31 décembre 2004

« Ça signifie "créer des liens" »

    Cinquième et dernier volet d'un bilan-réflexion après trois cent soixante-cinq jours de billets quotidiens dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues.


J'ai ouvert ce blogue le premier jour de janvier 2004 en pastichant Alain qui écrivait dans ses Propos sur le bonheur : « Agir, c'est oser. Penser, c'est oser. » En écrivant alors « Bloguer, c'est oser! », je n'aurais su mieux dire. Chaque jour, pour être fidèle au leitmotiv de ce blogue, il m'a fallu oser. Ce que je ne savais pas à ce moment et que je puis affirmer aujourd'hui, c'est que plus encore, bloguer, c'est créer des liens.



Et je ne trouve rien de mieux à faire à ce propos que de reproduire ici cette merveilleuse page écrite par Saint-Exupéry dans Le Petit Prince alors que j'étais au berceau. (En relisant cette page, vous comprendrez pourquoi, en 2005, je vais continuer à bloguer. Avec cependant, dès demain, un petit changement à la clé : Franchement! ne sera plus seulement monoBlogue mais aussi diaBlogue.) La scène se passe quelque part dans la blogosphère...


(...)

C'est alors qu'apparut le renard :

- Bonjour, dit le renard.

- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.

- Je suis là, dit la voix, sous le pommier...

- Qui es-tu? dit le petit prince. Tu es bien joli?

- Je suis le renard, dit le renard.

- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...

- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.

- Ah! pardon, fit le petit prince.

Mais, après réflexion, il ajouta :

- Qu'est-ce que signifie " apprivoiser "?

- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu?

- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie " apprivoiser "?

- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules?

- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie " apprivoiser "?

- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens...".

- Créer des liens?

- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...

- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...

- C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...

- Oh! Ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.

Le renard parut très intrigué :

- Sur une autre planète?

- Oui.

- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là?

- Non.

- Ça, c'est intéressant! Et des poules?

- Non.

- Rien n'est parfait, soupira le renard.

Mais le renard revint à son idée :

- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois, là-bas, les champs de blé? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...

Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :

- S'il te plaît? apprivoise-moi, dit-il.

- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.

- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!

- Que faut-il faire? dit le petit prince.

- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...

(...)

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Paris, Gallimard, collection Folio, 1999, p. 70-74.

30 décembre 2004

Pourquoi bloguer sinon pour apprendre?

    Quatrième volet d'un bilan-réflexion après trois cent soixante jours de billets quotidiens dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues.


J'aime d'instinct le mot 'apprentissage'. Peut-être à cause de sa transparence 'sémantique' (surtout depuis l'apparition du Web) : apprenti, tissage, sage, âge. Le jour où on découvre que c'est en les partageant que nos connaissances grandissent, on n'en finit plus d'apprendre. Et la beauté de l'affaire, c'est que plus on en apprend plus on découvre de choses à apprendre. Simple principe d'astrophysique!



Internet est une formidable banque de connaissances aussi gigantesque que chaotique. Comment s'y retrouver sans s'y perdre, y perdre son temps et même son âme (pour qui en a une, bien sûr)? Internet n'a rien à faire avec l'apprentissage; pas plus qu'une bibliothèque, aussi Grande soit-elle, ou qu'une encyclopédie aussi complète soit-elle. Parce que l'apprentissage n'a que faire de la quantité. Il se tisse subrepticement de fils en aiguilles, de mots en images déroulés à travers les bonnes pages des bons livres ou des bons programmes ou des bons sites qui nous ont été révélés par d'autres qui y avaient eux-mêmes été référés par d'autres... D'autres qui se sont appelés mère, prof, maître, chroniqueur, ami... ou simplement blogueur.



La blogosphère est un formidable espace d'apprentissage. Blogueuses et blogueurs y expriment ouvertement au jour le jour leur questionnement, leurs réactions, leurs 'fréquentations', leurs découvertes... qui deviennent autant de pistes potentielles d'apprentissages pour celles et ceux qui les lisent. Et parce qu'on est ici entre gens responsables, on nous propose du bon et du meilleur; on nous évite le pire, le futile, le vide.



Je n'ai jamais tant appris que depuis que je blogue.



Bloguer, « qu'ossa donne? » Mais ça permet d'apprendre en partageant nos expériences et nos découvertes en et hors ligne. En bout de lignes, de mieux comprendre la vie. De ne pas se contenter de la p'tite vie.



29 décembre 2004

Blogueur responsable?

    Troisième volet d'un bilan-réflexion après trois cent soixante jours de billets quotidiens dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues.


Le fait que le blogue soit un médium à la fois expressionnel et relationnel a comme implication que le blogueur doit être responsable. Responsable dans les deux sens du mot :



RESPONSABLE, Adjectif [En parlant d'une personne] 1. Qui doit rendre compte et répondre de ses actes ou de ceux des personnes dont elle a la garde ou la charge. 2. Réfléchi, sérieux, qui sait peser le pour et le contre. (TLFi)


Responsable à partir du choix du sujet jusqu'à la publication en ligne d'un billet en passant par les différents aspects de son développement, la rigueur du plan même court, la pertinence du genre, la justesse des affirmations, le bien-fondé des arguments, la précision des termes utilisés, la clarté de la démonstration, la convenance du ton, la fluidité du style, l'à-propos des photos et des illustrations, le choix des citations, la fidélité aux sources et leur mention, le respect de la langue, la loyauté dans l'expression de ses convictions, la spontanéité sans tomber dans l'indiscrétion, le respect même dans l'indignation...



Suis-je un blogueur responsable? Bloguer, « qu'ossa donne » si je ne le suis pas, si je n'essaie pas au moins de l'être? Et qu'est-ce qui distinguerait la blogosphère des autres médias si les blogueurs ne l'étaient pas, s'ils n'étaient que des blablagueur?



Les blogues que je fréquente le plus assidûment sont tenus par des gens que je sens responsables et sincères, ni vendus ni à vendre, impliqués dans ce qu'ils me font lire ou voir. Lorsqu'ils abordent un sujet dont tout le monde parle, c'est pour y mettre du leur; mais les sujets qu'ils préfèrent, ce sont ceux dont à peu près personne ne parle et dont il faudrait parler dans un monde responsable.








28 décembre 2004

Sous le signe de la fraternité

    Deuxième volet d'un bilan après trois cent soixante jours de billets quotidiens dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues.


Puisque le terme 'bloguer' n'est pas encore engoncé dans les dictionnaires, je me permets de suggérer ici aux lexicographes d'en souligner les deux aspects inséparables : l'aspect expressionnel et l'aspect relationnel. Car les blogues sont à la fois lieux d'expressions et réseaux d'échanges. Le vrai blogueur s'enrichit en enrichissant les autres blogueurs : entre blogueurs, on partage généreusement.



Internet charrie le meilleur et le pire de l'homme. Laissons à la Justice l'extirpation du pire. Dans le meilleur, il y a la majorité des blogues.



La blogosphère est le seul espace public -- à ma connaissance -- où peut se vivre ou presque l'utopie française liberté-égalité-fraternité. Liberté de tout pouvoir écrire et lire sans marchandisage; égalité pour tous de pouvoir y accéder avec chacun son bagage de mots et d'images, pratiquement sans frais et sans les maudits préjugés; fraternité encore issante certes, mais en croissance, manifestée ici et là discrètement sous la forme de commentaires spontanés et, plus ostensiblement, dans quelques expériences de stimulante collaborativité.



Les maudits préjugés... Le blogue élude pratiquement tout ce qui ailleurs devient si facilement une barrière à la fraternité humaine : l'âge, le sexe, la généalogie, l'apparente beauté, la 'marque', le 'pays', le hasard (l'argent), le titre, le poste, la fonction, la couleur, l'accent, le handicap, le tic détestable... Dans la blogosphère, les mots de la réalité finissent par transcender les apparences accessoires; on peut même s'y donner une identité plus crédible si l'on craint que la vraie sonne faux (ce que je ferais si, par exemple, j'étais blogueur milliardaire, vedette ou politicien -- parlant de préjugés...).



Vivre l'utopie française n'exclut pas les divergences, les choix selon ses affinités, les remises en question, les avis défavorables, les objections fondées sur des citations, les prises de position à la marge... Au contraire : la vérité fascine et nourrit celles et ceux qui la cherchent; elle rend celles et ceux qui l'ont trouvée suffisants (suffisants actifs, les prosélytes; suffisants passifs, les blasés).



Bloguer, « qu'ossa donne »? Ça permet de fraterniser en cherchant la vérité.


27 décembre 2004

Bloguer, ça fait du bien!

    Premier volet d'un bilan après trois cent soixante jours de billets quotidiens dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues.

Impossible d'échapper un jour ou l'autre à la réclusion. Rejet intempestif, congédiement, maladie, accident, malheur sur malheur parce qu'un n'arrive pas sans l'autre, peur d'avoir peur, ras-le-bol-soudain-de-la-civilisation... et te voilà reclus, te retrouvant plus ou moins seul avec tes cinq ou six sens et du temps pour jongler avec la vie et ses mots, du temps pour écouter, regarder, même lire si on te l'a appris. Tu accumules ainsi des sons, des images, des idées sans trop savoir qu'en faire... Tu parcours espérément les annonces petites et grandes à la recherche d'une fenêtre sur le monde, d'une porte entr'ouverte...



C'est avec un court billet un peu 'cochon' que, le 8 novembre 2002, j'osais lancer un premier blogue après avoir découvert et expérimenté combien il était facile de publier des textes en ligne avec Blogger. Il avait pour titre : AU PALMARÈS DE LA BÊTISE.



J'ai lu cette semaine dans L'Avenir & Des Rivières (sic!) -- hebdo gratuit de Bedford et Farnham --, édition du 2 novembre 2002 :

« Travailler Porcs et Âmes!
F. Ménard, le plus important
producteur de porcs du Québec,
recherche des passionnés
pour vivre l'aventure de l'élevage porcin. »


Après le concours des producteurs de porcs du Québec « Le porc, j'adore! », il fallait s'attendre à ce qu'un jour les gourous de la secte porcine recrutent des adeptes.


Je me rappelle de la satisfaction que j'ai alors ressentie d'avoir pu exprimer ainsi mon indignation à la face du monde. Même satisfaction il y a trois jours après avoir exprimé ouvertement ma profonde déception de voir le Mouvement Desjardins laisser tomber un à un les villages (et les paroisses) qui l'ont mis au monde.



Bloguer, qu'ossa donne? En premier lieu, ça me fait du bien. Du bien d'exprimer ici de l'indignation, là de l'émerveillement, ailleurs un questionnement... et de pouvoir les partager, qui sait, avec des gens comme moi reclus mais libres, mais aussi avec tous les autres à l'air libre mais en sursis.


