26 mars 2004

Les enfants de l'État ou L'État parent

Nous assistons depuis quelques années au passage de l'État providence à l'État parent. Le phénomène m'apparaìt évident et, dans le contexte socio-politique actuel, irréversible. Je le résumerais ainsi : de plus en plus, l'État assume dans les faits la responsabilité des enfants.


Je dis dans les faits, parce qu'en droit, sur le plan strictement légal, les parents sont encore entièrement responsables de leurs enfants; mais au rythme où vont les choses, cette responsabilité ne fera pas long feu et le droit devrait être amendé en conséquence. Je ne suis pas compétent pour faire l'analyse de la question et mon propos n'est pas ici d'en juger. Je fais simplement un constat : l'organisation sociale et politique fait en sorte que les enfants 'échappent' de plus en plus et de plus en plus jeunes à l'influence de leurs parents.


Concrètement, l'État est maintenant équipé pour prendre entièrement à sa charge -- avec l'aide des médias, enchantés -- l'entière éducation des enfants de leur naissance à leur premier emploi. L'éducation des enfants est en train d'échapper complètement aux parents. Il leur reste pour peu de temps encore deux ou trois champs de responsabilité réels, c'est-à-dire pour lesquels ils doivent payer : les nourrir, les habiller, leur offrir un gîte pour la nuit et les temps morts et, naturellement, répondre de leurs actes répréhensibles lorsqu'ils ont des écarts de conduite qui les sortent des sentiers battus par l'État.


L'étape suivante de cette macroévolution sera la prise en charge de la naissance même des enfants (la technologie est déjà en place pour le faire) ainsi que de leur croissance physique. Je ne vivrai pas assez vieux pour le constater de visu, Dieu merci! Mais je serai probablement témoin des prochaines étapes qui y mèneront : l'agrandissement des centres de jeunesse pour qu'ils puissent accueillir le trop-plein des foyers d'accueil; l'élargissement des heures d'ouverture des centres de la petite enfance pour 'libérer les parents' à toute heure du jour puis de la nuit; l'ouverture des écoles sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par année, et leur transformation en 'milieux de vie'; l'intégration complète des collèges d'enseignement à l'économie des régions permettant la mise à niveau immédiate des ressources humaines selon une formule apparentée au 'juste à temps' qui a fait ses preuves comme moyen de rentabilisation; la convergence complète des universités avec l'économie globale et leur financement par les entreprises multi et supra nationales.


Bref, dans un avenir peut-être lointain -- mais certain si la tendance se maintient --, la famille telle qu'on la connaît maintenant (ou plutôt telle qu'on la connaissait il y a quelques années), pauvre, riche, nombreuse, monoparentale, reconstituée, unie, éclatée... ne sera plus qu'un souvenir dont les humoristes s'inspireront pour faire rire aux éclats les femmes et les hommes également égaux à ce moment-là, peut-être même identiques, venus à leur show tordant subventionné par le ministère des Affaires nostalgiques pour leur changer les idées et leur faire oublier les problèmes résiduels persistant dans leurs milieux de travail-étude et de loisir-couple.



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