31 mars 2004

La tête dans le carré de sable et le cul dans la tête

L'émission Enjeux ergotait hier sur le thème ADOPORNO.COM: SOS SOLUTIONS. Pendant une heure, on nous a bercés sur le thème du sexe dans Internet et de sa consommation ad nauseam par nos adolescents, sur fond d'images suggestives partiellement brouillées pour se conformer aux normes de la télédifusion et renforcer la cote d'écoute.


On nage ici en pleine hypocrisie. On feint l'ignorance, on feint la surprise, on feint l'indignation, on feint l'impuissance devant le phénomène, on feint l'effarement devant la quantité d'images avilissantes qui circulent... Et on conclut grosso modo : « Mais, qu'est-ce qu'on peut faire? »


La numérisation et sa diffusion par Internet sont à la pornographie ce que la vidéo et la télé payante, la photo et les magazines, l'imprimerie et les librairies lui ont été en leur temps : des moyens 'technologiques' pour répondre à la demande.


Comme la drogue et comme le suicide, la pornographie n'est pas une maladie mais le syndrome d'un vide métaphysique, d'un mal à l'âme, d'une désespérance que la consommation tous azimuts d'une génération à l'autre n'arrivera jamais à combler quoiqu'en dise la publicité.


Et on peut au moins se poser la question : dans ce monde de plus en plus contraignant et déshumanisant -- rentabilité et sécurité obligent --, la sexualité serait-elle en train de devenir le dernier retranchement de notre liberté individuelle?


Hé! les jeunes! Otez-vous le cul de la tête et sortez de votre carré de sable : c'est de votre intelligence, de votre imagination, de votre coeur, de vos bras et de vos jambes dont la Vie a besoin pour s'éclater et pour changer le monde!


30 mars 2004

Les croix de l'autoroute de la Vallée-des-Forts

Autoroute 35, entre Saint-Jean-sur-Richelieu et Carignan, dite de la Vallée-des-Forts.


À quelques kilomètres de distance, en bordure du fossé trop profond, deux petites croix blanches bien visibles ont été plantées.
Chacune est le symbole du lien persistant entre deux êtres chers malgré l'accident fatal, injuste, inexplicable.


Depuis le jour fatidique, lui est amarré pour toujours à la terre. Elle ne cesse d'errer au-dessus dans l'espace maintenant incolore de leur vécu. Elle s'agrippe à la vie comme cette croix qu'elle a plus d'une fois et à grand-peine accrochée au fossé.


Jusqu'à ce qu'un jour, sous la faux aveugle d'un gaillard ou du temps, la petite croix blanche tombe dans l'oubli.


29 mars 2004

Le Téléjournal ou ce qui en reste :
de l'espoir pour l'automne

Courriel reçu de <auditoire@radio-canada.ca> où j'avais fait parvenir le texte de mon billet du 15 mars pour un Téléjournal sans publicité :
« La volonté de retirer progressivement les publicités de nos bulletins d'information est toujours présente, et des projets pilotes innovateurs de présentation des publicités sont à l'étude dans d'autres cas. Une étape a été franchie à l'automne 2003 par l'annonce du vice-président de la Télévision française, Monsieur Daniel Gourd, à l'effet qu'il n'y aurait plus de publicités dans la présentation du Téléjournal à compter de l'automne 2004. »

Un espoir, donc. Le courriel est signé Bruno St-Jean, Relations écrites avec l'auditoire, que je remercie pour ces précisions.


J'ai également reçu une note de Claude Perrault, conseiller au code publicitaire à Radio-Canada, qui m'indique qu'on peut trouver un résumé du code publicitaire de la Société d'État à l'adresse suivante : http://www.cbc.radio-canada.ca/htmfr/politiques/publicitaire.htm.


28 mars 2004

Rapprochement

De FERNAND RAYNAUD, un artiste comique français décédé en 1973 :


« Si un jour une de vos amies vous dit : “Veux-tu que je te parle franchement?” répondez-lui : “Non! Non! Non! Continue à me parler comme avant.” »

Aussi, de lui :


« Quand je vois ce que je vois et que j'entends ce que j'entends, je suis bien content de penser ce que je pense. »

[via Citations du monde]



27 mars 2004

Sans mots

j'ai demandé au Poète
ce qu'il pouvait écrire
sans mots


il arracha quatre feuilles de son carnet jauni
y griffonna quelque chose
et me les tendit


sur la première
il avait écrit en plein centre
Pas un mot!


sur la deuxième
il y avait les chiffres
100 20, 20 100.


la troisième n'avait qu'un titre
en majuscules dans le haut
POÈME SANS MOTS


sur la dernière
ni mot ni chiffre ni titre mais
un léger trait de plomb


et j'ai compris alors
qu'une feuille jaunie
même sans mots
pouvait être un poème




26 mars 2004

Les enfants de l'État ou L'État parent

Nous assistons depuis quelques années au passage de l'État providence à l'État parent. Le phénomène m'apparaìt évident et, dans le contexte socio-politique actuel, irréversible. Je le résumerais ainsi : de plus en plus, l'État assume dans les faits la responsabilité des enfants.


