- En lisant les savoureuses chroniques de François Taillandier sur la langue française, je découvre la convivance. Comme il se réfère à un discours sur le sujet prononcé par Mme Florence Delay de l'Académie française, je m'y rends et prends plaisir à découvrir l'histoire de ce mot nouveau en lisant : « Une très vieille convivance ».
Mais ici, chez nous, la convivance...
La convivance, c'est tout simplement « la vie les uns avec les autres ». Aimez-vous les uns les autres, en un mot. Un beau programme, quoi! C'est un mot que je n'ai jamais entendu prononcer. Il y a quelques mots comme ça en -ance qu'on aime mieux voir écrits ou dits à voix basse : condoléances, par exemple.
Je pense aussi à gouvernance et à survivance.
Gouvernance me ramène quelques années en arrière, au moment où la Loi sur la gouvernance des Premières Nations faisait la manchette et suscitait une levée de tomahawks chez les Autochtones, fâchés avec raison qu'on se mêle de leur dire unilatéralement comment se gouverner. Un débat de fond semblait vouloir s'amorcer pour qu'ils retrouvent enfin cette dignité que leur avaient spoliée nos ancêtres colonisateurs... Chaque partie s'est finalement retranchée derrière son droit de réserve et on n'en parle plus. Les médias ne semblent aujourd'hui reconnaître les Autochtones qu'en présence de cigarettes, de drogues, d'alcools et de casinos. Un jour nos responsables politiques feront, je l'espère, un lien entre ces échappatoires, les quartiers pauvres, les prisons et les réserves... On parlait de quoi déjà? Ah oui, de la convivance, la vie les uns avec les autres!
Survivance me ramène avant la présumée révolution tranquille. En ce temps-là, la survie du français était menacée. L'Économie commençait à supplanter l'Église pour nous dire quoi faire et comment vivre, et elle avait tendance à nous transmettre ses directives en anglais. Protestations populaires, lois, partis : toujours est-il que nous sommes devenus Québécois. Ç'a réglé le problème de la survivance de notre langue mais ç'a aussi fait qu'on s'est confiné dans notre belle province et qu'on a laissé les français canadiens des autres provinces -- la plupart d'origine québécoise -- se colletailler avec leur capitale et Ottawa pour assurer leur survivance : on connaît le résultat. On parlait de quoi déjà? Ah oui, de la convivance, la vie les uns avec les autres!
Curieusement, même si le mot convivance n'a été officiellement reconnu par l'Académie française qu'en 2004, on le trouve dans un article daté de 1996 de la revue Relations et portant sur l'intégration des immigrants : Pour la convivance dans un Québec pluriel. (C'était juste après le référendum, dernière manifestation officielle de notre identité, dont le résultat nous a sciés en deux et dont nous sommes tous sortis et restés hébétés sur le plan identitaire, au grand plaisir de l'Économie.) Dans cet article, on peut lire :
[L'immigration] n'a pas pour but de résoudre nos problèmes démographiques, ni nos faiblesses dans la formation professionnelle. Notre vitalité nationale interne doit demeurer entière. Nous pouvons inviter les immigrants à y contribuer, pas à la remplacer. (...) Il existe une constellation unifiée et cohérente de coutumes, d'institutions et de valeurs qui nous sont communes depuis longtemps, que nous soyons des Premières nations, ou d'origine française ou britannique, ou immigrés plus récemment. Le développement, particulièrement par l'école et par les médias, de ce patrimoine commun favorise beaucoup plus la convivance harmonieuse et l'accueil des immigrants que la dispersion multiculturelle.
Un beau mot et un beau programme, la convivance! On ne sait jamais, maintenant que c'est un mot officiellement français peut-être l'entendrons-nous de plus en plus; peut-être même correspondra-t-il un jour à une réalité...
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