Je suis révolté par les oeillères et les muselières que portent nos médias même publics. L'économie et les profits à tout prix contrôlent les médias. Les dossiers même chauds ne lèvent qu'une partie des voiles : il ne faut pas en dire trop, il ne faut pas en montrer trop, il ne faut pas insister trop longtemps. Du matin au soir, la nouvelle évolue, se reformule jusqu'à devenir économiquement et politiquement correcte. Il ne faut pas provoquer. Seule exception : la nouvelle judiciaire juteuse, la nouvelle sans risques par excellence car les protagonistes en cour sont déjà accusés, arrêtés, condamnés, emprisonnés... Haro sur les baudets mais patte blanche devant les maîtres!



    En regardant la rediffusion de La fermeture d'Alcan (RDI, ce soir à 21 h 30 hne), je serai encore plus attentif au ton et aux mots utilisés pour décrire le comportement de la compagnie et de ses dirigeants : en première audition, j'ai senti le dos de la cuillère et les gants blancs. Comme s'il ne fallait pas provoquer le dieu du Saguenay en montrant le véritable 'corridor de l'enfer'.


Je suis révolté par le silence de nos intellectuels et spécialistes retraités, pré-retraités ou qui préparent leur retraite. Eux qui étudient, eux qui savent, eux qui voient venir mais qui ne disent rien, se taisent ou acceptent de se faire taire.



Je suis révolté par notre passivité collective feignant l'impuissance, sentant la résignation, la démission ou l'inconscience, au chaud dans nos hydro-chaumières, les deux yeux fermés devant nos cinémas maisons, en attente de rires à plein volume et à haute résolution après huit heures de travail à temps partiel dont la moitié pour nos gouvernements généreux en fonds perdus.



Je suis révolté par l'attitude altière de l'assurance que donne aux hommes de capitaux les contrats gouvernementaux profitables mur à mur à vie à sens unique. S'ils étaient tolérables au temps des retombées en emplois, ils sont devenus iniques maintenant que des machines productives remplacent les travailleurs mis au ban. Il doit bien y avoir une loi quelque part, non écrite ou dans le droit du bon sens qui défend de légaliser la spoliation des ressources naturelles sans obligation de redevances!






    Quelle part des profits devrait revenir aux collectivités qui fournissent les ressources naturelles et humaines nécessaires pour les générer? Dans un monde plus juste, les profits devraient être répartis 50-50 : 50 % aux actionnaires et 50 % aux travailleurs et à la collectivité. Le développement régional se ferait alors tout naturellement.


    Pour me calmer, je vais maintenant pouvoir regarder en reprise Les Bougons, Laflaque, l'Infoman et le clown Guya. Et peut-être, sait-on jamais, mourir de rire!


05 novembre 2004

Consultations

    -- Docteur, j'sais pas si c'est une maladie mais y a des jours où j'ai l'goût de côtoyer du monde, où j'me sens d'attaque. Mais d'autres jours, c'est le contraire : j'aim'rais mieux voir personne, comme si j'avais besoin de régler des choses avec moi-même avant de m'coltailler avec la réalité. Est-ce que c'est normal, docteur? Est-ce que tout le monde est pareil?


    -- Écoutez, Jean, ça fait assez longtemps qu'on se connaît pour que je vous réponde franchement. Pourquoi pensez-vous que j'ai remis votre rendez-vous de la semaine dernière à aujourd'hui?


Ça m'a rassuré. D'autant plus qu'il m'a aussi dit que mon taux de cholestérol était normal malgré mon poids lourd.



Au retour, j'ai lu la dernière chronique débarrée Hors-jeu de Jean Dion, « Le goût de la crème glacée ». Pour Jean Dion, c'est comme si tout était un simple jeu; même la réélection de G. W. Bush. Ça m'a rassuré.



Malgré la défaite des Redskins de Washington dimanche, les républicains ont conservé la Maison-Blanche. La série de corrélations instituées par Dieu s'arrête donc à 17. Selon mes sources situées un peu partout dans l'au-delà, la raison en est la suivante : Dieu tenait absolument à ce que George Doublevé gagne afin que se poursuive sa mission de répansion dans le monde de la paix, de la liberté, de la démocratie, de la miséricorde, du glutamate monosodique et des films d'Arnold Worcestershire.


Je devrais peut-être essayer son nouveau service de Télé-Kinésie.



04 novembre 2004

L'agression publicitaire

Les lois et le système juridico-policier nous protègent tant bien que mal des agresseurs de propriétés, de femmes, d'enfants et d'hommes. En principe, chacun chacune a droit à son intégrité. Du moins physique. Car en pratique, le droit à l'intégrité morale et psychologique, on s'en soucie bien peu : dans ce domaine, le principe de tolérance prime celui du droit. Et comme l'intolérance est socialement intolérable, on en arrive à tolérer même l'intolérable. L'agression publicitaire, par exemple.