Je dis dans les faits, parce qu'en droit, sur le plan strictement légal, les parents sont encore entièrement responsables de leurs enfants; mais au rythme où vont les choses, cette responsabilité ne fera pas long feu et le droit devrait être amendé en conséquence. Je ne suis pas compétent pour faire l'analyse de la question et mon propos n'est pas ici d'en juger. Je fais simplement un constat : l'organisation sociale et politique fait en sorte que les enfants 'échappent' de plus en plus et de plus en plus jeunes à l'influence de leurs parents.


Concrètement, l'État est maintenant équipé pour prendre entièrement à sa charge -- avec l'aide des médias, enchantés -- l'entière éducation des enfants de leur naissance à leur premier emploi. L'éducation des enfants est en train d'échapper complètement aux parents. Il leur reste pour peu de temps encore deux ou trois champs de responsabilité réels, c'est-à-dire pour lesquels ils doivent payer : les nourrir, les habiller, leur offrir un gîte pour la nuit et les temps morts et, naturellement, répondre de leurs actes répréhensibles lorsqu'ils ont des écarts de conduite qui les sortent des sentiers battus par l'État.


L'étape suivante de cette macroévolution sera la prise en charge de la naissance même des enfants (la technologie est déjà en place pour le faire) ainsi que de leur croissance physique. Je ne vivrai pas assez vieux pour le constater de visu, Dieu merci! Mais je serai probablement témoin des prochaines étapes qui y mèneront : l'agrandissement des centres de jeunesse pour qu'ils puissent accueillir le trop-plein des foyers d'accueil; l'élargissement des heures d'ouverture des centres de la petite enfance pour 'libérer les parents' à toute heure du jour puis de la nuit; l'ouverture des écoles sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par année, et leur transformation en 'milieux de vie'; l'intégration complète des collèges d'enseignement à l'économie des régions permettant la mise à niveau immédiate des ressources humaines selon une formule apparentée au 'juste à temps' qui a fait ses preuves comme moyen de rentabilisation; la convergence complète des universités avec l'économie globale et leur financement par les entreprises multi et supra nationales.


Bref, dans un avenir peut-être lointain -- mais certain si la tendance se maintient --, la famille telle qu'on la connaît maintenant (ou plutôt telle qu'on la connaissait il y a quelques années), pauvre, riche, nombreuse, monoparentale, reconstituée, unie, éclatée... ne sera plus qu'un souvenir dont les humoristes s'inspireront pour faire rire aux éclats les femmes et les hommes également égaux à ce moment-là, peut-être même identiques, venus à leur show tordant subventionné par le ministère des Affaires nostalgiques pour leur changer les idées et leur faire oublier les problèmes résiduels persistant dans leurs milieux de travail-étude et de loisir-couple.



25 mars 2004

L'art de provoquer le terrorisme

Article éclairant et troublant de Bruno Odent dans l'Humanité sur la stratégie du chaos et l'art de provoquer le terrorisme chez nos voisins les États-Unis et le petit frère israélien : « Une politique du pire parallèle à celle de Washington ».


Selon son analyse, l'assassinat du cheikh Yassine n'est rien d'autre qu'un moyen pour Sharon de provoquer le chaos pour arriver à ses fins :


« la radicalisation recherchée par Ariel Sharon pour conforter ses opérations militaires dans les territoires occupés et justifier la construction du mur, n'a pas manqué de se produire. (...) L'indulgence de Washington [révèle] en fait le parallélisme des logiques mises en oeuvre par Israël et par l'administration Bush. On sait combien la politique du pire qui a conduit, sous couvert d'anti-terrorisme, à faire la guerre en Irak et en Afghanistan, loin de réduire la menace comme elle le prétendait, l'a au contraire accentuée. »

Provoquer l'escalade du terrorisme serait donc une stratégie américo-israélienne pour rendre impossible toute négociation politique et justifier ainsi des interventions militaires unilatérales pour occuper un territoire convoité.


Ça ressemble étrangement à un modèle d'occupation que nos pères ont connu et qui a mené tout droit à la Deuxième guerre mondiale. Sauf que cette fois-ci, les parties en présence sont en rupture de force : que peut faire une souris contre un chat devant l'apathie générale?


