24 novembre 2004

Non, je n'ai pas regardé chacun des mille premiers épisodes de « Virginie », mais...

    C'était la millième de 'Virginie' à la SRC ce lundi. Écrire et produire mille épisodes d'un téléroman quotidien est un tour de force; en faire un succès populaire tient de l'exploit. Un exploit d'autant plus remarquable ici que c'est l'oeuvre originale d'une seule et même personne à ce qu'on dit, Fabienne Larouche, conceptrice, rédactrice et productrice de l'émission fleuve de notre télévision publique.


Je n'ai pas regardé chacun des épisodes diffusés ces huit ou neuf dernières années malgré que notre téléviseur, lui, ait été fidèle à nous les présenter jour après jour, du lundi au jeudi. Je pense même qu'inconsciemment, je les ai longtemps boudés. Cette incursion de la fiction téléromancée dans l'école me rebutait à priori : je craignais la récupération, l'étalage des préjugés qui minent le professionnalisme dans le monde de l'éducation, les pierres lancées dans le tas pour avoir la cote auprès des victimes du système.



    C'est en regardant Mémoires d'enfance, l'émission de Denise Bombardier dont elle était l'invitée, que j'ai mieux connu Fabienne Larouche : intarissable et coulant de source en racontant sa prime jeunesse. Si j'avais eu des doutes quant à ses talents de conceptrice, rédactrice et productrice, ils seraient tombés drette là. Si je m'étais questionné quant à l'origine de son inspiration, j'aurais été rassuré rien qu'à l'écouter. C'est une femme toute là, présente et expressive, visiblement heureuse de partager les expériences, les rencontres et les valeurs qui l'ont faite Fabienne. Devant elle, Denise Bombardier, née communicatrice, n'a pas eu d'autre choix, comme nous, que celui d'écouter. C'est que Fabienne Larouche est communicative.


À force de me faire dire qu'il ne fallait pas manquer le prochain épisode, j'ai fini par céder, par me laisser prendre au jeu une fois ou l'autre. Une chose qui m'agace au plus haut point dans le genre téléroman, c'est la nécessité de voir le précédent et le suivant pour comprendre l'épisode en cours, l'intrigue au premier plan découpée en petits morceaux, la présence obligée à jour et à heure fixe devant télécino. À l'usage, j'ai découvert que « Virginie » a ceci de particulier que l'intrigue y est au second plan; au premier plan, c'est la vie intérieure des personnages qui se manifeste, leurs craintes, leurs joies, leurs peines, leurs doutes exprimés. Leurs colères et leurs indignations tout autant. On peut ainsi embarquer, débarquer, rembarquer dans la série sans se sentir perdu : un peu comme dans la vie lorsqu'on reprend contact avec des amis un temps oubliés.



    Fabienne Larouche sait parler de source. Elle sait aussi faire parler de source ses personnages. Le hasard a fait que lundi soir dernier, sur la route 133 entre Saint-Jean et Saint-Armand, j'écoute un spécial « Virginie » 1000.5 pour l'émission Ados-radio. Il s'agissait principalement de dialogues entre les deux jeunes mis sous arrêt après leur prise d'otage et la fusillade qui s'ensuivit (je l'ai su après). J'ai eu alors confirmation que cette émission est faite autant sinon plus pour être écoutée que pour être regardée : elle a du sens. Après, je n'ai pu faire autrement que d'éteindre la radio pour faire le dernier bout du chemin dans le noir silence : les jeunes devraient pouvoir prendre la parole plus souvent, ça nous sortirait de notre vieillissement collectif léthargisant.


Mes préjugés sont tombés. Après neuf ans et 1000 émissions, il était temps! « Virginie » n'est pas un portrait déformé de l'école mais le reflet de notre société à travers elle. L'école y est secondaire, sans doute même méconnaissable pour ceux qui y vivent au quotidien. Ne serait-ce que sur le plan de la communication : à moins que cela ait bien changé, on parle mais on se parle bien peu dans les écoles. Et on voudrait s'entraider plus qu'on ne le peut vraiment. Dans « Virginie », on se parle, on s'écoute, on s'entraide. De la vraie fiction, quoi!



    Malgré mes réticences du premier mille, tout n'est pas perdu pour moi. Heureusement, la série continue. Je retrouverai donc avec plaisir un jour par ci par là les faux profs, les faux élèves et les autres personnages nécessaires pour faire vrai dans les décors d'une fausse école sauf pour ce qu'elle devrait être; j'écouterai tout ce monde parler vrai, laisser jaillir jusqu'à nos oreilles ce qui vient de la source Fabienne. Et je vais me prendre à espérer que d'autres qu'elle fassent de même, que d'autres qui croient et espèrent encore donnent la parole aux jeunes de tous âges.

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