26 décembre 2004

Prévenir le blog-out

Expérience faite, je décrirais le burn-out comme étant une période plus ou moins longue pendant laquelle nous perdons graduellement confiance en nos capacités physiques et mentales jusqu'à néant après nous être adonné de façon immodérée à des activités dites professionnelles sans obtenir les résultats escomptés. On pourrait s'en prémunir s'il était possible de travailler pour le plaisir de travailler plutôt que pour obtenir à tout prix des résultats; mais c'est là une utopie. Le burn-out un jour ou l'autre à des degrés divers est donc incontournable.



Qu'en est-il du blog-out, cette perte de confiance qui guette tout blogueur en sa capacité de bloguer et qui peut l'amener à se taire, à se retirer et à se terrer? On peut y échapper beaucoup plus facilement parce que, contrairement au travail, le blogue est un choix; la plupart des blogueurs et blogueuses contagieux bloguent donc par plaisir. Le blog-out nous guette à partir du moment où au lieu de bloguer pour le plaisir, on le fait pour obtenir un résultat, par devoir en quelque sorte. Ce jour-là, la stratégie se met à l'emporter sur la spontanéité, la forme, sur le fond, l'effet, sur la cause, le mensonge ou la demi-vérité, sur la vérité toute nue. Sans résultats palpables au compteur, aux commentaires ou au 'trackback', tout ce travail ardu de maquillage sous blogue devient insupportable et déplaisant : c'est le blog-out.



Après trois cent soixante jours de billets assidus dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues, j'ai décidé de faire un arrêt pour en dresser le bilan. Je consacrerai donc quelques billets des cinq jours qui restent de cette année 2004 à tenter de répondre à la question : « Bloguer, 'qu'ossa donne'? » Je pourrai ainsi évaluer si je peux continuer à le faire avec plaisir et franchement; et qui sait, prévenir peut-être un blog-out.



25 décembre 2004

Si c'était vrai...

Dites

Dites si c'était vrai

S'il était né vraiment à Bethléem dans une étable

Dites si c'était vrai

Si les rois Mages étaient vraiment venus de loin de fort loin

Pour lui porter l'or la myrrhe l'encens

Dites si c'était vrai

Si c'était vrai tout ce qu'ils ont écrit Luc Matthieu

Et les deux autres

Dites si c'était vrai

(...)

Si c'était vrai ce qu'ils racontent les petits enfants

Le soir avant d'aller dormir

Vous savez bien quand ils disent Notre Père quand ils disent Notre Mère

Si c'était vrai tout cela

Je dirais oui

Oh sûrement je dirais oui

Parce que c'est tellement beau tout cela

Quand on croit que c'est vrai.


Jacques Brel (1958)


Si c'était vrai, franchement!... Mais c'est vrai! Comment pourrait-on fêter Noël chaque année sur la Terre entière depuis vingt siècles si ce n'était pas vrai? Présentez-moi ce génie qui a conçu le meilleur coup marketing de tous les temps : ce doit être un dieu!


24 décembre 2004

La trahison du Mouvement Desjardins

    Les Caiss' Pop dans nos campagnes

    Ont entonné l'hymne d'adieu

    Et l'écot de nos épargnes

    Enrichira de plus hauts lieux


À l'est de la rivière Richelieu, entre Saint-Jean et la frontière du Vermont, il existe cinq villages qui, dans quelques décennies, ne seront plus qu'un nom sur la carte du sud du Québec : Sainte-Anne de Sabrevois, Henryville, Saint-Sébastien, Pike River et Saint-Armand. Huit, si on compte les trois autres plus à l'est sur La Grande Ligne, Saint-Alexandre, Notre-Dame-de-Stanbridge et Stanbridge-Station. Les signes de leur disparition annoncée n'en finissent plus de s'écrire en toutes lettres 'régionales' : MRC, CSR, CRSC (le 'L' de CLSC est un anachronisme), CHR, UPR, etc.



Le dernier en date : la fermeture imminente des caisses populaires de village qui ont encore pignon sur rue. À l'origine chaque caisse populaire locale était une coopérative d'épargne autonome avec ses membres et son conseil d'administration composé de gens du milieu. Puis vinrent, avec le changement de millénaire, les fusions forcées, le démantellement des fédérations, la centralisation du Mouvement Desjardins; rationalisation, disait-on, pour affronter la compétition et offrir des services mieux adaptés aux besoins des membres (des services à la carte, on le sait maintenant). Les grosses caisses des villes centres absorbèrent une à une les caisses populaires des villages périphériques pour les transformer en comptoirs satellites baptisés 'Centres de services' : avec des heures d'ouverture de moins en moins longues, un personnel de moins en moins nombreux et de moins en moins de 'services'.



Je présume que c'est partout pareil à l'échelle du Québec. Près d'ici, la grosse Caisse populaire Sieur d'Iberville de l'arrondissement du même nom à Saint-Jean convoque actuellement ses membres à une assemblée spéciale le premier février prochain. Objet : ratifier l'avant-dernière étape de la fermeture définitive des caisses populaires qui persistent encore dans les villages de son territoire élargi, c'est-à-dire ratifier l'élimination des services locaux informatisés. Car les 'Centres de services' visés n'ont déjà plus d'ordinateur! On peut d'ores et déjà prévoir sans se tromper le résultat du vote à venir : les membres majoritaires d'Iberville ne risqueront tout de même pas -- et on les comprend -- la diminution de leurs 'ristournes' pour faire plaisir à la minorité villageoise moribonde qui voudrait maintenir des services coûteux 'juste pour les vieux' à trente kilomètres plus au sud!



Le slogan « Desjardins Inc » n'est pas innocent. La mentalité du Mouvement est aujourd'hui à cent lieues de l'esprit coopératif d'hier favorisant le développement du milieu par le milieu. On préfère maintenant faire miroiter sur d'immenses panneaux ou banderolles et à travers une panoplie d'imprimés sur papier glacé des nombres à sept chiffres : « ristourne aux membres » avec en plus petit « depuis deux ans » (ou trois ou cinq, il faut que le montant affiché soit gros!), faire passer pour des 'profits' le résultat d'une surfacturation des membres pour des frais en tous genres périodiquement revus à la hausse. Le Mouvement Desjardins ne favorise-t-il pas ainsi, au détriment de ses clients ordinaires, ses plus riches sociétaires en les ristournant fort, gros actionnaires qu'ils sont -- cessons de jouer sur les mots -- de la plus grande banque du Québec?



Le Mouvement Desjardins n'est plus du tout populaire : le mot est d'ailleurs pratiquement disparu de son vocabulaire corporatif, ce qui n'est pas innocent non plus. Il abandonne un à un les villages qui ont été à l'origine même de son existence, de son identité et de son développement. Et ce, sans aucune consultation de proximité, en évitant tout débat public, en n'offrant aucun soutien alternatif aux petites économies locales et en laissant tomber la clientèle âgée (qui finira bien par comprendre et migrer vers la ville centre...). Moi, j'appelle ça de la trahison : trahison des membres qui occupent le territoire rural, trahison de la philosophie même de la coopération égalitaire, trahison d'Alphonse Desjardins qui doit rager dans sa tombe de voir son nom associé à ce qui est devenu une autre banque urbaine.



23 décembre 2004

Clic, clic, clic

À force de cliquer à répétition sur les mêmes boutons dans nos logiciels, est-ce qu'on ne risque pas de provoquer prématurément l'usure de certaines zones de l'écran et d'affecter ainsi leur sensibilité?




Un peu tard pour vous envoyer une carte de souhaits par la poste! Alors, je vous envoie instantanément une carte flash cliquable de Jacquie Lawson. Chacune des 46 cartes de sa collection est un régal visuel et sonore. (Merci, André, de me les avoir fait connaître.)


22 décembre 2004

Chanson pas cher

quand tu passes par devant

une p'tite voix t'entends

c'est pas cher



puis tu rentres en-dedans

tout de suite tu le sens

c'est pas cher



tu te promènes là-dedans

tu lis à tout bout de champ

c'est pas cher



quand tu payes en sortant

combien? rien que cent

c'est pas cher



t'arrives au stationnement

avec tes sacs, en vert sur blanc

c'est pas cher



chez toi tout fier en arrivant

tu déballes tout ça en disant

c'est pas cher



mais voilà que t'entends

c'est bien trop, pourquoi tant?

mon très cher



c'est si simple pourtant

c'est si simple, maman

c'est pas cher


21 décembre 2004

À la découverte de la sérendipité

    Il m'arrive d'être obsédé par certains mots (à chacun ses obsessions!). Des mots comme bonheur, vérité, mort, amour, femme, démocratie, Dieu, harmonie, violence, naissance, vie... Aujourd'hui, j'ai besoin d'apprivoiser le mot sérendipité que m'a fait découvrir Martin Lessard. Voici donc le résultat d'une séance préliminaire de google-storming à cet effet, faute d'avoir trouvé une définition définitive dans un dictionnaire reconnu.


La "serendipity" est un mot inventé en 1754 par le philosophe anglais Sir Horatio WALPOLE, pour qualifier la faculté qu'ont certains de trouver la bonne information par hasard, un peu sans la chercher. Le mot provient d'un roman de l'époque "The three princes of Serendib" (les trois princes de Ceylan) à qui le hasard apportait la solution des situations fâcheuses où ils tombaient. (Egideria)


La sérendipité ou l'art de faire des découvertes heureuses, inattendues et utiles par hasard. (Yellow Ideas, un site français!)


C'est la capacité cognitive de trouver, de découvrir (à la suite d'un incident éventuellement malheureux) ce que l'on ne cherchait pas, d'en comprendre l'intérêt et la valeur et de changer illico de stratégie. La capacité à récupérer des hasard malheureux ou inopportuns.
(Intelligence créative : on trouve également ici une longue liste de découvertes liées à la sérendipité.)


C'est la capacité à utiliser des informations trouvées par accident pour d'autres recherches, c'est-à-dire la capacité à s'émerveiller de tout, d'être toujours aux aguets.
(Christian Vanden Berghen)


Anglicisme forgé à partir de la légende des trois fils du roi de sérendip, qui désigne une succession d'événements, partant d'une circonstance aléatoire, exploitée habilement par une personne avisée pour aboutir à une conclusion heureuse.
(Dictionnaire des cancers de A à Z)



... concept du hasard heureux jumelé à celui de l'oeil aiguisé d'un chercheur en quête d'une toute autre information que celle qu'il est sur le point de découvrir, mais qui lui sera tout aussi (sinon plus) chère.
(La grande rousse -- L'est-elle vraiment?)


Un blogueur pseudonymé Doc Tic Tac fait part quotidiennement des sites qu'il découvre par la sérendipité : « Trouvailles amusantes le long de surfs aleatoires ».



