20 décembre 2004

Avant qu'on en arrive à fêter Noël sans enfants...

    Le blogueur est un individualiste très sociable, ai-je noté quelque part. Inutile d'élaborer là-dessus, c'est d'une telle évidence. Ce qui est moins évident, c'est notre baisser-les-bras collectif devant la dénatalité galopante qu'engendre le développement durable. N'ayant plus les moyens d'agir concrètement dans ce domaine (c'est l'individualiste qui s'exprime ici), j'ai préparé une lettre à l'intention de nos dirigeants, les priant de prendre comme résolution pour l'année qui vient de retrouver leur sens de la descendance (ici, c'est le côté très sociable qui ressort).


Monsieur le Premier Ministre du Québec majoritaire,

Monsieur le Premier Ministre du Canada minoritaire,

Mesdames les représentantes de la Reine de la Grande-Bretagne au Canada et au Québec,

Mesdames et Messieurs les députés que nous avons élus pour veiller à notre bonheur collectif,

Mesdames et Messieurs les fonctionnaires de haut en bas que nous payons le mieux possible pour gérer les petites choses nécessaires à notre bien-être collectif,

Mesdames et Messieurs les intellectuels que nous payons pour réfléchir à la lumière du passé aux conséquences futures de nos agissements présents,

Mesdames et Messieurs nos bailleurs de fonds dont nous payons les frais afin d'avoir quelques modèles de réussite,

Mesdames et Messieurs les autres qui, sans titres, savez tirer votre épingle du jeu démocratique,



J'écris à chacun de vous en cette veille de Noël 2004 pour vous demander d'oublier un instant l'euphorie du présent et penser un moment à ce que sera l'avenir, les prochains Noël, avec si peu de mères, d'enfants et moins encore de pères.



Je m'adresse à vous parce que je sais que vous pouvez y faire quelque chose. Comme vous avez su faire quelque chose pour nous fournir en énergie hydroélectrique, comme vous avez su faire quelque chose pour nous doter d'un assez bon réseau routier malgré..., comme vous avez su faire quelque chose pour à peu près sauver notre eau potable, comme vous avez su faire quelque chose pour combler nos goûts de festivaliers l'été et de carnavaliers l'hiver, comme vous avez su faire quelque chose pour guérir à la carte sans nous culpabiliser nos écarts, nos abus même, de conduite au volant, à table et au lit, comme vous avez su faire quelque chose pour stopper nos comportements déficitaires et les garder depuis à zéro, comme vous avez su faire quelque chose pour assurer la pérennité des profits d'entreprises notamment bancaires, comme vous avez su faire quelque chose pour réparer bientôt nos erreurs boréales à blanc, comme vous avez su faire quelque chose pour nous donner l'espoir qu'un jour il n'y aurait ni pauvres ni chômeurs parmi nous... La liste exhaustive pourrait être longue; vous seuls en fait pourriez la dresser car il y a tant d'autres choses que vous avez su faire sans tambours ni trompettes médiatiques et qui font qu'aujourd'hui nous soyons collectivement plutôt fiers de notre Québec présent.



Mais l'avenir, Mesdames et Messieurs porteurs de notre sort, l'avenir du Québec dans ou pas le Canada? Y pensez-vous à notre avenir collectif? Pour qui ferez-vous replanter des arbres dans ces grands espaces hier luxuriants aujourd'hui désertifiés? Pour qui ferez-vous purifier l'eau agrochimifiée de nos rivières, de nos lacs et de nos baies? Pour qui ferez-vous oxygéner notre air polluindustrialisé? Pour qui ferez-vous tourner les turbines électrisantes de ces moulins à vent que vous faites se dresser à l'ère éolienne? Pour qui faites-vous installer tout ce réseau pan-québécois et canadien de communication par satellites et fibre optique? Est-ce seulement pour le monde global mondial?



Nos pères et leurs pères avant eux travaillaient pour leurs enfants et leurs petits à suivre : ces enfants que vous êtes et que nous sommes. Mais vous, mais nous : pour qui travaillons-nous? Pour qui vivons-nous, pour qui payons-nous?



Je vous demande, Mesdames et Messieurs du pouvoir et de l'avoir, en cet avant-Noël 2004, de prendre comme résolution en cette fin d'année et pour les prochaines d'écouter la mère et le père qui étouffent en chacun de vous, et de faire des enfants nés, à naître ou qui devraient pouvoir naître votre première priorité. Absolue. Sans suffisamment d'enfants, le Québec n'a plus de sens; sans suffisamment d'enfants, y avez-vous déjà pensé, vous-mêmes n'aurez bientôt plus de raison d'être, sinon retraités.



Plus facile à dire qu'à faire, je sais. Aussi ne vais pas vous laisser sans vous suggérer quelques pistes par où commencer : d'abord, remédier aux anormalités qui retiennent les nouveaux couples d'enfanter. Il n'est pas normal que vous ayez facilité l'avortement sans faire de même pour l'adoption. Il n'est pas normal qu'un chèque gouvernemental soit joint à la mort mais non à la naissance. Il n'est pas normal que les couples soient taxés pour leurs enfants; ce devrait être le contraire. Il n'est pas normal qu'une mère n'ait pas le choix d'être mère à temps plein avec ses enfants. Il n'est pas normal que les jeunes couples qui choisissent d'avoir des enfants doivent en plus payer des intérêts pour leurs dettes d'études. Il n'est pas normal... (pourquoi pas une Commission pour faire le tour de la question?)



Mesdames et Messieurs, j'aimerais tellement que vous nommiez d'un commun accord, quelqu'un qui aime les enfants et qui aurait le mandat de vous rappeler périodiquement et publiquement qu'il nous faut des enfants et qu'il vous faire ce qu'il faut parce qu'il nous en faut? Un vérificateur de descendance, un ombudschild, comme le désigneraient probablement les Français anglophiles je ne comprends pas pourquoi. Ce serait au moins un commencement. Par la suite, de Noël en Noël, malgré la fonte des glaciers, malgré les morts inutiles à ras bord dans les téléjournaux, malgré les sursauts stratégiques de la Bourse et du Huard, malgré les unes convergentes de Québec en or, de Noël en Noël, de père et mère en fils ou filles nous pourrions espérer. Et nous pourrions un jour mourir en Paix; et vous aussi.



Ne me dites surtout pas que vous n'y pouvez rien : c'est Noël!



Jean Trudeau, blogueur

Saint-Armand (Québec), Canada, Amérique, Terre, Système solaire, Voie Lactée, Univers



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