07 novembre 2004

Le profit équitable

    J'ai revu le reportage de Zone libre : La fermeture d'Alcan. J'avais bien entendu : Alcan veut doubler ses profits d'ici les cinq prochaines années. J'avais bien entendu : la nouvelle usine produira cinq fois plus (450 000 tonnes au lieu des 90 000 jusqu'à récemment) après avoir éliminé les deux tiers des emplois (il reste 600 des 2 000 emplois). J'avais bien entendu : le lac Saint-Jean appartient à Alcan, et la rivière Saguenay en bonne partie, et la rivière Péribonka, et les quarante-quatre barrages qui lui permettent de produire 27 % de l'électricité au Québec. J'avais bien entendu : tout cela légalement, selon un bail à long terme signé avec le gouvernement unioniste du Québec des années 1950, renforcé par le gouvernement libéral du Québec des années 1960 qui a exclu les centrales hydroélectriques d'Alcan de la nationalisation, et renouvelé sans conditions avec le gouvernement péquiste au début des années 1990.


Voilà un exemple parfait de l'appétit aveugle des grosses entreprises favorisé par nos lois. Un exemple parfait de l'aplat-ventrisme électoraliste de nos gouvernements. Un exemple parfait de la domination émergente de la technologie sur l'humain. Un exemple parfait de la main mise du capital sur des ressources qui appartiennent à la collectivité. Un exemple parfait du colonialisme économique qui caractérise de plus en plus les compagnies supranationales. Un exemple parfait du double discours nationaliste québécois.



Comment se fait-il que nos élus ne font rien pour civiliser le profit à l'heure du remplacement de la ressource humaine par la technologie? Rien pour partager les profits issus des ressources collectives alors qu'il y a de moins en moins de retombées sous forme d'emplois? Rien pour rétablir un minimum d'équité économique?



ÉQUITÉ, subst. fém. Principe impliquant l'appréciation juste, le respect absolu de ce qui est dû à chacun. (TLFi)


Il me vient un flash. Ce qui se passe dans la Ligue nationale de hockey est le miroir des disparités qui caractérisent toute notre société. Sur la glace, bien protégés, les millionnaires qui s'amusent, les yeux rivés sur la rondelle tout en ayant en tête leurs bénéfices et leurs placements. Dans les gradins, ceux qui peuvent encore assister de près au spectacle en payant le prix que veulent les amuseurs sur patins, Molson Export dans une main, hot dog relish moutarde dans l'autre. Hors du Centre Bell, devant leur télé branchée sur Bell Express VU, ceux qui doivent se contenter de regarder patiner les millionnaires à distance sur Bell RDS parce qu'ils n'ont pu payer leur part aux célèbres patineurs qu'en redevances publicitaires en achetant leurs chips et leur pop corn en spécial chez Wal Mart.



Il faudra bien qu'un jour nos élus décrètent à leur tour un lock-out économique. Négocier avec les grands joueurs, les pros du capital, quelque chose comme un seuil de richesse, pour pouvoir assurer un seuil de pauvreté aux exclus. Parce que, même sous bail, le territoire et les ressources naturelles appartiennent à la collectivité qui a des droits ancestraux et de bon sens sur son exploitation; et que les exclus du profit font aussi partie de la collectivité. On peut même prévoir quand aura lieu ce lock-out : le jour où la sécurité nationale mise en place sous prétexte de menace terroriste ne pourra plus contenir la majorité brimée.



Dire que j'ai déjà été fier d'Alcan. Un parfait exemple de ce que peut faire la publicité.


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