- Je ne sais pas si c'est l'effet du smog persistant -- encore aujourd'hui -- mais je vois le Québec bâti de plus en plus drabe. (Au Québec, drabe est un synonyme de beige fade et terne; en France, on dirait fadasse, je crois.)
Je ne voyage pas beaucoup -- comme la plupart des travailleurs dits autonomes qui, en fait travaillent à leur compte, c'est-à-dire comme des forcenés pour venir à bout de payer leurs comptes. Pas beaucoup mais suffisamment pour constater que le paysage architectural québécois devient de plus en plus drabe. J'en donnerai trois exemples.
Vous avez vu ce qui se construit en face du Wal-Mart, du Maxi et de leurs commerces satellites à Saint-Jean-sur-Richelieu? Éparpillés en damier dans le champ, de gros cubes de briques surmontés de simili larmiers pour déjouer artificiellement la monotonie visuelle. Des blocs à condos qui se ressemblent tous à peu de choses près et qui ressemblent aussi aux précédentes constructions du genre qui proliféraient il y a une décennie le long de l'autoroute de la Vallée-des-Forts qui coupe la ville en deux. À croire qu'il n'y a plus d'architectes au Québec (ou qu'il n'y en a qu'un de l'école drabe ou dont l'imagination est tarie). Vous me direz : mais ça se vend bien pourtant! Je répondrai : quel autre choix offre-t-on aux acheteurs?
Vous avez vu ce qu'on achève de construire à proximité du boulevard des Galeries d'Anjou dans l'est de Montréal? Des dizaines sinon des centaines de tours à condos clonés et empilés à vous faire demander comment les gens qui y logent s'y retrouvent! Qu'est-ce que c'est que ce parti-pris pour la monotonie domiciliaire drabe imposée aux acheteurs par les corporations de développement qui ne semblent connaître que le pareille au même?
Anjou et Saint-Jean-sur-Richelieu ne font pas partie de vos itinéraires habituels? Qu'à cela ne tienne. Des 'développements' aussi drabes ont certainement surgi quelque part sur votre route : la tendance est au drabe profitable.
Et que dire de ce qu'on achève de faire dans les nouveaux secteurs commerciaux de toutes nos petites villes? On y fait carrément du copier-coller architectural (si on peut appeller ça de l'architecture!) pour, dit-on, préserver l'identité corporative des Tim Horton, Super C et compagnies... Comme par hasard, l'identité corporative à clones multiples est plus rentable que l'originalité architecturale. Sans compter que les modèles clonés sont pour la plupart aux antipodes de l'architecture caractéristique du Québec... Serait-ce la globalisation de l'architecture et la disparition à brève échéance de cet autre fondement de l'identité d'un peuple qu'est son architecture?
Parenthèse. L'architecture des églises et des couvents qui constituent notre patrimoine religieux était tout sauf drabe. Lorsqu'on aura fini de les démolir ou de les transformer à des fins corporatives, le Québec deviendra définitivement et irréversiblement drabe.
« Drabe, mais rentable! »
Rentable pour qui?
- J'ai voulu savoir si d'autres avant moi avaient eu leur période drabe... Gilles (en vrac) et La grande rousse ont parlé de « la banlieue drabe »; Zénon, d'un père « vêtu un peu drabe »; Benoit Munger, de « la ville drabe »; France, des « sites en format drabe ». Chez le populaire Patrick Brisebois, un commentateur trouve son bureau « bien drabe », alors que Guy Verville, lui, trouve l'intersection Parc et Van Horne « bien drabe ». Normand Provencher considère qu'il n'y a « rien de plus drabe » à Québec, avec le bunker de la Grande Allée, que le PEPS de Laval...
- Espérons que le smog tire à sa fin!
2 commentaires:
'Drabe' est tiré du mot anglais 'drab', 'terne' en français.
Le français, un autre 'fondement de l'identité d'un peuple', comme vous dites...
Je suis tout à fait d'accord; le Québec est drabe!
On passe des mois coincé dans un hiver qui ne semble pas vouloir partir, et tout autour de soi, tout ce que l'on retrouve (que ce soit des gens jusqu'aux bâtiments) est incolores, encré dans un drabe maladif où architecture cède sa place à lucratif. Est-ce bien là où le Québec se dirige?
Quatre ans que ce blogue a été posté, et franchement, ça n'a fait que s'aggraver.
À la grandeur du Québec, ce que l'on voit se trouve à être moins de nature, moins de couleur, et davantage de blocs carrés, gris et ternes. Pas étonnant que pendant les mois d'hiver il y ait autant de suicides!
Mais comment faire changer les choses? Comment mettre un terme à ses constructions massives -qui soit dit en passant, se retrouvent partout que ce soit en France ou en Australie-?
Je crois que la réponse réside en nous tous. C'est à chacun de poser le geste, que ce soit en manifestant ou bien en décorant son chez soi plus librement, de manière plus créative.
Tout commence et se poursuit par nous.
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