Je déduis de toutes ces lectures que la sérendipité est un terme qui semble s'imposer de plus en plus dans les domaines de la création et de la recherche. En administration et en gestion cependant, on est porté à l'associer aux pertes de temps... Cependant, même dans ces domaines, la tendance à donner de plus en plus de place à l'innovation ferait tomber les préjugés qui entourent la sérendipité.



Je suis porté à associer la sérendipité à l'ouverture, à la curiosité, à l'intuition et au regard critique; bref, au meilleur du blogue. Plus largement, si j'ai bien saisi l'acception du mot, la sérendipité, c'est ce qui rend le travail soutenable, les loisirs agréables, la vie viable.



À suivre.




20 décembre 2004

Avant qu'on en arrive à fêter Noël sans enfants...

    Le blogueur est un individualiste très sociable, ai-je noté quelque part. Inutile d'élaborer là-dessus, c'est d'une telle évidence. Ce qui est moins évident, c'est notre baisser-les-bras collectif devant la dénatalité galopante qu'engendre le développement durable. N'ayant plus les moyens d'agir concrètement dans ce domaine (c'est l'individualiste qui s'exprime ici), j'ai préparé une lettre à l'intention de nos dirigeants, les priant de prendre comme résolution pour l'année qui vient de retrouver leur sens de la descendance (ici, c'est le côté très sociable qui ressort).


Monsieur le Premier Ministre du Québec majoritaire,

Monsieur le Premier Ministre du Canada minoritaire,

Mesdames les représentantes de la Reine de la Grande-Bretagne au Canada et au Québec,

Mesdames et Messieurs les députés que nous avons élus pour veiller à notre bonheur collectif,

Mesdames et Messieurs les fonctionnaires de haut en bas que nous payons le mieux possible pour gérer les petites choses nécessaires à notre bien-être collectif,

Mesdames et Messieurs les intellectuels que nous payons pour réfléchir à la lumière du passé aux conséquences futures de nos agissements présents,

Mesdames et Messieurs nos bailleurs de fonds dont nous payons les frais afin d'avoir quelques modèles de réussite,

Mesdames et Messieurs les autres qui, sans titres, savez tirer votre épingle du jeu démocratique,



J'écris à chacun de vous en cette veille de Noël 2004 pour vous demander d'oublier un instant l'euphorie du présent et penser un moment à ce que sera l'avenir, les prochains Noël, avec si peu de mères, d'enfants et moins encore de pères.



Je m'adresse à vous parce que je sais que vous pouvez y faire quelque chose. Comme vous avez su faire quelque chose pour nous fournir en énergie hydroélectrique, comme vous avez su faire quelque chose pour nous doter d'un assez bon réseau routier malgré..., comme vous avez su faire quelque chose pour à peu près sauver notre eau potable, comme vous avez su faire quelque chose pour combler nos goûts de festivaliers l'été et de carnavaliers l'hiver, comme vous avez su faire quelque chose pour guérir à la carte sans nous culpabiliser nos écarts, nos abus même, de conduite au volant, à table et au lit, comme vous avez su faire quelque chose pour stopper nos comportements déficitaires et les garder depuis à zéro, comme vous avez su faire quelque chose pour assurer la pérennité des profits d'entreprises notamment bancaires, comme vous avez su faire quelque chose pour réparer bientôt nos erreurs boréales à blanc, comme vous avez su faire quelque chose pour nous donner l'espoir qu'un jour il n'y aurait ni pauvres ni chômeurs parmi nous... La liste exhaustive pourrait être longue; vous seuls en fait pourriez la dresser car il y a tant d'autres choses que vous avez su faire sans tambours ni trompettes médiatiques et qui font qu'aujourd'hui nous soyons collectivement plutôt fiers de notre Québec présent.



Mais l'avenir, Mesdames et Messieurs porteurs de notre sort, l'avenir du Québec dans ou pas le Canada? Y pensez-vous à notre avenir collectif? Pour qui ferez-vous replanter des arbres dans ces grands espaces hier luxuriants aujourd'hui désertifiés? Pour qui ferez-vous purifier l'eau agrochimifiée de nos rivières, de nos lacs et de nos baies? Pour qui ferez-vous oxygéner notre air polluindustrialisé? Pour qui ferez-vous tourner les turbines électrisantes de ces moulins à vent que vous faites se dresser à l'ère éolienne? Pour qui faites-vous installer tout ce réseau pan-québécois et canadien de communication par satellites et fibre optique? Est-ce seulement pour le monde global mondial?



Nos pères et leurs pères avant eux travaillaient pour leurs enfants et leurs petits à suivre : ces enfants que vous êtes et que nous sommes. Mais vous, mais nous : pour qui travaillons-nous? Pour qui vivons-nous, pour qui payons-nous?



Je vous demande, Mesdames et Messieurs du pouvoir et de l'avoir, en cet avant-Noël 2004, de prendre comme résolution en cette fin d'année et pour les prochaines d'écouter la mère et le père qui étouffent en chacun de vous, et de faire des enfants nés, à naître ou qui devraient pouvoir naître votre première priorité. Absolue. Sans suffisamment d'enfants, le Québec n'a plus de sens; sans suffisamment d'enfants, y avez-vous déjà pensé, vous-mêmes n'aurez bientôt plus de raison d'être, sinon retraités.



Plus facile à dire qu'à faire, je sais. Aussi ne vais pas vous laisser sans vous suggérer quelques pistes par où commencer : d'abord, remédier aux anormalités qui retiennent les nouveaux couples d'enfanter. Il n'est pas normal que vous ayez facilité l'avortement sans faire de même pour l'adoption. Il n'est pas normal qu'un chèque gouvernemental soit joint à la mort mais non à la naissance. Il n'est pas normal que les couples soient taxés pour leurs enfants; ce devrait être le contraire. Il n'est pas normal qu'une mère n'ait pas le choix d'être mère à temps plein avec ses enfants. Il n'est pas normal que les jeunes couples qui choisissent d'avoir des enfants doivent en plus payer des intérêts pour leurs dettes d'études. Il n'est pas normal... (pourquoi pas une Commission pour faire le tour de la question?)



Mesdames et Messieurs, j'aimerais tellement que vous nommiez d'un commun accord, quelqu'un qui aime les enfants et qui aurait le mandat de vous rappeler périodiquement et publiquement qu'il nous faut des enfants et qu'il vous faire ce qu'il faut parce qu'il nous en faut? Un vérificateur de descendance, un ombudschild, comme le désigneraient probablement les Français anglophiles je ne comprends pas pourquoi. Ce serait au moins un commencement. Par la suite, de Noël en Noël, malgré la fonte des glaciers, malgré les morts inutiles à ras bord dans les téléjournaux, malgré les sursauts stratégiques de la Bourse et du Huard, malgré les unes convergentes de Québec en or, de Noël en Noël, de père et mère en fils ou filles nous pourrions espérer. Et nous pourrions un jour mourir en Paix; et vous aussi.



Ne me dites surtout pas que vous n'y pouvez rien : c'est Noël!



Jean Trudeau, blogueur

Saint-Armand (Québec), Canada, Amérique, Terre, Système solaire, Voie Lactée, Univers



19 décembre 2004

Entre 1604-2004 : 1641-1712

    Récit d'une découverte émouvante faite à la suite du visionnement à la SRC du film « 1604 » tourné en Acadie pour souligner l'année où le Sieur Pierre Dugua De Monts s'est installé à l'Île Sainte-Croix en 1604 avec le célèbre Samuel de Champlain, alors cartographe.


Le film « 1604 » est peu convaincant. Résultat, je présume, d'une commande avec petit budget pour souligner le 400e anniversaire de la Nouvelle-France. Les premières relations 'd'affaires' avec les Autochtones y sont cependant décrites sans faux-fuyants : en échange de babioles, on prenait leurs fourrures pour ensuite les revendre vingt fois plus cher en France. L'exploitation des Autochtones n'est pas née hier...



J'ai voulu en savoir plus sur le film via Google : sans succès. Ma recherche n'a cependant pas été vaine. J'ai pu lire une synthèse de l'histoire acadienne écrite par Jean Daigle, de l'Université de Moncton. Je suis ensuite tombé sur le site officiel Canada-France 1604-2004. (Il était temps : 2005 dans 13 jours...) Il s'agit d'un site un tant soit peu informatif mais pas très imaginatif malgré le leitmotiv qui le sous-tend : « Canada, un espace pour l'imagination! »



Un lien caché sous la rubrique 'Généalogie' m'a cependant fait faire une belle découverte dont vous pourriez à votre tour tirer parti : le Programme de Recherche sur l'Émigration des Français En Nouvelle-France (PREFEN). En prévision de l'ouverture en 2006 en France, à Tourouvre (Orne), de la Maison de l'émigration française en Canada consacrée au peuplement de la Nouvelle-France, le Gouvernement du Canada a lancé en 2001 des travaux de recherche sur l'émigration française au Canada entre 1604 et 1763. Du sérieux puisque cela se fait à l'Université de Caen Basse-Normandie via le Centre de recherche d'histoire quantitative sous la direction du professeur québécois Yves Landry.



La banque de données contient déjà 2 220 fichiers d'émigrants sur les 14 000 prévus à la fin des travaux dans deux ans. Et l'accès en ligne à cette information inestimable pour tout Canadien-français fier de l'être est dores et déjà possible! Cela m'a permis de redécouvrir avec beaucoup d'émotion mon ancêtre Étienne Truteau dont je ne connaissais jusqu'à maintenant que le nom et la profession.



ÉTIENNE TRUTEAU

  • Originaire de La Rochelle, paroisse Notre-Dame-de-Cougnes, Aunis/Charente-Maritime.

  • Fils de François TRUTEAU et de Catherine MATINIER [dont on connaît l'ascendance].

  • De religion catholique [comme en témoigne son Acte de Baptême].

  • Baptisé le 15/09/1641 à La Rochelle, chapelle Sainte-Marguerite [dont on peut voir la photo].

  • Parrain : Etienne Vilain - Marraine : Catherine Boulliot.

  • Engagé le 08/06/1659 devant Alexandre Demontreau, notaire à La Rochelle, par Jérôme Le Royer de la Dauversière pour l'Abbé de Queylus comme charpentier de gros oeuvres pour une durée de 3 ans moyennant 100 livres par an.

  • Parti le 02/07/1659 de La Rochelle sur Le Saint-André de 300 tonneaux commandé par Guillaume Poulet. Arrivé le 07/09/1659 à Québec. Arrivé le 29 septembre à Montréal.

  • Célibataire et soldat, le 06/05/1662, il combat les Iroquois.

  • Marié le 10/01/1667 à Montréal avec Adrienne BARBIER, fille de Gilbert & Catherine Delavaux, originaire de Montréal.