24 mars 2004

Nos milliards

Hier, c'était la journée du budget fédéral (on en trouve une présentation exemplaire à radio-canada.ca). « Bout d'jouet », dirait Sol. Le grand jeu de la redistribution de notre avoir collectif à hauteur de 187,2 milliards de dollars avec, comme toile de fond, les élections prochaines et « la gestion avec intégrité ».


Pour l'intégrité, on repassera. Si au moins les milliards perçus en trop étaient retournés à tous les contribuables sous la forme d'une baisse d'impôt ou de taxes, au lieu de remplir des réserves douteuses...


23 mars 2004

Sous le choc

Il n'y a pas de mots pour exprimer comment je me sens face à l'inaction internationale à la suite de l'assassinat à la roquette du Cheik Yassine par le gouvernement Sharon. Jusqu'où ira notre seuil de tolérance à la barbarie?


En soirée. Un hélicoptère de reconnaissance passe lentement tous feux éteints dans un vrombissement pas du tout rassurant au-dessus de la maison, en direction de la frontière des USA toute proche. C'est relativement fréquent depuis un certain onze septembre mais cette fois-ci je suis dehors et je sens les vibrations des pales me pénétrer littéralement, me clouer sur place. Un court instant, j'ai le sentiment que nous sommes en guerre...


22 mars 2004

L'homme bête?

Prostitution juvénile, pédophilie, tourisme sexuel... (liste à compléter avec les manchettes des journaux) L'homme dit intelligent est d'abord une bête et un prédateur.


Toute l'organisation sociale vise à dompter la bête. Mais pas trop cependant, parce que l'organisation politico-économique vit de la bête.


L'homme pas si bête, finalement, quand ses intérêts sont en jeu.



21 mars 2004

Pause techno

J'endosse sans réserve :


« I continue to be amazed at how far technology has progressed in just my lifetime. »
Mark Fletcher, concepteur de Bloglines

Mais ces avancées technologiques nous ont-elles rendus plus humains?


Plein le dos

Est-ce qu'un fabricant de fauteuils ou de chaises conçus pour le travail à l'ordinateur a déjà été poursuivi en justice pour les maux de dos qu'il nous inflige?

20 mars 2004

Ferveur sur la montagne

Hier, j'ai fait un bref pèlerinage à l'Oratoire. C'est un lieu qui m'interpelle chaque fois que j'y monte, c'est-à-dire trop rarement. Au fait, est-ce le lieu qui m'interpelle ou la ferveur des gens que j'y croise?


Au terme d'une bonne marche au froid et à flanc de montagne du tunnel du métro Snowdon à la crypte, je me suis d'abord arrêté à la chapelle historique du Frère André. Pour reprendre mon souffle. Mais aussi pour y sentir l'odeur des années 1920 particulièrement bien conservée, une odeur qui nous fait basculer dans le temps (hors du temps?). En voyant les vieilles béquilles et les ex-voto défraîchis accrochés au mur, je n'ai pu m'empêcher de repenser à ma mère et à sa guérison par le frère André alors qu'elle était toute petite. Le médecin ne pouvait plus rien faire pour sa pneumonie (ou était-ce la tuberculose?) : sa mère l'avait alors amenée voir le frère André... La semaine suivante, elle était « comme une neuve ».


J'entre ensuite dans la crypte immense et toute simple : Dieu y habiterait que je n'en serais pas surpris. C'est la fin de la cérémonie de l'après-midi, le moment où les grandes orgues se déchaînent : moment sublime pour l'amateur de musique d'orgue que je suis depuis ma prime enfance! L'orgue se tait. Applaudissements à l'organiste venu saluer à la tribune de l'orgue. Profond silence. Recueillement.


Tout au long de ma descente de la montagne, à l'intérieur cette fois, je suis frappé par la paix et la sérénité qui se lit dans les visages et dans le mouvement de ces gens de tous âges et de toutes couleurs venus par milliers aujourd'hui 'fêter Saint-Joseph' à leur façon, sans autre invitation et motivation que leur dévotion profonde à ce père vénéré. Un père devenu mythique malgré son rôle effacé -- inutile, dirait-on aujourd'hui --, précurseur à ce titre de bien des pères du troisième millénaire.


J'enchâsse aujourd'hui un autre mot : ferveur.


19 mars 2004

Enchâssement

Cette idée me poursuit depuis longtemps : enchâsser les mots que je ne lis plus, que je ne vois plus, que je n'entends plus. Ou si peu et si furtivement. Les mots méprisés, objets de railleries : bref, incompris. Les mots qui ne se laissent pas acheter. Les mots boudés par les engins Google, Yahoo et autres oo, donc sans avenir numérique. Les mots qui n'ont pas la faveur médiatique parce qu'ils n'ont pas la cote, qu'ils ne l'ont jamais eue et ne l'auront jamais. Les mots qui ne figureront jamais non plus dans les 'top' mots des publicitaires qui mènent le monde, les mots menacés ainsi de disparaître un jour peut-être pas si lointain, inexorablement.