La vague actuelle d'agression publicitaire succède à celle de l'envahissement publicitaire auquel nous devenions de plus en plus immunisés. De passive agréable qu'elle était avec l'affiche qu'on pouvait ignorer, la publicité est devenue plus active en faisant de la sollicitation polie, qu'on pouvait au moins décliner. Mais voilà que maintenant elle utilise des techniques d'agression sauvages qu'il nous faut tolérer même si elles sont intolérables : celle du masquage visuel, par exemple.



À l'entrée sud du pont Champlain, deux immenses panneaux réclames juxtaposés à la structure de la voie d'accès nous empêchent de voir une partie du fleuve et de la ville si belle de loin : c'est du masquage publicitaire.



Dans le cours même d'une émission télévisée, la bannière de Loto-Québec s'empare du tiers inférieur du petit écran en faisant miroiter silencieusement les millions qui lui profitent : c'est du masquage publicitaire.



Le long de l'autoroute 10, ces grandes enseignes à magasins de meubles ou à prochains spectacles qui surgissent au beau milieu du paysage boisé qui nous reste : c'est du masquage publicitaire.



Dans un site Internet comme ledevoir.com, un cadre publicitaire qui vient effrontément recouvrir en grande partie de l'article qu'on est en train de lire : c'est du masquage publicitaire.



Les spots publicitaires télévisés qui viennent écraser insolemment les noms des créateurs et artisans au générique des émissions comme s'ils étaient des moins que rien, c'est du masquage publicitaire.



Cette manie d'associer directement des marques aux événements sportifs et même culturels, c'est du masquage publicitaire.



...



Le masquage publicitaire, s'il était sexuel, serait associé à de l'exhibitionnisme et à du harcèlement. Le masquage publicitaire ne nous donne aucun choix. C'est une agression, une atteinte à notre intégrité et à notre liberté de choix. Une impolitesse, une incivilité, un crime de lèse-intelligence.



Nos élus et nos élites ont le laisser-faire trop facile quand il s'agit de médias, de finances et de profits. Si tout est permis au pays de l'économie aveugle, serait-ce que nos gouvernements et nos dirigeants sont borgnes?



Je me souviens pourtant...



  • (2) Chacun a les libertés fondamentales suivantes : a) liberté de conscience et de religion; b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication; c) liberté de réunion pacifique; d) liberté d'association.

  • (7) Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Charte canadienne des droits et libertés



  • (1) Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à liberté de sa personne.

  • (3) Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.

  • (4) Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

  • (5) Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

  • (6) Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

  • (7) La demeure est inviolable.

  • (8) Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite.

Charte des droits et libertés de la personne


03 novembre 2004

Attentes

Parmi toutes les gens en files d'attente que j'ai vus hier au guichet bancaire, aux caisses enregistreuses du supermarché, aux bureaux américains de scrutin qu'on nous a montrés à la télé, etc., j'ai été particulièrement frappé par les 'fans' de Shania Twain qui attendaient leur idole à la queue leu leu avec un plaisir évident à l'entrée du Shania Twain Centre de Timmins au nord de l'Ontario, bravant la pluie mêlée de neige, le vent, le froid, depuis des heures dans certains cas.



Je savais de Shania Twain qu'elle était une star de la musique country : pas beaucoup plus. J'ai appris hier qu'elle était Canadienne, qu'elle avait choisi le nom de 'Shania' à cause de ses origines amérindiennes -- shania veut dire "I'm on my way" en Ojibwé (que je traduirais par "Je fais mon chemin") --, qu'elle avait vendu 34 millions de CD jusqu'à maintenant. On nous a aussi dit qu'à Timmins, où elle a passé sa jeunesse et commencé à chanter, il y a un musée Shania Twain dans une partie de l'amphithéâtre qui porte son nom et qu'on en attend beaucoup de retombées économiques. Ah! aussi : qu'elle vivait maintenant en Suisse...



Même transies, des centaines de 'fans' étaient ravies de faire le pied de grue à Timmins. Leurs yeux brillaient et elles étaient tout sourire en parlant du privilège et du bonheur qu'elles avaient, juste d'être là, au jeune reporter visiblement perplexe. "It's the biggest thrill of my lifetime since giving birth to my daughter", aurait même dit l'une d'elle...