  • Charpentier de gros oeuvres de son métier.

  • Le couple a eu 14 enfants.

  • Inhumé le 22/07/1712 à Montréal.

  • Tout cela bien documenté.

Selon la Banque de données du Programme de Recherche sur l'Émigration des Français En Nouvelle-France, Centre de recherche d'histoire quantitative, Université de Caen Basse-Normandie.

À toute l'équipe du professeur Landry : je ne sais comment vous remercier de m'avoir permis, grâce à vos recherches, de mieux connaître mon ancêtre français Étienne Truteau!




18 décembre 2004

Vivre de l'isolement (des autres)

Après 22 848 jours de vie avec l'isolement (dont le tiers à réfléchir sur le sujet, la nuit portant conseil), je crois le moment venu de faire part ici d'un constat dont il n'est ni peu ni prou fait mention dans les médias, toutes technologies confondues : l'isolement fait vivre, l'isolement est le moteur de l'économie.



Ça part de loin dans le cycle de l'évolution, ça part du jour où l'homo est devenu sapiens, c'est-à-dire conscient de son isolement et, conséquemment, de sa vulnérabilité. Depuis lors, et maintenant, et jusqu'à la fin des temps, il essaie de s'en sortir par tous les moyens, y compris ceux qui pourraient le ramener à son état d'inconscience originelle.



Toute l'histoire est là pour appuyer cette thèse : inutile de la raconter en détails ici, ce qui est fait est fait. Disons, en gros, que pour sortir de l'isolement, l'humanité a inventé les philosophies, les religions, les arts, les lettres, les thérapies, etc. (voir la liste complète dans la classification Dewey)... Dans toute cette liste, il ne faut retenir qu'un mot, le mot-clé de mon constat initial à l'effet que l'isolement est le moteur premier de l'économie, le mot économie.



L'économie est en effet l'aboutissement de l'évolution humaine; elle sera d'ailleurs très probablement l'eurêka de cette évolution. Pour simplifier, disons que Quelqu'un (je l'appellerai Quelqu'un parce que personne ne sait vraiment qui), Quelqu'un donc s'est dit : « Puisqu'après tant de siècles, les femmes et les hommes n'acceptent pas leur isolement et veulent encore et encore à tout prix en sortir, aussi bien en profiter et leur vendre des moyens concrets qui leur donnent au moins l'impression qu'il est possible de le faire. » (traduction un peu pénible de : If they want it, they'll buy it!)



Le concept d'isolement rentable était né. L'idée était révolutionnaire et, qui plus est, s'arrimait parfaitement à la notion de démocratie naissante : pourquoi de pas profiter de l'isolement des autres, vivre de cet isolement, pourquoi chacun n'en tirerait-il pas profit? On connaît la suite... Le phénomène est maintenant mondial et se fait partout en trois temps : (1) rejet et abandon de tout le non-profitable passé (revoir la liste de Dewey); (2) développement rentable effréné* (ou tout autre synonyme de la liste citée plus bas); (3) développement durable (pour faire durer l'économie le plus longtemps possible).



C'est cette dernière étape qui me fait dire que l'économie, en devenant 'durable' mettra probablement un terme à l'évolution humaine; les x jours d'isolement et de réflexion qui me restent encore à consommer me permettront peut-être de me prononcer éventuellement là-dessus.



effréné : débridé, déchaîné, délirant, démesuré, déréglé, désordonné, dévorant, échevelé, endiablé, exagéré, excessif, féroce, fou, frénétique, furieux, glouton, illimité, immodéré, impétueux, insensé, monstre, sans frein, vertigineux, violent. (Dictionnaire du CNRS)


17 décembre 2004

Vivre avec l'isolement

    Sur la lancée du billet de Mario à propos de l'isolement des profs. En bon directeur d'école qu'il est, il écrit :


« Je voudrais pouvoir briser l'isolement par un coup de baguette magique. Ce n'est que le désir ardent d'encourager qui apporte ce réflexe. Mais le vrai changement "durable" (...) est du côté de gestes d'éclat qui créent l'enthousiasme et l'émerveillement. »


Nous sommes tous constamment confrontés avec l'isolement. C'est écrit dans notre nature même : ne passons-nous pas les neuf premiers mois le corps effervescent au chaud dans un parfait isolement et notre vie ne s'achève-t-elle pas bon gré malgré le corps dégénérescent au froid dans un isolement inéluctable? Entre les deux nous passons nos journées avec plus ou moins de succès à sortir de ce corps pour vivre à deux ou entre deux, à chercher les contacts, à entrer en contact, à reprendre contact, à entretenir les contacts, à maintenir les contacts. Bref, à sortir de notre isolement, à échanger nos isolements en quelque sorte comme si, malgré notre origine et notre destinée, nous n'étions pas faits pour vivre seuls.



De contact en contact on and off, tu finis cependant par comprendre que chaque être vit le même isolement, que pour être il faut être isolé. Tu finis aussi par comprendre qu'on ne peut être vraiment bien qu'en étant bien isolé. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas sortir de soi pour être mieux encore ensemble. Tu finis enfin par comprendre qu'aucun autre que soi-même peut nous sortir de l'isolement, que nous avons à chaque seconde le choix d'être à on ou à off, d'être ouverts ou fermés.



L'isolement du prof n'est pas plus exceptionnel que l'isolement du pomiculteur ou que celui du fonctionnaire ou du professionnel à son compte. Comme l'isolement du parent, l'isolement du prof est cependant plus dramatique et plus déchirant : comment peut-on éduquer des enfants sans contacts? Comment peut-on aider vingt ou trente ou cent quatre-vingts jeunes devant ou autour de soi à tisser jour après jour leurs réseaux vitaux sans être soi-même en communication avec eux, en étant ou en se sentant ou en ayant l'impression d'être isolé?



Isolé, le pomiculteur peut faire croître ses pommiers; isolé, le fonctionnaire peut vaquer aux dossiers qu'un fonctionnaire supérieur lui a confiés; isolé, le professionnel à son compte peut faire avancer les contrats en cours; isolé, le prof, lui, est piégé. Je comprends qu'un directeur d'école veuille briser cet isolement paralysant mais je doute qu'il puisse vraiment le faire; tout au plus peut-il, et ce n'est pas rien, mettre en place un climat et des conditions favorables à l'établissement des contacts, comme certains « gestes d'éclat qui créent l'enthousiasme et l'émerveillement ».



Seul le prof, comme quiconque d'ailleurs, peut briser son propre isolement en étant bien avec et en restant allumé, le bouton à on. Parce qu'il faut vivre avec l'isolement; pas s'enfermer dedans, en laissant le bouton à off, et se laisser mourir avant le temps.



16 décembre 2004

L'abondance

En allant faire l'épicerie de la semaine, une sorte de chasse aux spéciaux offerts dans les grandes chaînes, j'ai été frappé par l'abondance qui foisonne à ce temps-ci de l'année dans les supermarchés : magie d'étalagistes, plus on en prend, plus il semble y en avoir sur les tablettes...



Je nous regardais piger avec discernement chacun notre tour dans cette profusion de fruits, de légumes, de pâtisseries, de viandes, de sucreries et d'autres denrées en tous genres, finir par remplir à ras bord nos paniers, puis montrer tout ça en sortant à la caissière impressionnée -- j'en suis certain malgré son air blasé feignant l'indifférence --, faire en même temps l'envie des autres attendant en file impatients d'étaler à leur tour leur assortiment de bonnes choses pour avant Noël, payer avec des 'vingts' tout neufs ou d'un petit coup machinal et discret de carte de débit après s'être fait demander « Le montant exact? »...



Je nous regardais ensuite aller avec notre panier à roulettes plein de super-maxi-sacs débordants, passer près d'une grande boîte presque vide sans trop en voir l'écriture fait main « Denrées non périssables seulement - pour les... », sortir sans avoir à pousser la porte vitrée comme s'il y avait là quelque portier invisible sidéré devant notre future tablée, marcher fièrement dans le stationnement avec toutes ces provisions suscitant au passage la curiosité peut-être même la convoitise, finir de remplir le coffre déjà bien garni des spéciaux pris ailleurs, le fermer avec satisfaction, reprendre la route seul derrière le volant pour aller faire les fêtes avec tout ça...



Dans la noirceur du retour, en cherchant à synthoniser une musique à mon goût parmi les vingt, trente ou quarante postes de la bande FM qu'on peut capter à la frontière, je me disais : le bonheur en 2004 doit être dans l'abondance.


15 décembre 2004

C'est tellement simple...

    Hier, dans l'actualité au sens large, j'ai été frappé par la simplicité avec laquelle on peut régler des situations qui peuvent apparaître compliquées pourtant au commun des mortels. Voici quelques exemples.


Simple, la prévention de la violence. -- Un reportage d'Enjeux, nous apprenait qu'on peut prévenir la violence à l'école en faisant faire de la 'philosophie' aux enfants dès leur bas âge. Plutôt que de songer à purger le programme de niveau collégial des cours de philosophie, pourquoi ne pas l'inclure dans les programmes de niveaux secondaire et primaire?



Simple, l'arrêt de la surexploitation des forêts. -- Le Rapport final de la Commission sur la gestion des forêts publiques québécoises recommande un changement de culture radical au ministère des Ressources naturelles. J'apprenais de la bouche même du ministre responsable que c'était déjà fait : « Depuis que je suis en poste qu'il est déjà opéré, ce changement de culture ». (Selon Le Journal de Montréal) Pourquoi alors créer un comité en vue d'étudier la faisabilité des recommandations du rapport?



Simple, l'adoption de projets de loi majeurs. -- Le Gouvernement du Québec vient de baillonner l'opposition et d'adopter cinq projets de loi en quelques heures, dont le projet de loi 61 sur la création d'une Agence des partenariats public-privé du Québec et le projet de loi 63 qui institue un guichet unique pour les services de l'État, Services Québec. En quelques heures, on s'est doté d'un cadre législatif qui pourra modifier de fond en comble le fonctionnarisme et les relations d'affaires avec le gouvernement. Pourquoi tout ce temps perdu à parlementer pendant des mois alors qu'on peut tout régler en 24 heures?



Simple, la mise en ligne des livres de 'nos' bibliothèques. -- Il suffit de passer par Google! D'ici six ans, nous aurons accès au contenu de 15 millions de livres via Google, qui s'apprête à numériser -- à raison de 50 000 pages par jour! -- les collections de cinq grandes bibliothèques dont celles de l'Université de Harvard et celles de la Bibliothèque publique de New York. La future Grande Bibliothèque est-elle sur les rangs, question d'ajouter à la collection quelques livres en français?