Effet sans doute de la dernière neige de cet hiver qui persiste à nous faire croire que tout est blanc... Ou serait-ce un certain Jos qui m'inspire en ce 19 mars...


Six secondes de silence pour chacun des dix premiers enchâssés : abnégation, compassion, courtoisie, détachement, discrétion, innocence, pudeur, pardon, partage, recueillement.


18 mars 2004

Les profits de notre insouciance

C'est la saison des rapports financiers. Avant-hier, on nous annonçait les profits records des banques (les profits de notre avidité); hier, des ventes records pour les compagnies pharmaceutiques (les profits de nos excès).


Aujourd'hui, c'est au tour des compagnies d'assurance de pavoiser en déclarant des profits nets de 2,63 milliards en 2003, soit une augmentation de 673 % par rapport à 2002. Des profits de 673 %! Ce sont là les profits de notre insouciance. Les seules protestations sont venues des provinces de l'Atlantique.


P.S. -- Il serait peut-être temps qu'on cesse de traiter toutes les compagnies comme des personnes morales.


17 mars 2004

À lire absolument, faute d'avoir été là pour l'entendre

C'est un discours prononcé par Richard Desjardins à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, dont on peut lire l'essentiel en ligne dans Le Devoir. Il faut absolument le lire pour connaître une partie de la face cachée de notre histoire, comprendre le Québec d'aujourd'hui et trouver une motivation à s'engager dans le Québec de demain.


« Ne vous demandez pas pourquoi les jeunes désertent la région. C'est parce que la région les a d'abord désertés. C'est parce que leurs parents n'ont pas encore pris possession de leur territoire. Le Québec détient le deuxième rang mondial pour le taux de suicide chez les jeunes hommes. »

Richard Desjardins, « Autochtones et Blancs, nous sommes tous les serviteurs des compagnies », dans Le Devoir, édition du 13 mars 2004. Et la suite : « Squatters dans notre propre pays : pourquoi les forestières ont-elles tant de pouvoir? », dans Le Devoir, édition du 15 mars 2004.


Il nous faudrait cent Richard Desjardins.



16 mars 2004

Les profits de nos excès

Des compagnies nous vendent la bonne bouffe grasse et font de gros profits en augmentant notre cholestérol; d'autres nous vendent des médicaments anti-cholestérol. Tout le monde il est content et en profite. Quelqu'un se demande-t-il encore pourquoi tant d'obésité?



« Les ventes mondiales de médicaments ont approché les 500 milliards de dollars en 2003 et le Lipitor, un médicament de Pfizer traitant l'excès de cholestérol, est devenu le premier médicament mondial aux 10 milliards de dollars de ventes, selon l'étude annuelle d'IMS Health publiée lundi. (...) L'Amérique du Nord représente près de la moitié de l'ensemble des ventes recensées par IMS. Elles totalisent 229,5 milliards de dollars, soit une hausse de 11 % sur 2002, avec en vedette les médicaments anti-cholestérol (26,1 milliards de dollars de ventes). L'Union européenne représente un quart des ventes, lesquelles progressent de 8 % à 115,4 milliards de dollars. »

Près de 500 milliards de dollars de médicaments vendus en 2003, Reuters, France, 15 mars 2004


P.S. -- Pfizer, c'est aussi le Viagrrra avec ses pubs décadentes à vous gêner d'être un homme.



Siccité

Si six scies s'associent?

Six sots et cie se scient.


15 mars 2004

En manchette : le Téléjournal ou ce qui en reste

Aujourd'hui, retour de Bernard Derome au Téléjournal. Jusqu'en 1998, il était identifié au Téléjournal comme René Lecavalier était jadis identifié à la Soirée du hockey. Après une courte carrière d'encyclopédiste à 5 sur 5, voilà qu'il revient, non sans créer certains remous dans les chapelles de l'information : Odile Tremblay, dans Le Devoir, voit même là un aveu d'impuissance de la part de Radio-Canada!



Mais là n'est pas l'essentiel de mon propos. Je veux profiter de cet événement pour m'inscrire en faux contre la publicité pendant les émissions d'information à la télévision d'État, plus particulièrement pendant le Téléjournal.



Il ne devrait pas y avoir de publicité pendant le Téléjournal ni pendant toute autre émission d'information produite par la Société Radio-Canada financée par l'argent public. C'est pour moi une question fondamentale d'éthique démocratique et de crédibilité.