Je n'ai pas compris; je ne comprends pas encore. Sinon peut-être que rien ne nous arrête pour voir, entendre et espérer toucher quelqu'un qu'on admire par dessus tout, quelqu'un qu'on voudrait être, parce que c'est beaucoup ça, admirer : vouloir être comme. Et qu'alors, attendre est un plaisir.



Est-ce que je me trompe? Il me semble que l'admiration et le plaisir d'attendre s'estompent le jour où l'on commence à se regarder le nombril. Je ne sais pourquoi mais, ce disant, je revois le geste de Guy A. Lepage lançant au loin avec mépris le Félix destiné à Richard Desjardins dont j'admire l'engagement...



Il faudrait bien qu'un jour je l'écoute chanter, Shania Twain...




02 novembre 2004

La mort dans la vie

Aujourd'hui, c'est le Jour des morts dans la tradition chrétienne récente. Et novembre, le mois des morts. Salut aux gens disparus, proches et moins proches, que j'ai aimés et que j'aime encore.



Mon expérience de la mort est trop parcellaire pour que je puisse écrire quoi que ce soit à son sujet sinon que mourir, c'est s'abandonner pour de bon. Je vais donc plutôt lire aujourd'hui sur la mort et essayer une fois de plus de me faire à l'idée qu'il faut la mort pour qu'il y ait la vie.



    L'homme occidental, la mort et son déni, par Frédéric Lenoir, La Libre Belgique, édition du 2 novembre 2004



    Dossier sur la mort, dans l'Encyclopédie de l'Agora. Six textes sur la mort signés Jacques Dufresne, Claude Villeneuve, Hélène Laberge, Doris Lussier, Emmanuel Goldenberg et Marcel Boisvert.


01 novembre 2004

La chasteté : wow!

Pureté, fidélité, chasteté... Je viens d'ajouter ces trois anachronismes dans ma liste de beaux mots. Le dernier tente un retour : j'en veux pour preuve la marche pour la chasteté tenue en fin de semaine par le groupe Chasteté-Québec. On en a peu parlé dans les médias étalagistes; les échangistes ont pu s'y exhiber plus à leur aise il y a quelques mois. On n'arrête pas le progrès.



Notre société toute consommation tient à un mot : désir. Pendant des siècles, sinon des millénaires, l'évolution a amené l'humanité à mieux répondre à ses besoins vitaux : mieux se nourrir, mieux s'abriter, mieux se déplacer, mieux se protéger, mieux se connaître, mieux se reproduire... On aurait pu continuer sur cet élan à vivre avec frugalité en harmonie avec les autres espèces comme bien des générations avant nous. Mais il y a eu ce courant fou venu je ne sais d'où, transmis par je sais qui, ce grand courant de libération tout azimut de nos désirs. Jusque là nos désirs étaient sous contrôle; on nous apprenait du moins tant bien que mal à les discipliner. Deux des dix grands commandements de Dieu nous obligeaient même depuis des siècles à les refréner -- parce que les désirs ne sont pas nés d'hier! -- : « L'oeuvre de chair ne désireras qu'en mariage seulement. Bien d'autrui ne désireras pour les avoir injustement. ». Je me souviens.



Qu'est-ce que c'est que ces principes bibliques à la con qu'on traîne depuis la nuit des temps : les désirs, c'est fait pour être assouvis. Et les désirs, oeuvre de chair et bien d'autrui, ne se firent pas prier pour devenir besoins à combler hic et nunc partout et par tous, futés, débrouillards et bougons confondus. La belle affaire, on est en affaires pour faire de grosses affaires! On créa la Bourse pour gérer tout ça, Visa, Wal-Mart, Desjardins Inc, et caetera.. « Et ça continue encore et encore... »



Avouez qu'il faut avoir du culot pour promouvoir la maîtrise du désir dans cette société toute consommation : c'est pratiquement la mettre en péril. Imaginez seulement qu'on se mette à ne faire que du lèche-vitrine dans les centres commerciaux... Imaginez que les jeunes couples nourrissent ensemble leurs désirs avant de les combler, qu'ils apprennent à se connaître mutuellement plutôt que de se posséder un après un après l'autre, qu'ils prennent le temps de rêver leur relation à deux avant de l'avoir... Que deviendraient le show business, le loto business, le resto business et l'auto business; que deviendraient nos emplois, quoi? Et puis que deviendrait la grande agence de rencontres urbaine?



    Aucun lien avec la chasteté, mais je viens de découvrir -- via son commentaire sur la poésie -- le blogue de Magoua, un vrai prof précaire qui se met à bloguer flegmatiquement à l'autre bout des Cantons. J'aime bien ce style décontracté. Au fait, y aurait-il un lien entre la précarité et l'anonymat?