Simple, de détruire tout un secteur de l'économie d'un pays. -- Ici, fermeture de six usines de textiles à Huntingdon jetant le tiers des habitants du village au chômage. Mais ce n'est que la pointe de la flèche. Toutes les usines occidentales de textile sont touchées : « La levée des quotas à l'importation de produits textiles et vestimentaires, dans quinze jours, risque fort d'accélérer ce déclin. Elle devrait se traduire par la fermeture de 1 300 usines aux Etats-Unis et par la disparition de 650 000 emplois, selon le National Council of Textile Organizations. » (Le Figaro, édition du 15 décembre 2004) On peut se demander qui en profite...

Lire aussi : « L'usine Chine tourne à plein régime »






14 décembre 2004

Une question à ne pas poser...

    J'ai soumis naïvement cette question à l'équipe de l'émission 5 sur 5 à la SRC :


    « Au rythme de décroissance actuel, dans combien d'années les 'Canadiens-français de souche' deviendront-ils minoritaires au Québec? »


J'ai posé cette question en sachant très bien que, telle que formulée, elle n'aura pas de suite. D'abord parce qu'il ne faut plus parler de 'Canadiens-français' : c'est maintenant un terme tabou comme celui de 'catholiques'. Ensuite, à cause du déterminant 'de souche', qui pourrait être perçu par certaines gens comme étant du racisme à rebours; or, il ne faut pas froisser certaines gens. Aussi, parce que le terme 'décroissance' est l'aboutissement de droits acquis intouchables dans notre société : (je ne les énumérerai pas de peur de froisser certaines gens). Et puis, qu'est-ce que ce mot 'minoritaires' quand il y a la loi 101! Enfin, parce que nous avons fait lors des deux dernières élections, démocratiquement le choix de mettre la priorité sur notre santé individuelle, pas sur l'avenir de notre population : or, je respecte la démocratie.



Pour toutes ces raisons et d'autres encore dont l'impact de certaines décisions de la Cour Suprême qu'il ne faut pas critiquer pour ne pas froisser certaines gens -- on peut critiquer le Pape, mais pas la Cour Suprême! --, 5 sur 5 ne pourra jamais répondre vraiment à ma question.



Je vais quand même suivre la courbe de notre désolante décroissance en notant certains signes qui ne trompent pas. La semaine dernière, des statistiques sur la disparition progressive des fermes familiales au Québec : entre 800 et 1 000 disparaissent chaque année... Hier, des statistiques sur la fréquentation scolaire à Montréal : 200 000 élèves il y a quelques années; 78 000, cette année; 1 000 en moins chaque année qui vient...



À ce rythme, si Dieu me permet d'atteindre l'âge de l'espérance de vie des 'Canadiens français de souche', je mourrai minoritaire dans mon propre pays. C'est pas grave, mon Jean : les Canadiens français disparaîtront mais il y aura toujours des Québécois. Ç'est ça qui compte!




13 décembre 2004

Les leçons d'une vieille carte

En faisant mes recherches sur l'époque des chemins de fer à Saint-Armand, je suis tombé sur des cartes fort précieuses pour comprendre comment s'est fait, notamment, le développement de la rive sud du Saint-Laurent. L'une d'elle date de 1885, avant donc l'apparition de l'automobile et des routes telles qu'on les connait. On y voit le tracé des principaux chemins de fer du temps avec les noms des stations où le train à vapeur s'arrêtait.




Cliquez sur la carte pour un agrandissement plus lisible.


 


On entend souvent parler des difficultés que rencontre aujourd'hui le développement régional. En regardant cette carte d'il y a 120 ans, on constate qu'il s'en faisait alors du développement régional : en utilisant le dernier-né des moyens de communication, le train à vapeur. Un chapelet de petites municipalités ont ainsi vu le jour et profité de la technologie de la locomotive et du rail pour se développer.



Depuis, l'automobile et le camion ont supplanté le train : plus grande mobilité exige. Des autoroutes ont été construites pour en permettre l'utilisation et réunir les capitales régionales en prenant soin de contourner les ralentissantes petites municipalités, amenant de facto un grand nombre de ces dernières à péricliter.



Le développement du Québec et du Canada a suivi celui des grandes voies de communication depuis 1534 : d'abord le fleuve et les rivières, puis les chemins de fer, le réseau routier enfin. Nos ancêtres ont développé une infrastructure fluviale pour leurs bateaux et une infrastructure ferroviaire pour leurs trains; nos pères, une infrastructure pour leurs cylindrées et les nôtres...



En ce troisième millénaire, la nouvelle génération dispose d'une nouvelle voie de communication, Internet. Qu'est-ce qu'on attend pour mettre en place une infrastructure de communications pan québécoise pour que toutes les municipalités puissent profiter de l'immense potentiel de développement lié aux télécommunications numériques? Il n'y a aucune raison pour que les investissements dans ce domaine se fassent uniquement dans les 'villes centres'. Quand viendra quelqu'un avec une vision ouverte du développement, une vision de véritable développement durable capable, grâce à la 'macroréseautique' de concilier production, rentabilité, exploitation durable du territoire et qualité de vie?



En regardant cette carte des chemins de fer de 1885, donc d'avant l'apparition des routes carossables, je me suis demandé si nous n'avions pas perdu cette audace des pionniers et des défricheurs qui caractérisaient nos pères, et si nous n'étions pas en train de devenir ce qu'ils ont toujours refusé d'être et refusé que nous soyons : des colonisés résignés. Pis encore, des colonisés qui payent 'de leurs poches' le développement qui se fait ailleurs, dans les régions du monde où ils ont compris les leçons du passé.



12 décembre 2004

Est-ce que ça existe un outil de recherche qui...

Moins de neige que prévu, ici. Ce n'est pas le cas chez Denis, chez Gilles, François, Etolane et chez Biblivore... (les chanceux!)



Mais chez les autres? Est-ce que d'autres blogueurs gueuses se sont laissés inspirer par la 'première tempête de neige' de l'hiver? Comment le savoir? Existe-t-il un outil de recherche qui pourrait m'y conduire sans que j'aie à circuler à travers 10 343 résultats de Netscape ou les 16 700 résultats de Google?



Posons la question autrement : est-ce que la première tempête de neige inspire encore quelqu'un?



11 décembre 2004

Le plusss b... pays du monde?



Avertissement. -- Ce document contient des réalités qui pourraient ne pas convenir à certains lecteurs en Fêtes.

10 décembre 2004

L'imMONDE

Plus d'un milliard d'enfants dans le monde souffrent de privations extrêmes liées à la pauvreté, à la guerre et au sida, 400 millions d'enfants n'ont pas accès à l'eau potable, 270 millions ne bénéficient pas de soins de santé et 90 millions souffrent de graves privations alimentaires.


640 millions d'enfants n'ont pas de logement adéquat, 500 millions n'ont pas accès à des installations sanitaires, 400 millions n'ont pas accès à l'eau salubre, 270 millions d'enfants ne bénéficient pas de soins de santé, 140 millions ne sont jamais allés à l'école et 90 millions d'enfants souffrent de graves privations alimentaires.


Près de la moitié des 3,6 millions de personnes tuées depuis 1990 lors de guerres étaient des enfants.


On compte maintenant plus de 15 millions d'orphelins dans le monde, dont huit sur dix en Afrique subsaharienne.


Dans 11 des 15 pays industrialisés pour lesquels on dispose de données comparables, la proportion d'enfants vivant dans des ménages à faible revenu a augmenté au cours des dix dernières années.


« Trop de gouvernements prennent délibérément et, en toute connaissance de cause, des décisions qui en pratique portent préjudice à l'enfance. La pauvreté ne surgit pas de nulle part, la guerre non plus, le sida ne se propage pas tout seul. Il s'agit de nos choix et nous en portons la responsabilité collective ».

Carol Bellamy, directrice de l'UNICEF

L'enfance en péril





09 décembre 2004

Prétentieux, le blogueur?

    C'est une question que je me pose de temps à autre -- le blogueur étant ici moi-même, on l'aura compris -- et j'ai décidé d'en disposer aujourd'hui, lendemain de l'immaculée conception. Ce qui suit est une réflexion strictement personnelle; toute ressemblance avec ce point de vue ne peut être que le fruit du hasard.


Prétentieux, le blogueur? « Oui, mais... »



« Oui. » Il faut être prétentieux pour écrire, même un vulgaire* blogue. Si je ne l'étais pas, je me contenterais de lire. Même chose pour parler : il faut être prétentieux pour parler. Lorsqu'on ne l'est pas, on se contente d'écouter. Et comme bloguer c'est à la fois écrire et parler, je suis doublement prétentieux. Voilà : aussi bien dire les choses comme elles sont, le blogueur est prétentieux.



* VULGAIRE, adj. : Qui est répandu. (...) Qui est ordinaire, courant, conventionnel; qui perd tout intérêt du fait de sa fréquence, de sa répétition. Synon. banal, commun, courant, ordinaire, trivial. (TLFi)


« Mais... » Mais cela dit, en y pensant plus à fond, ce n'est pas si simple. La prétention du blogueur a ses grandeurs et ses limites. Le blogueur est prétentieux mais il est aussi vulnérable, c'est-à-dire sujet à être jugé. (Ce à quoi échappent celles et ceux qui se taisent.)



« Mais... » Mais le choix même du thème d'un billet me rend vulnérable. Et puis, me rendent vulnérable les mots que j'utilise pour en parler -- vous voyez bien que bloguer, c'est parler --. Les références à mon vécu, à mes valeurs, à mon inévitable expérience, aux choses que je crois connaître. Les liens que je fais, également, avec d'autres billets sans savoir s'il ne sont pas tout aussi prétentieux. Mes prises de position à l'air péremptoire ("Pour qui tu te prends, le blogueur?") Les citations que j'emprunte et que je copicolle en les faisant miennes parce que je ne saurais mieux dire. Les questions que je pose et qui révèlent mon ignorance au vu et au su virtuel du monde entier. Les erreurs flagrantes que je commets même en pensant bien dire et bien faire. La possibilité que ce que j'ai mis tant d'âme ou de coeur à écrire ne soit même pas lu à cause d'un banal titre ou de ce que je n'aurais pas dû écrire la veille...



En fait, une telle vulnérabilité rabat, c'est pas long, le blogueur prétentieux qui essaie d'être vrai...





08 décembre 2004

Propos décousus sur deux mots du calendrier

8 décembre : Immaculée Conception. Il n'y a qu'un calendrier, en 2004, capable d'associer les mots immaculée et conception.




Aujourd'hui on dirait conception artificielle ou conception in vitro plutôt que 'immaculée conception'. Mais, entre nous et documentaires à l'appui, la science a encore du chemin à faire avant d'en arriver à la simplicité d'intervention du Saint-Esprit et à la qualité du résultat!