Éthique? La publicité durant le Téléjournal ça lance le message qu'on peut acheter le Téléjournal. Il y a là apparence d'ingérence dans le contenu; ça devrait donc être banni comme toute autre apparence d'ingérence. Imaginez un instant que le Premier Ministre ait son deux minutes de présence à chaque Téléjournal pour vanter ses politiques...



Crédibilité? Parlons-en. La publicité influence le contenu du Téléjournal, qu'on le veuille ou non. Un : les messages publicitaires enlèvent du temps de nouvelles et font donc qu'une partie de l'information doit être éliminée ou tronquée. Deux : les messages publicitaires imposent leur rythme au Téléjournal; à la limite, les spots publicitaires passent comme des nouvelles parmi les nouvelles. Trois : le téléspectateur ne s'y méprend pas, on n'aborde pas au Téléjournal l'actualité qui pourrait compromettre les publicitaires payants actuels ou potentiels (quand est-ce, par exemple, qu'on entend parler au Téléjournal de la responsabilité des fabricants d'automobiles dans certains accidents? On nous annonce plutôt leurs campagnes de rappel 'préventif'. C'est un exemple. J'aurais pu choisir celui des institutions financières ou celui des produits 'naturels'.) Quatre : tant qu'il y aura de la publicité au Téléjournal, l'information y aura une approche favorable au moins en apparence à tout ce qui est commercial au détriment des valeurs plus axées sur l'humain. Cinq : par définition, la publicité joue avec nos émotions par l'image; cette manipulation de nos sens à des fins commerciales influence de plus en plus la présentation même de l'information et, on le sent, préside au choix des séquences qui accompagnent les nouvelles brèves même au Téléjournal. Six : la tendance plus récente à l'autopublicité pendant le Téléjournal; on insère dans les nouvelles elles-mêmes des extraits d'autres émissions d'information en nous conseillant de regarder l'émission pour tout savoir. Sept : un principe psychopédagogique tout simple, c'est l'efficacité de la répétition; appliquez ce principe au Téléjournal et vous verrez ce que leurs concepteurs veulent bon gré mal gré qu'on en retienne (vous avez deviné : la glucosamine!). Huit : étrangement, les présentateurs de nouvelles font bien attention pour ne pas être associés personnellement à la publicité alors que leur émission y est pourtant enchaînée. Neuf et je m'arrête ici : la publicité DANS l'information jette le doute SUR l'information et, si la tendance se maintient, je ne crois pas qu'à lui seul Bernard Derome puisse renverser cette tendance, justement parce que c'est très 'tendance'.



J'espère donc que le retour de Bernard Derome au Téléjournal sonnera en même temps le retour du Téléjournal sans publicité, lui redonnant ainsi toute sa crédibilité. On avait d'ailleurs annoncé leur disparition au moment du départ de Stéphane Bureau (dont on est sans nouvelle). C'était là une annonce parmi d'autres comme tant d'annonces gouvernementales qu'on a vite fait de nous faire oublier. Il y aurait une belle analyse à faire sur les silences du Téléjournal.



En passant, coup de chapeau à Gilles Gougeon pour la dignité avec laquelle il a assuré l'intérim de la présentation des informations de fin de soirée. À ce chapitre, il mérite 5 sur 5.


14 mars 2004

Aujourd'hui, je me tais

Franchement quoi, aujourd'hui?


Ces multi-millionnaires à la retraite qui consacrent maintenant généreusement leur temps et l'excédent de leur fortune à une fondation dédiée aux 'gens dans le besoin' après avoir exploité ces mêmes gens en toute légalité alors qu'ils étaient 'en affaires'? (Je ne crois pas qu'on puisse devenir multi-millionnaire sans qu'il n'y ait eu exploitation des petites gens ou des gouvernements -- ce qui revient au même -- quelque part.)


Ces terroristes qu'on vient d'arrêter la veille des élections en Espagne et qui, je le crains, en sont fiers? (Mais comment devient-on terroriste? Si je suis rétroactivement le fil de mes pensées, on est individuellement tenté par le terrorisme le jour où on se sent ou bien victime d'une profonde injustice du 'système' ou bien profondément humilié par des profiteurs du 'système'...)


L'élection 'démocratiquement' assurée aujourd'hui de Vladimir Poutine en Russie?


Il y a des jours où vaut mieux oublier le village global et mettre ses énergies dans son propre village.



13 mars 2004

Le terrorisme rassembleur

Au lendemain du 11 M, nos frères et soeurs espagnols ont senti le besoin de sortir dans les rues par millions pour se serrer les uns contre les autres et manifester leur douleur. Ensemble on se sent moins impuissant face à l'horreur. La veille, images de morts et de blessés par centaines. Hier, images de survivants rassemblés, marqués par la même consternation. Images lointaines de Palestine, d'Israël, d'Iraq... Images plus proches de New York, de Madrid, d'ici bientôt peut-être...


