- Les Caiss' Pop dans nos campagnes
Ont entonné l'hymne d'adieu
Et l'écot de nos épargnes
Enrichira de plus hauts lieux
À l'est de la rivière Richelieu, entre Saint-Jean et la frontière du Vermont, il existe cinq villages qui, dans quelques décennies, ne seront plus qu'un nom sur la carte du sud du Québec : Sainte-Anne de Sabrevois, Henryville, Saint-Sébastien, Pike River et Saint-Armand. Huit, si on compte les trois autres plus à l'est sur La Grande Ligne, Saint-Alexandre, Notre-Dame-de-Stanbridge et Stanbridge-Station. Les signes de leur disparition annoncée n'en finissent plus de s'écrire en toutes lettres 'régionales' : MRC, CSR, CRSC (le 'L' de CLSC est un anachronisme), CHR, UPR, etc.
Le dernier en date : la fermeture imminente des caisses populaires de village qui ont encore pignon sur rue. À l'origine chaque caisse populaire locale était une coopérative d'épargne autonome avec ses membres et son conseil d'administration composé de gens du milieu. Puis vinrent, avec le changement de millénaire, les fusions forcées, le démantellement des fédérations, la centralisation du Mouvement Desjardins; rationalisation, disait-on, pour affronter la compétition et offrir des services mieux adaptés aux besoins des membres (des services à la carte, on le sait maintenant). Les grosses caisses des villes centres absorbèrent une à une les caisses populaires des villages périphériques pour les transformer en comptoirs satellites baptisés 'Centres de services' : avec des heures d'ouverture de moins en moins longues, un personnel de moins en moins nombreux et de moins en moins de 'services'.
Je présume que c'est partout pareil à l'échelle du Québec. Près d'ici, la grosse Caisse populaire Sieur d'Iberville de l'arrondissement du même nom à Saint-Jean convoque actuellement ses membres à une assemblée spéciale le premier février prochain. Objet : ratifier l'avant-dernière étape de la fermeture définitive des caisses populaires qui persistent encore dans les villages de son territoire élargi, c'est-à-dire ratifier l'élimination des services locaux informatisés. Car les 'Centres de services' visés n'ont déjà plus d'ordinateur! On peut d'ores et déjà prévoir sans se tromper le résultat du vote à venir : les membres majoritaires d'Iberville ne risqueront tout de même pas -- et on les comprend -- la diminution de leurs 'ristournes' pour faire plaisir à la minorité villageoise moribonde qui voudrait maintenir des services coûteux 'juste pour les vieux' à trente kilomètres plus au sud!
Le slogan « Desjardins Inc » n'est pas innocent. La mentalité du Mouvement est aujourd'hui à cent lieues de l'esprit coopératif d'hier favorisant le développement du milieu par le milieu. On préfère maintenant faire miroiter sur d'immenses panneaux ou banderolles et à travers une panoplie d'imprimés sur papier glacé des nombres à sept chiffres : « ristourne aux membres » avec en plus petit « depuis deux ans » (ou trois ou cinq, il faut que le montant affiché soit gros!), faire passer pour des 'profits' le résultat d'une surfacturation des membres pour des frais en tous genres périodiquement revus à la hausse. Le Mouvement Desjardins ne favorise-t-il pas ainsi, au détriment de ses clients ordinaires, ses plus riches sociétaires en les ristournant fort, gros actionnaires qu'ils sont -- cessons de jouer sur les mots -- de la plus grande banque du Québec?
Le Mouvement Desjardins n'est plus du tout populaire : le mot est d'ailleurs pratiquement disparu de son vocabulaire corporatif, ce qui n'est pas innocent non plus. Il abandonne un à un les villages qui ont été à l'origine même de son existence, de son identité et de son développement. Et ce, sans aucune consultation de proximité, en évitant tout débat public, en n'offrant aucun soutien alternatif aux petites économies locales et en laissant tomber la clientèle âgée (qui finira bien par comprendre et migrer vers la ville centre...). Moi, j'appelle ça de la trahison : trahison des membres qui occupent le territoire rural, trahison de la philosophie même de la coopération égalitaire, trahison d'Alphonse Desjardins qui doit rager dans sa tombe de voir son nom associé à ce qui est devenu une autre banque urbaine.
1 commentaire:
bonjour
je trouve cet article intéressant car il donne une autre perpective sur la tournure actuelle qu'a pris le mouvement Desjardins, notamment en ce qui concerne une "trahison des principes fondateurs du mouvement".
Je suis actuellement en année préparatoire à HEC MONTRÉAL et notre équipe étudie le mouvement Desjardins en vue d'un exposé de fin de session pour le cour d'économie.
J'aimerai beaucoup être contacté par l'auteur de cet article ou par toute autre personne qui aurait un avis prononcé sur ce mouvement. Mon adresse courriel est jesspeed@hotmail.com
n'hésitez pas.
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