La conception elle-même, la simple conception est une affaire de plus en plus compliquée en ce millénaire de la liberté individuelle. C'est que la simple conception exige non pas une intervention -- comme dans le cas de l'immaculée conception ou de la conception artificielle --, mais une relation. Or, comment avoir une relation tout en conservant sa liberté de relations? Il n'y a pas cinquante façons de faire : il faut protéger chaque relation de la transmission. Mais, il ne peut y avoir de conception sans transmission : tous les sexologues vous le diront en vous mettant d'ailleurs en garde contre les dangers de la transmission. Pour notre santé, pour notre sécurité et pour notre liberté individuelle, nous n'avons donc pratiquement pas d'autre choix que celui de renoncer à la conception, pas d'autre choix que celui de l'immaculée conception, en quelque sorte.




Immaculée : chaste, inaltérée, innocente, intacte, pure, vierge. (CRISCO-CNRS) J'ajoute 'immaculée' à ma liste de beaux mots en voie d'extinction : la dernière fois que je l'ai rencontré, c'est le 8 décembre 2003, sur un calendrier. Je vais le laisser au féminin. Je vois mal le mot 'immaculé' au masculin; il faudrait bien que je trouve pourquoi...




Dans quelques années, en voyant Immaculée Conception au calendrier, quelqu'un dira sans doute : « Tiens! C'est la journée internationale de la page blanche. »



07 décembre 2004

Juste pour lire

L'une des plus belles pages de notre littérature...

Nous sommes tous nés, frères et soeurs, dans une longue maison de bois à trois étages, une maison bossue et cuite comme un pain de ménage, chaude en dedans et propre comme de la mie.


Coiffée de bardeaux, offrant asile aux grives sous ses pignons, elle ressemblait elle-même à un vieux nid juché dans le silence. De biais avec les vents du nord, admirablement composée avec la nature, on pouvait la prendre aussi, vue du chemin, pour un immense caillou de grève.


C'est en vérité une têtue, buveuse de tempêtes et de crépuscules, décidée à mourir de vieillesse comme les deux ormes, ses voisins.


Elle tournait carrément le dos à la population et à la ville pour ne pas voir le quartier neuf où poussaient de ces petites demeures éclatantes, fragiles comme des champignons. Face à la vallée, boulevard de la fauve Saint-Maurice, notre maison fixait comme en extase la lointaine caravane des monts bleus là-bas, sur lesquels se frappaient des troupeaux de nuages et les vieux engoulevents qui n'avaient pu sauter.


Rouille sur le flanc, noir sur le toit, blanc autour des fenêtres, notre lourd berceau se tenait écrasé sur un gros solage de ciment, rentré dans la terre comme une ancre de bateau pour bien nous tenir; car nous étions onze enfants à bord, turbulents et criards, peureux comme des poussins.


Une grande cheminée de pierres des champs, robuste, râpeuse, prise dans le mortier lissé à la truelle, commençait dans la cave près des fournaises ventrues, par-dessus la petite porte à courants d'air où, en mettant un miroir, on découvrait les étoiles. Comme un moyeu de roue, elle passait entre les étages en distribuant des ronds de chaleur, puis elle débouchait à l'extérieur, raide comme une sentinelle à panache et fumait, cheveux au vent, près d'une échelle grise, couchée. L'échelle grise et la petite porte noire de suie n'étaient pas pour l'usage des hommes, nous avait-on appris mais pour un vieillard en rouge qui, l'hiver sautait d'un toit à l'autre, derrière ses rennes harnachés de blanc.


De bas en haut, de haut en bas, notre chez-nous était habité : par nous au centre, comme dans le coeur d'un fruit; dans les bords, par nos parents; dans la cave et la tête, par des hommes superbes et muets, coupeurs d'arbres de leur métier. Sur les murs, les planchers, entre les poutres, sous l'escalier, près des tapis, dans le creux des abat-jour, vivaient les lutins, le bonhomme sept-heures, les fées, les éclats de chant, Lustucru, les échos de jeux ; dans les veines de la maison, courait la poésie.


Nous avions la chaise pour nous bercer, le banc pour faire la prière, le canapé pour pleurer, l'escalier à deux marches pour jouer au train; aussi, de ces jouets savants que nous n'osions toucher, telle cette bête à deux fils, au long bec, sonnerie au front qui conversait avec les grandes personnes. Un prélart fleuri devenait un parterre; un crochet, c'était l'écrou pour rouler les câbles de nos bateaux imaginaires; les escaliers servaient de glissoires; les tuyaux le long du mur, de mâts; et les fauteuils, de scènes où nous apprenions avec les chapeaux, les gants et les paletots des aînés, les grimaces que nous faisons aujourd'hui sans rire.


Félix Leclerc, Pieds nus dans l'aube, Éditions Fides.


06 décembre 2004

Simplification (2)

Je nous regarde aller...



Marcher sur la rue Sainte-Catherine ou sur la rue Principale, magasiner chez Wal-Mart ou chez Birk's, traverser le fleuve par le pont Champlain ou par le métro Longueuil-Université-de-Sherbrooke, regarder Tout le monde en parle ou Star Académie, feuilleter le Journal de Montréal ou Le Devoir, commander 'Le beigne du mois' chez Tim Horton ou prendre une soupe à l'Accueil Bonneau, parler dans notre 'téléphone à poche' ou tout seul les mains dans les poches, décorer notre arbre de Noël ou ramasser les canettes vides dans les poubelles de Westmount, faire la queue au guichet Desjardins & Cie ou tendre la main devant la Place des Arts, bloguer sur les blogues ou rire des blagues de Juste pour rire, écouter chanter Céline ou Pavarotti, attendre le prochain chèque de paie ou le prochain chèque de la Sécurité du revenu, vérifier les cotes de la Bourse ou le solde de notre compte Visa...



Dans le fond des fonds, nous sommes tous en train de faire la même chose : nous chercher une raison d'être.



Simplification (1)


05 décembre 2004

Bédéblogues

Je viens de découvrir une merveilleuse façon de bloguer... Le hic : il faut le savoir-faire!



Ma vie est une bande dessinée


Un crayon dans le coeur



04 décembre 2004

'Cheap'*, Radio-Canada

    Voici un bel exemple de la considération (lire : de l'inconsidération) que peut avoir un diffuseur pour les auteurs. C'est d'autant plus décevant (lire : inacceptable) ici qu'il s'agit de la Société Radio-Canada. Et d'autant plus symptomatique (lire : choquant) que le concours est organisé à l'occasion de la Soirée des Jutra, ainsi nommée en hommage posthume au regretté cinéaste Claude Jutra, décédé dans les circonstance que l'on sait. À un moment où on aurait tellement besoin de jeunes créateurs, auteurs et scénaristes de talent, je ne comprends pas qu'un organisme comme Les rendez-vous du cinéma québécois s'associe à pareille mesquinerie et à pareille arrogance.




Résumé et extraits des Règlements du concours :


LE CONCOURS

On fait tous du cinéma!



L'OBJET DU CONCOURS

Rédiger, seul ou en équipe, un scénario de court métrage de fiction d'une durée d'une minute 30 secondes.



LE PRIX À GAGNER
(je souligne en gras l'arrogance) :


« Les (trois) scénarios gagnants seront réalisés par une équipe professionnelle de la Société Radio-Canada. (...) Les gagnants auront l'opportunité d'assister au tournage s'ils le désirent. Aucune allocation ne sera accordée pour le transport, les repas et l'hébergement si nécessaires. La Société Radio-Canada et La Grande nuit du cinéma se réservent le droit de modifier les scénarios gagnants pour répondre à leurs besoins de diffusion et de production, ce qui inclut notamment la possibilité de changer les noms des personnages, la distribution des rôles suggérée, le nombre de personnages ou autres. La diffusion des trois films aura lieu lors de la Soirée des Jutra à Radio-Canada le 20 février 2005. Les gagnants recevront chacun une paire de billets pour assister à cette soirée. Ils devront se rendre à la soirée par leurs propres moyens, aucune allocation ne sera accordée. La valeur approximative du prix est de 150 $, pour un total de 450 $. (...) Le prix devra être accepté comme tel et ne pourra être échangé contre une somme d'argent, ni vendu, ni transféré. Aucune substitution ne sera accordée. »



LES CONDITIONS
(notons ici la grandeur des exigences comparativement à la mesquinerie du prix) :


« Pour participer au concours On fait tous du cinéma,


  • Les téléspectateurs/auditeurs doivent rédiger, seul ou en équipe, un scénario de court métrage de fiction d'une durée d'une minute 30 secondes.

  • Le scénario de court métrage doit être rédigé en français. Un scénario décrit de façon précise, scène par scène, le déroulement de l'histoire.

  • Le scénario ne doit pas avoir été déjà diffusé ou publié.

  • Le scénario doit être réalisable dans un maximum de quatre (4) heures.

  • Utilisation d'une caméra seulement.

  • La post-production (incluant la post-production sonore) doit se faire dans un maximum de cinq (5) heures.

  • Un jury composé à la discrétion de La Grande nuit du cinéma et de la Société Radio-Canada retiendra trois (3) scénarios, selon les critères suivants :
    • Originalité de l'intrigue ou de l'histoire

    • Précision du scénario (lieu, décor, heure du jour, ambiance, dialogue, etc.)

    • Description des personnages (attitudes, intentions, physique, psychologie, etc.)
    • Qualité des dialogues

    • Indications nécessaires au tournage (type d'éclairage, mouvement de la caméra, effets spéciaux, etc.)

    • Clarté de la présentation du scénario

    • Qualité du français et de l'écriture »




    La mentalité de la télé-réalité (qui exploite la naiveté de jeunes prêts à faire n'importe quoi pour avoir leurs deux minutes de gloire à la télé) serait-elle maintenant rendue à la Société Radio-Canada?


    Bonne chance quand même aux participants! Encore en 2004, comme au temps de Claude Jutra, ça prend du coeur et du désintéressement pour devenir auteur (lire : il faut accepter de se faire exploiter)!


* 'cheap' : chez nous, quand on disait de quelqu'un qu'il était 'cheap', c'était pour faire ressortir combien il était chiche et mesquin.


03 décembre 2004

Suite bancaire

Allegro vivo


« Au cumul, les six grandes banques ont comptabilisé un bénéfice net (record) de 13,3 milliards, en hausse de 21 % par rapport à 2003. »

Des records pour les banques Nationale et CIBC, par Gérard Bérubé, dans ledevoir.com, édition du vendredi 3 décembre 2004

Tempo di minuetto


« Grâce à leurs filiales implantées dans les paradis fiscaux, les cinq grandes banques canadiennes ont privé les fiscs canadien et provinciaux de 10G$ d'impôts au cours des 13 dernières années. Pour les quatre dernières années seulement, la combine fiscale atteint 5,7G$. »

Paradis fiscaux: les banques font perdre des milliards au Canada, par Géraldine Martin, dans le Journal de Montréal, édition du 25 novembre 2004

Andante con moto







02 décembre 2004

Les mots de décembre

Chaque année, en décembre, une foule de mots se régénèrent, s'animent, ressuscitent même.