Une étrange question m'assaille après avoir vu quelques visages de ces innombrables femmes et hommes solidarisés par la terreur : se pourrait-il que le terrorisme en vienne à nous humaniser?


12 mars 2004

Pourquoi?

Terrorisme, guerre, violence, homicide, suicide, viol, pédophilie, pornographie, toxicomanie, dépression, harcèlement, fraude... font les manchettes ad nauseam.


Manifestations d'impuissance et de vulnérabilité? Expressions incontrôlées de la convoitise? Symptômes d'une organisation macro-économique et politique déshumanisante? Sempiternelle exploitation de l'homme par l'homme? Conséquences de déséquilibres créés et perpétués par l'homme même qui feint de les déplorer? Occasions de solidarités humanitaires? Obsessions à valeur commercialisante de la gent médiatique?


Des gens souffrent et meurent pour que d'autres triomphent. Pourquoi, Dieu, votre Aimez-vous-les-uns-les-autres n'a-t-il jamais pu s'avérer?


Ce matin, il neige à Saint-Armand. Dans quelques heures, 'si la tendance se maintient', le monde redeviendra blanc.


11 mars 2004

Transparence et traçabilité

Monsieur Paul Martin! Accordez-moi quelques secondes pour vous proposer une solution à votre problème de crédibilité, particulièrement amochée avec le scandale des commandites, etc.


À votre place, je verrais à ce que soit créé le plus rapidement possible un système de traçabilité de tous les paiements gouvernementaux. Ça ne devrait pas être plus compliqué à mettre en place que la traçabilité des animaux de boucherie ou le contrôle des armes à feu (et beaucoup moins coûteux) : une simple application de la technologie des codes à barres. Avec Internet et les bons codes, députés, vérificateurs, enquêteurs, journalistes ou citoyens pourraient ainsi constater en toute transparence où va chaque dollar de nos impôts.


Rappelez-vous :


« Dans notre quête visant à permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de relever les défis du XXIe siècle, nous ne devons pas perdre de vue les principes durables qui ont fait de notre régime un modèle de régie démocratique admiré partout dans le monde. Le premier de ces principes est la reddition de comptes et la transparence. (...) Les nouvelles technologies de l'information présentent des possibilités sans précédent de transparence pour le gouvernement. Comment toutefois faire en sorte que cette transparence profite également à ceux qui se trouvent du mauvais côté du fossé informatique? Quand nous affirmons vouloir habiliter les citoyens, nous parlons vraiment de tous les citoyens. »
[Allocution que vous avez prononcée le 29 mars 2001 à l’occasion de la Conférence nationale Traverser les frontières (sur le cybergouvernement)]

10 mars 2004

Lettre à Kraft Canada

Je tiens à vous informer qu'à compter d'aujourd'hui je coupe de moitié la quantité de beurre d'arachide crémeux sur ma rôtie matinale. J'ai pris cette décision à la suite d'informations multiples et répétées sur les risques associés aux gras saturés dits gras trans, pour lesquels plusieurs médias ont sonné l'alarme depuis quelque temps -- notamment à la télévision de la SRC, (L'Épicerie, Le Point, Ce soir).


Ce matin, j'ai décidé d'agir en toute connaissance de cause. J'ai d'abord lu l'étiquette de votre pot de beurre d'arachides (format 2 kg) pour constater avec regret qu'il contient bel et bien de l'huile hydrogénée, donc du gras trans. Votre étiquette est d'ailleurs un peu trompeuse à cet égard : le tableau d'information nutritionnelle indique 1,4 g par portion de 14 g de matières grasses saturées (10 %, si je calcule bien); pourtant, vous inscrivez bien lisiblement en jaune sur vert « Faible en gras saturés »...


Croyez-le, c'est à mon corps défendant que j'ai pris cette décision : j'ai d'ailleurs précédemment avoué mon penchant pour le beurre d'arachide. Mais saviez-vous qu'une personne qui consomme chaque jour un seul gramme de gras trans augmente de 20 % ses risques de développer une maladie cardio-vasculaire? C'est M. Bruce Holub, professeur chercheur à l'Université de Guelph, qui l'a appris au journaliste Avis Favaro de CTV. Il lui a même catégoriquement affirmé : « There is no so called safe level of trans ».


Comme vous le voyez, je n'ai vraiment pas le choix de diminuer ou non ma consommation de beurre d'arachide crémeux. J'espère que cette décision ne nuira pas trop à votre chiffre d'affaires et, le cas échéant, que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.


