Aujourd'hui, retour de Bernard Derome au Téléjournal. Jusqu'en 1998, il était identifié au Téléjournal comme René Lecavalier était jadis identifié à la Soirée du hockey. Après une courte carrière d'encyclopédiste à 5 sur 5, voilà qu'il revient, non sans créer certains remous dans les chapelles de l'information : Odile Tremblay, dans Le Devoir, voit même là un aveu d'impuissance de la part de Radio-Canada!
Mais là n'est pas l'essentiel de mon propos. Je veux profiter de cet événement pour m'inscrire en faux contre la publicité pendant les émissions d'information à la télévision d'État, plus particulièrement pendant le Téléjournal.
Il ne devrait pas y avoir de publicité pendant le Téléjournal ni pendant toute autre émission d'information produite par la Société Radio-Canada financée par l'argent public. C'est pour moi une question fondamentale d'éthique démocratique et de crédibilité.
Éthique? La publicité durant le Téléjournal ça lance le message qu'on peut acheter le Téléjournal. Il y a là apparence d'ingérence dans le contenu; ça devrait donc être banni comme toute autre apparence d'ingérence. Imaginez un instant que le Premier Ministre ait son deux minutes de présence à chaque Téléjournal pour vanter ses politiques...
Crédibilité? Parlons-en. La publicité influence le contenu du Téléjournal, qu'on le veuille ou non. Un : les messages publicitaires enlèvent du temps de nouvelles et font donc qu'une partie de l'information doit être éliminée ou tronquée. Deux : les messages publicitaires imposent leur rythme au Téléjournal; à la limite, les spots publicitaires passent comme des nouvelles parmi les nouvelles. Trois : le téléspectateur ne s'y méprend pas, on n'aborde pas au Téléjournal l'actualité qui pourrait compromettre les publicitaires payants actuels ou potentiels (quand est-ce, par exemple, qu'on entend parler au Téléjournal de la responsabilité des fabricants d'automobiles dans certains accidents? On nous annonce plutôt leurs campagnes de rappel 'préventif'. C'est un exemple. J'aurais pu choisir celui des institutions financières ou celui des produits 'naturels'.) Quatre : tant qu'il y aura de la publicité au Téléjournal, l'information y aura une approche favorable au moins en apparence à tout ce qui est commercial au détriment des valeurs plus axées sur l'humain. Cinq : par définition, la publicité joue avec nos émotions par l'image; cette manipulation de nos sens à des fins commerciales influence de plus en plus la présentation même de l'information et, on le sent, préside au choix des séquences qui accompagnent les nouvelles brèves même au Téléjournal. Six : la tendance plus récente à l'autopublicité pendant le Téléjournal; on insère dans les nouvelles elles-mêmes des extraits d'autres émissions d'information en nous conseillant de regarder l'émission pour tout savoir. Sept : un principe psychopédagogique tout simple, c'est l'efficacité de la répétition; appliquez ce principe au Téléjournal et vous verrez ce que leurs concepteurs veulent bon gré mal gré qu'on en retienne (vous avez deviné : la glucosamine!). Huit : étrangement, les présentateurs de nouvelles font bien attention pour ne pas être associés personnellement à la publicité alors que leur émission y est pourtant enchaînée. Neuf et je m'arrête ici : la publicité DANS l'information jette le doute SUR l'information et, si la tendance se maintient, je ne crois pas qu'à lui seul Bernard Derome puisse renverser cette tendance, justement parce que c'est très 'tendance'.
J'espère donc que le retour de Bernard Derome au Téléjournal sonnera en même temps le retour du Téléjournal sans publicité, lui redonnant ainsi toute sa crédibilité. On avait d'ailleurs annoncé leur disparition au moment du départ de Stéphane Bureau (dont on est sans nouvelle). C'était là une annonce parmi d'autres comme tant d'annonces gouvernementales qu'on a vite fait de nous faire oublier. Il y aurait une belle analyse à faire sur les silences du Téléjournal.
En passant, coup de chapeau à Gilles Gougeon pour la dignité avec laquelle il a assuré l'intérim de la présentation des informations de fin de soirée. À ce chapitre, il mérite 5 sur 5.