C'est le seul mois de l'année avec un mot fétiche réservé : Noël.



Et grâce au mot Noël, un tas de termes usés par leur quodidienneté prennent un nouveau sens en ce dernier mois de l'année, simplement en devenant 'de Noël'. Les partys, les emplettes, les soupers, les congés, les décorations, les lumières, les chants, les arbres, les dindes, les CD, les soldes... : tout se prétend 'de Noël' en décembre.



Décembre a aussi ses noms bien à lui qu'aucun autre mois n'ose lui ravir : anges, crèche, bergers; traîneau, rennes, lutins; choeur, chants et cantiques; pauvres, nez rouge et guignolée...



C'est le seul mois où deux fois le mot minuit semble au milieu du jour, le seul mois où des mots latins reprennent du sens : adeste, gloria...



Des mots tout à fait banals les onze mois précédents se mettent à nous émerveiller en décembre : neige et vent, nuit et lumières, bas et souliers...



Des noms qui semblaient mal vieillir prennent un coup de jeune en décembre : ciel, père, coeur, enfants, cadeaux, don... Même le mot papa se dit et se répète sans faire rougir.



Des qualificatifs en d'autres temps timides ne craignent pas de s'afficher en décembre : joyeux, saint, généreux... Des verbes aussi : donner, chanter, recevoir, partager...



Pas étonnant qu'avec autant de mots à lui, décembre soit le seul mois qui ait sa collection de chansons.


01 décembre 2004

La 'nouvelle solidarité' libérale

Est-ce là, Monsieur Charest, le genre d'actions que vous inspire le principe de la nouvelle solidarité dont vous parliez à l'issue du récent Forum des générations?


« Voilà un gouvernement qui fait financer ses nouvelles primes à l'emploi par les assistés sociaux eux-mêmes -- grâce à sa demi-indexation et aux nouvelles restrictions imposées aux prestataires -- de la même manière qu'en éducation, où ce sont les étudiants pauvres qui, en raison de la transformation des bourses en prêts, assument les 103 millions supplémentaires nécessaires au système. Les libéraux ont une drôle de conception de la justice sociale : normal que la méfiance règne. »

Josée Boileau, L'inflation sélective, dans ledevoir.com, édition du mercredi 1er décembre 2004


30 novembre 2004

Adieu veaux, vaches...

Pour revenir de Saint-Grégoire où je m'étais rendu hier 'par affaires' en passant par la 235 et la 202, j'ai quitté les routes numérotées et emprunté les rangs.



Elles sont tristes les fermes en novembre. Maisons et bâtiments comme des ilots perdus au milieu d'un champ unique à perte de vue couleur de terre labourée. Quasi personne dehors, quelques tracteurs et machines grandeur inhumaine arrêtées au bout d'un champ, signes d'essoufflement.



D'animaux, pas de traces, sauf... quelques moutons en pacage qui me semblent bien maigres juste avant les grands froids. Ni veaux, ni vaches, ni cochons, ni poules visibles... Plus de traces aux couleurs d'une quelconque culture. Que de la terre retournée et quelques squelettes d'arbres en fond de terre et autour des habitations qui semblent inhabitées -- sauf les deux ou trois où s'est arrêté l'autobus scolaire qui me précédait sur un bout du chemin.



Des drames et des chiffres sortent au grand jour pendant cette période de ras-le-bol des producteurs laitiers qui se font littéralement voler leurs vaches à terme tant les prix payés par l'abattoir à monopole sont bas. Revenus nets négatifs en 2003 chez les producteurs laitiers; parallèlement à ces pertes, le prix des terres et de la machinerie est à la hausse. Relève inexistante ou démotivée, découragements, dépressions, suicides, drames familiaux, inexorable exode... Entre 800 et 1000 producteurs abandonnent le rêve de leur vie à contrecoeur et doivent se résigner à vendre leur terre à plus gros qu'eux chaque année au Québec. La dérive de notre peuple terrien se poursuit, inexorablement.



À ce rythme-là, les communautés rurales, comme moi, passeront définitivement à l'histoire oubliée dans moins de vingt ans... Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que j'étais à Saint-Grégoire hier : le centre financier commercial Desjardins de la région est maintenant à cinquante kilomètres d'ici. Après les écoles, les bureaux de poste et les églises, ce sont maintenant les caisses populaires (appelées transitoirement comptoirs de service) qui abandonnent les villages. On appelle ça comment déjà chez les Libéraux progressistes et chez Desjardins & Cie? Le reingeneering?



Portrait anticipé du Québec d'après demain. Montréal, Québec et quelques villes dites 'centres' desservies chacune par RBC, CIBC, Loblaws, Wal-Mart, Brick, Home et autres dépôts, Staples alias Bureau en Gros, Canadian Tire, Tim Hortons et autres macdos, et Jean-Coutou International. Terres agricoles et super machineries entre les mains des financiers repreneurs à bons prix dorénavant aux commandes des grandes cultures et de l'élevages industriels, de l'agriculture soudainement devenue rentable. Villages, lieux de villégiature pour gens aisés et âgés. Un bidonville ici et là avec ça?




29 novembre 2004

Les hasards du développement durable

Le sommet de la Francophonie a ramené le continent africain dans l'actualité pendant quelques jours. Le thème de ce sommet : « La francophonie, espace de solidarité pour un développement durable ». Le premier ministre Jean Charest y était.



On ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec les deux principes soi-disant 'émergés' du Forum des générations convoqué en octobre par ce même Jean Charest : développement durable et nouvelle solidarité.



Hasard? Je ne crois pas. Les termes 'développement durable' et 'solidarité' sont politiquement rentables (même les syndicats l'ont compris). Il en émane de l'espoir. Les mots-masques parfaits.



Au Québec, on sort le 'développement durable' et la 'nouvelle solidarité' pour nous faire oublier les innombrables dérapages du 'progrès', pour masquer le développement sauvage qui depuis belle lurette ne respecte ni la nature, ni l'humain : cotes boursières et Wood Gundy obligent dans l'Église des Grands Investisseurs.



En Afrique, les expressions 'développement durable' et 'solidarité' sont fort utiles pour faire périodiquement oublier le 'sous-développement perdurable' qui caractérise ce continent, pour masquer les pillages passés faits au nom de la civilisation investissante.



Faisons un peu de sémantique 101. Un développement « durable », c'est un développement « qui dure toujours ou du moins très longtemps ». Quel 'développement' durable? Question à choix multiples : définitions pour tous les goûts, pour toutes les bourses. Tout dépend de vos aspirations.



Qui a osé dire que les mots ne veulent rien dire? Ils veulent tout dire.



28 novembre 2004

Ukrainien d'un jour

L'instant d'un reportage télévisé, je me suis senti profondément Ukrainien.



Je grelottais devant le Parlement de Kiev avec mes compatriotes. Avec le peuple qui me semblait là tout entier, je scandais inlassablement : « Iouchtchenko! Iouchtchenko! Démocratie! Démocratie! » Nous revendiquions ensemble notre pays et son avenir.



Nous étions là parce que cette terre léguée par nos ancêtres nous appartient : « C'en est assez des diktats autocratiques de dirigeants qui nous sont étrangers. » Sur la Place de l'Indépendance, je brandissais le drapeau jaune et bleu de la liberté promise à nos enfants en criant : « Maîtres chez nous! »



Autour des feux de camp allumés parmi les tentes montées à la hâte, j'entendais des discours enflammés malgré le froid : « Notre place est à table et non dessous, à recueillir les miettes! Rien ne nous arrêtera, ni la police, ni l'armée, ni l'hiver! Nous sommes prêts à mourir pour que nos enfants et nos petits-enfants puissent vivre dignement en Ukraine. »



J'ai vécu quelques instants la ferveur démocratique, l'illusion que le pouvoir pouvait être entre les mains du peuple.


27 novembre 2004

« Ça va bien aller! »

    En marge de la diffusion à Zone libre du documentaire de Fernand Dansereau et Georges Amar sur le frère André et l'Oratoire Saint-Joseph : Rumeurs de miracles.


Il y a des choses qu'on ne peut comprendre que si on a connu le malheur, la misère et l'humiliation. La ferveur, par exemple. Et la compassion; le besoin de compassion, tout au moins. Lorsqu'on est favorisé par la généalogie, la génétique ou le hasard, on perçoit facilement la compassion comme étant de l'exploitation et la ferveur comme étant de la naïveté. Dans Rumeurs de miracles, c'est ce qui m'a frappé : ce regard hautain quasi dédaigneux sur un des hauts lieux (au sens propre) de notre catholicité québécoise moribonde.



Le titre, le texte, le choix des images d'archives, le choix des experts critiques, le ton... On a voulu susciter la suspicion, mettre en doute, faire passer le 'succès' de l'Oratoire comme étant l'exploitation cléricale de la naïveté populaire. Une imposture, alors? Pourquoi ne pas l'avoir prétendu, quant à y être!



La vie nous apprend que quand on sait s'y prendre on peut monter une preuve capable de faire condamner n'importe qui et n'importe quoi. Je crains que celles et ceux qui ne connaîtront l'Oratoire et le frère André que par ce genre de témoignages biaisés n'osent même pas s'aventurer sur le flanc nord du mont Royal; je ferais probablement pareil, ayant une sainte horreur des exploiteurs en tous genres.



La réalité est pourtant toute autre et tellement simple. Trop discrète pour faire la manchette, trop ordinaire pour mériter un quelconque point de presse. Désarmante. Impossible à montrer dans un documentaire. L'Oratoire est un lieu grandement accueillant. Le frère André était un homme qui savait dire « Ça va bien aller! ». Accueillant, simplement. Les gens simples ont besoin de se sentir accueillis pour se sentir bien; d'être accueillis pour se sentir mieux lorsque le malheur ou la misère s'acharne. Nos prédécesseurs et nos ancêtres étaient des gens simples. Et si on se fie aux deux millions de visiteurs que reçoit encore annuellement l'Oratoire, il y a encore des gens simples.



L'erreur de ce documentaire, c'est de penser que les gens simples sont tous des naïfs.