Un fidèle de votre beurre d'arachide crémeux,

Jean Trudeau


09 mars 2004

Technologie et démocratie

Chaque publication de Michel Cartier vaut qu'on s'y arrête. Sa culture numérique est profondément enracinée dans la réalité québécoise, ce qui donne à sa vision de la technologie une dimension humaine. Loin de faire la promotion du numérique comme panacée, il relève plutôt les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés collectivement avec chaque avancée technologique.


« Les défis au Québec : la démocratie peut difficilement s'épanouir dans un monde où le profit est la seule mesure et où la télévision et la publicité sont contrôlées par les mêmes forces des marchés qui isolent l'être humain, l'empêchant d'entreprendre des activités collectives. L'atomisation actuelle du tissu social par les médias est antidémocratique. Au Québec, la démocratie devra se développer par le truchement de groupes de toutes sortes (collectivités, communautés, villes, quartiers, régions) qui servent d'interface entre les citoyens et l'État. Ces lieux de conscientisation et d'influence de l'opinion publique empêchent les gens de devenir une majorité silencieuse. »
Michel Cartier, « Quel e-gouvernement? » dans Le Devoir, édition du mardi 9 mars 2004

08 mars 2004

La conjoncture haïtienne

2004 devrait être l'année des Haïtiens. La conjoncture politique est on-ne-peut-plus favorable : les trois pays -- Canada, France et États-Unis -- qui soutiennent actuellement le relèvement d'Haïti sont en période pré-électorale. Si je peux me permettre un conseil : faites en sorte que les promesses et les engagements de chacun de ces pays se concrétisent AVANT leurs élections.


Profanation en toute légalité?

Je ne saurais trop expliquer pourquoi, mais je sens que bien au-delà du cas Cherfi, cet événement n'augure rien de bon pour le respect des droits humains et du sacré dans le Québec de demain :


La police de Québec a procédé à l'arrestation du militant sans papiers Mohamed Cherfi vendredi midi, à l'église unie Saint-Pierre. Il s'y s'était réfugié le 10 février dernier pour éviter son expulsion vers l'Algérie, pays où il s'estime menacé. Selon le pasteur Gérald Doré, cette arrestation a brisé une tradition séculaire de droit au sanctuaire et constitue « une première inacceptable dans l'histoire du Canada ».
(Selon Le Devoir, éditions du 6 et du 8 novembre 2004)


07 mars 2004

L'écriture extrême?

Chacun y va un jour ou l'autre de sa définition du blogue. mediaTIC en fait fait souvent état. Dans Les dossiers de l'ingénierie éducative, Évelyne Broudoux consacre même un article complet à cerner cette définition :


« (...) c'est une rubrique de brèves dont le tri est automatisé et qui empile la plus récente sur les plus anciennes. (...) Le blog est signé par son auteur et son style est plus proche du billet, de la critique que de la brève laconique du communiqué d'agence de presse. Il se situe à l'opposé de l'information prétendument vérifiée et "objective" du journaliste; il est le commentaire subjectif et personnel d'un auteur. (...) »
« Je blogue, tu blogues, nous bloguons. Du carnet individuel à l'écriture collective » (document pdf à télécharger) dans Publier en ligne aujourd'hui. [via Thot]

Essai. Si bloguer connaît une telle vogue, c'est peut-être que le blogue met le 'trip' de l'écriture à la portée de tous (de tous ceux qui savent écrire, à tout le moins). En faisant abstraction de l'aspect monétaire, on peut dire que bloguer, c'est un 'trip' d'écriture au même titre qu'écrire un livre ou rédiger un article dans un magazine. Un 'trip' plus risqué encore : car bloguer, c'est 'écrire sans filet'. Quand je blogue, j'écris en toute liberté sur un sujet de mon choix sans autres règles ni contraintes que celles que je m'impose à moi-même : et j'en assume seul les conséquences. Dans cette optique, c'est une forme d'écriture extrême dans laquelle je peux être purement moi-même et faire table rase des préjugés (favorables ou défavorables) rattachés à mon âge, à mon sexe, à ma race, à ma citoyenneté, à mes diplômes, à mes fonctions sociales, à mon passé et à mes comptes à payer. Ce qui n'est pas le cas si j'écris un livre ou article dans un magazine, car je deviens alors une cible médiatique; et je dois donc suivre les règles du jeu, être vendeur, écrire vendeur, être acheté donc être achetable.



06 mars 2004

L'éclabousseur éclaboussé

Si j'étais indépendantiste, je me demanderais qu'est-ce qui motive Pierre Falardeau à faire des affirmations aussi intolérantes que sa dernière sortie abjecte contre Claude Ryan, récemment décédé. Son article dégueulasse déteint sur tous les souverainistes qui sont demeurés silencieux et, a posteriori, sur toute sa production cinématographique, dont l'inspiration devient maintenant suspecte.

Pour me sensibiliser...

« Le monde se départage entre les pays où on se tue et les autres où on lutte pour ne pas se tuer. Car telle est la nature humaine. (...) "L'homme est un loup pour l'homme." L'affirmer s'impose à nous quand on observe, jour après jour, les événements mondiaux. Et ce qui est grave, c'est la désensibilisation que la répétition des horreurs provoque chez la majorité des gens. »

Denise Bombardier, « Éternel recommencement », dans Le Devoir, édition du 6 mars 2004


05 mars 2004

L'effet média

Depuis qu'il n'y a plus de nouvelles du sport en fin de soirée à la télé de la SRC, c'est comme s'il n'y avait plus de sport.


04 mars 2004

Viagrrra

La superposition de deux images a abruptement mis fin hier soir à mon Téléjournal et au relicat de crédibilité que je lui accordais encore : l'image plein écran d'un losange bleu marqué « Viagra » immédiatement suivie par celle du présentateur aux cheveux blancs. Comme si Gilles Gougeon émanait de la pilule bleue... C'en était trop! Coupez! On ferme tout!


J'ai  h o r r r e u r  du mot Viagra. C'est un mot teigne qui n'en finit pas de s'inscruster partout sans aucune pudeur et sans aucune retenue. Pas une journée sans qu'il ne s'impose effrontément dans mes courriels ou qu'il ne s'y infiltre hypocritement en prenant toutes sortes de formes orthographiques dégénérées : un macro virus indécrochable, la peste numérique en six lettres!


Et puis... On ne peut plus regarder La soirée du hockey sans voir apparaître à tout moment « Viagra » sur les bandes. On ne peut plus rouler sur une autoroute sans y voir un panneau érigé au « Viagra ». On ne peut plus feuilleter un magazine sans que « Viagra » nous saute au visage au tournant d'une page... C'est une invasion de pilules barbares, c'est du pharmaterrorisme, c'est une arme de destruction massive de la masculinité, c'est une atteinte au pouvoir séculaire de la féminité, c'est une calamité médiatique que rien ni personne ne semble pouvoir ni vouloir juguler.


Mais c'est aussi une tragédie intérieure, un drame personnel appréhendé. Mon seuil de tolérance au mot Viagra arrive à un point critique : plus je vois le mot Viagra, plus je me sens devenir impuissant. Et plus je me sens devenir impuissant, plus je suis tenté de céder à l'euphorie illusoire promise par la biotechnologie aux mâles en mal d'amour.


03 mars 2004

Église, Passion et millions

Lundi, près de la station de métro Longueuil-Université-de-Sherbrooke (!), j'aperçois un panneau publicitaire à l'entrée d'une tour d'habitations typique des lieux, annonçant un petit centre commercial à l'intérieur. Un nom attire mon attention dans la liste des commerces : « Paroisse Saint-Georges ». Dans le métro, parmi les affiches publicitaires qui parsèment les murs, la tête ensanglantée et couronnée d'épines de Jim Caviezel annonçant La Passion du Christ est omniprésente...


Hier, le thème de l'émission Second Regard m'interpelle et retient mon attention : « L'Église... dans 5 ans  ». Selon Normand Provencher, un oblat qui a écrit le livre Trop tard? l'avenir de l'Église d'ici, il ne restera bientôt pratiquement plus rien de l'Église catholique au Québec. Les statistiques lui donnent raison : la moyenne d'âge actuelle des religieuses est 80 ans; et parmi les prêtres qui exercent encore leur ministère, 80 % auront pris leur retraite dans 5 ans...


La Passion du Christ est le film le plus populaire ces jours-ci, dépassant même Le Seigneur des anneaux : le retour du Roi :
« Le film de Mel Gibson "La Passion du Christ" a écrasé le box-office nord-américain durant le week-end, ses recettes dépassant celles des neuf autres films suivants, selon les chiffres définitifs publiés lundi par la société spécialisée Exhibitor Relations. Ce film, accusé par ses détracteurs d'attiser l'antisémitisme, a rapporté 83,8 millions de dollars de recettes pour le week-end, et 125,1 millions depuis sa sortie en Amérique du Nord le 25 février, mercredi des Cendres dans le calendrier chrétien. » (AFP via Google News)

Où est l'erreur?

02 mars 2004

Leçon d'Haïti

Les événements d'Haïti nous rappellent un grand paradoxe politique : un État policier peut brimer la liberté des individus mais il faut une police d'État pour la faire respecter.

01 mars 2004

Bloglines

J'expérimente Bloglines, un agrégateur en ligne gratuit qui devrait m'aider à lire intelligemment les blogues qui m'intéressent. C'est très bien fait : interface agréable et simple; accès facile et rapide; fonctionnalités bien pensées. L'outil de recherche semble particulièrement efficace.