26 novembre 2004

Espoir, méfiance et scepticisme




Pourquoi cette incrédulité? Parce que nos gouvernements n'arrivent pas à être crédibles. Une des raisons de cet état de fait, c'est qu'ils agissent en marge comme si nous n'existions pas. Un exemple récent : celui du Forum des générations. Au terme de cette consultation en vase clos et entre pairs, le Premier ministre Jean Charest a prononcé une allocution dans laquelle il disait :



À l'issue de ce Forum des générations, j'ai annoncé une série d'actions à court et moyen termes qui vont renforcer le Québec. Ces actions vont permettre la préservation de nos systèmes public de santé et d'éducation et assurer le développement prospère et équitable du Québec. Ces actions reposent sur deux principes qui ont émergé de nos discussions et qui guideront notre action. Le premier, c'est celui du développement durable; du développement durable du peuple québécois. De la même manière que dans le domaine environnemental, nous devons soumettre nos décisions publiques à un critère de base : est-ce que c'est dans l'intérêt de ceux qui nous suivent? C'est ça, le test des générations. Ce principe du développement durable de notre peuple, c'est aussi celui de la responsabilisation de chacun de nous face à notre avenir collectif. C'est aussi celui du juste effort de chacun de nous. De ce premier principe en découle un deuxième, c'est l'émergence d'une nouvelle solidarité. Et cette solidarité, ce n'est pas celle d'un groupe face à un autre, ou des régions face aux villes; c'est celle de notre multitude face à ses enjeux.



« Le développement durable du peuple québécois » et « l'émergence d'une nouvelle solidarité » : voilà un merveilleux projet collectif au potentiel rassembleur capable de susciter l'espoir et de faire l'unanimité. Jean Charest s'est pourtant contenté d'en parler en privé devant l'aréopage du Forum comme étant deux 'principes' qui guideront l'action de son gouvernement. Pourquoi ne pas en avoir fait un engagement public et n'avoir pas convié toutes les forces vives du Québec à y souscrire et à y travailler? Pourquoi faut-il que la politique se fasse toujours en catimini ou par presse interposée? Comme si seuls les 'nobles', les lobbyistes, les groupes de pressions et les gens de la presse écrite ou électronique avaient élu le Gouvernement.



C'est ce que je me disais hier en écoutant le ministre Thomas Mulcair entre deux faits divers du journal télévisé. Si le gouvernement était sérieux, l'annonce du 'virage durable' n'aurait pas été faite dans un point de presse devant quelques journalistes. C'est le Premier ministre lui-même entouré de tous ses ministres qui l'aurait faite dans un discours à tout le peuple, télédiffusé à une heure de grande écoute, dans des termes sans faux-fuyants constituant un engagement 'ici et maintenant'.



Telle que faite, l'annonce de l'avant-projet de loi est apparue comme obligée à cause des pressions constantes des environnementalistes, stratégique pour faire suite à l'annonce des principes énoncés au terme du Forum des générations et électoraliste pour satisfaire les attentes des Libéraux, coincidence, en congrès durant la fin de semaine dernière pour préparer la prochaine élection. Les termes mêmes du projet de loi, notamment l'échéancier, confirment d'autre part cette perception. Et que dire du silence des autres ministres? Bonne chance, Monsieur Mulcair; préparez un plan B pour la suite de votre carrière.



Une autre belle occasion complètement ratée par le Gouvernement pour faire renaître la crédibilité politique auprès de la population. C'est à croire que nos élus préfèrent la politicaillerie.








25 novembre 2004

L'art du titre

Aujourd'hui, exercice de lecture sur l'art du titre. L'occasion : la parution d'un numéro spécial du Nouvel Observateur à l'occasion de ses quarante ans.



Après lecture de l'éditorial de Jean Daniel, dans lequel il fait un survol à sa façon des quarante dernières années de son journal et de notre planète, je parcours, amusé, les titres d'archives liés à des extraits de textes reproduits pour l'occasion. Il y a toutes sortes de façons de voyager dans le temps! Vous lisez un titre paru en telle année; vous imaginez de quoi il pouvait bien traiter; vous lisez l'extrait...



Un périple rempli de rétro découvertes et d'imprévus qui réconciliera n'importe qui avec les archives!


24 novembre 2004

Non, je n'ai pas regardé chacun des mille premiers épisodes de « Virginie », mais...

    C'était la millième de 'Virginie' à la SRC ce lundi. Écrire et produire mille épisodes d'un téléroman quotidien est un tour de force; en faire un succès populaire tient de l'exploit. Un exploit d'autant plus remarquable ici que c'est l'oeuvre originale d'une seule et même personne à ce qu'on dit, Fabienne Larouche, conceptrice, rédactrice et productrice de l'émission fleuve de notre télévision publique.


Je n'ai pas regardé chacun des épisodes diffusés ces huit ou neuf dernières années malgré que notre téléviseur, lui, ait été fidèle à nous les présenter jour après jour, du lundi au jeudi. Je pense même qu'inconsciemment, je les ai longtemps boudés. Cette incursion de la fiction téléromancée dans l'école me rebutait à priori : je craignais la récupération, l'étalage des préjugés qui minent le professionnalisme dans le monde de l'éducation, les pierres lancées dans le tas pour avoir la cote auprès des victimes du système.



    C'est en regardant Mémoires d'enfance, l'émission de Denise Bombardier dont elle était l'invitée, que j'ai mieux connu Fabienne Larouche : intarissable et coulant de source en racontant sa prime jeunesse. Si j'avais eu des doutes quant à ses talents de conceptrice, rédactrice et productrice, ils seraient tombés drette là. Si je m'étais questionné quant à l'origine de son inspiration, j'aurais été rassuré rien qu'à l'écouter. C'est une femme toute là, présente et expressive, visiblement heureuse de partager les expériences, les rencontres et les valeurs qui l'ont faite Fabienne. Devant elle, Denise Bombardier, née communicatrice, n'a pas eu d'autre choix, comme nous, que celui d'écouter. C'est que Fabienne Larouche est communicative.


À force de me faire dire qu'il ne fallait pas manquer le prochain épisode, j'ai fini par céder, par me laisser prendre au jeu une fois ou l'autre. Une chose qui m'agace au plus haut point dans le genre téléroman, c'est la nécessité de voir le précédent et le suivant pour comprendre l'épisode en cours, l'intrigue au premier plan découpée en petits morceaux, la présence obligée à jour et à heure fixe devant télécino. À l'usage, j'ai découvert que « Virginie » a ceci de particulier que l'intrigue y est au second plan; au premier plan, c'est la vie intérieure des personnages qui se manifeste, leurs craintes, leurs joies, leurs peines, leurs doutes exprimés. Leurs colères et leurs indignations tout autant. On peut ainsi embarquer, débarquer, rembarquer dans la série sans se sentir perdu : un peu comme dans la vie lorsqu'on reprend contact avec des amis un temps oubliés.



    Fabienne Larouche sait parler de source. Elle sait aussi faire parler de source ses personnages. Le hasard a fait que lundi soir dernier, sur la route 133 entre Saint-Jean et Saint-Armand, j'écoute un spécial « Virginie » 1000.5 pour l'émission Ados-radio. Il s'agissait principalement de dialogues entre les deux jeunes mis sous arrêt après leur prise d'otage et la fusillade qui s'ensuivit (je l'ai su après). J'ai eu alors confirmation que cette émission est faite autant sinon plus pour être écoutée que pour être regardée : elle a du sens. Après, je n'ai pu faire autrement que d'éteindre la radio pour faire le dernier bout du chemin dans le noir silence : les jeunes devraient pouvoir prendre la parole plus souvent, ça nous sortirait de notre vieillissement collectif léthargisant.


Mes préjugés sont tombés. Après neuf ans et 1000 émissions, il était temps! « Virginie » n'est pas un portrait déformé de l'école mais le reflet de notre société à travers elle. L'école y est secondaire, sans doute même méconnaissable pour ceux qui y vivent au quotidien. Ne serait-ce que sur le plan de la communication : à moins que cela ait bien changé, on parle mais on se parle bien peu dans les écoles. Et on voudrait s'entraider plus qu'on ne le peut vraiment. Dans « Virginie », on se parle, on s'écoute, on s'entraide. De la vraie fiction, quoi!



    Malgré mes réticences du premier mille, tout n'est pas perdu pour moi. Heureusement, la série continue. Je retrouverai donc avec plaisir un jour par ci par là les faux profs, les faux élèves et les autres personnages nécessaires pour faire vrai dans les décors d'une fausse école sauf pour ce qu'elle devrait être; j'écouterai tout ce monde parler vrai, laisser jaillir jusqu'à nos oreilles ce qui vient de la source Fabienne. Et je vais me prendre à espérer que d'autres qu'elle fassent de même, que d'autres qui croient et espèrent encore donnent la parole aux jeunes de tous âges.

23 novembre 2004

Ça commerce ici

    Étais-je au Wal-Mart? chez Zeller's?

    Chez Sear's? ou au Canadian Tire?

    Pourtant, c'était hier!

    Maudite mémoire.


................



forêt intérieure de sapinoides tous formats

d'un fort vert imposant sans nuances

ogm* de sapins importés

ou d'épinettes peu importe

sans fleurs ni cônes

sans aiguilles au pied

sans odeur de résine

sans écorce au tronc

arbres de noel à vie

pour ce qui restera d'enfants

50 % sur tous nos modèles pré-décorés



ça commerce ici



décorations plastiques ou tissus synthétiques

par milliers par millions

lumineuses clinquantes inodores

rouge sang faux or et faux argent

plaisirs plein les yeux d'aveuglement

aux restés des enfants à vue

à partir de 19,97 $

70 % sur tout le stock after XXXmas



ça commerce ici



clones de personnages inconnus

grandeur nature de rêve

sortis de contes d'Elsewhere

written in usa made in asia paid in visa

lutins joufflus empaillés souriants

propres bien mis silencieux si tranquilles

pour futurs parents encore hésitants

à partir de 49,97 $

payez et emportez



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crèches deux modèles petit et moins petit

pour vieux ou grands parents nostalgiques

s.v.p. ne pas ouvrir les boîtes

14,97 $ ou 29,97 $

personnages non inclus

vendus séparément

à partir de 9,97 $

tant qu'il y en aura

collectionnez-les



ça commerce ici



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    Je me souviens...

    J'étais chez Canadian Tire, « Ça commence ici », curieux de voir qu'est-ce qui commence... En entrant, j'ai tout de suite repéré les quatre énormes lettres suspendues pour moi au mur nord : N O E L . C'est donc ça « Ça », me suis-je dit. J'ai profité de ce que c'était lundi et encore novembre pour me promener seul parmi d'autres seuls et seules dans les allées engorgées des futurs cadeaux utiles de milliers de Montérégiens qui ne se doutent encore de rien.

    Une absence m'a frappée, la feuille d'érable : de moins en de moins de produits sont marqués de la feuille d'érable rouge omniprésente il y a peu d'années encore chez Canadian Tire... Canadian tired?


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* OGM : objets générés machinalement



Fiche noelogique : Comment reconnaître le vrai sapin