Bien sûr, dans nos vies, même privées, le marché prend de plus en plus de place; en fait, il prend toute la place. Tout est désormais évalué en chiffres et en fonction de la rentabilité économique : les marchands mènent le monde! Il n'y a plus que le commerce. Voilà le temps du mercantilisme. Les consciences en sont imprégnées. Sans qu'on s'en rende compte, la logique du commerce nous gouverne. On la trouve simple, efficace, rassurante et universelle, et on la laisse nous envahir. La culture n'y échappe pas.
La musique, l'art... Tout doit être commercial. Tout doit se soumettre aux règles du marché. Tout doit être massivement, industriellement vendable pour une contribution tangible, effective et chiffrable à l'enrichissement matériel. Tout doit être conçu, produit, réalisé en fonction d'un seul souci : le profit. Et c'est bien souvent celui d'une poignée de milliardaires qui contrôlent de plus en plus l'industrie des médias. En dehors de ce circuit simple et dogmatique, point de salut! Sinon, c'est la marginalisation, la dépendance, les demandes de subventions, la non-reconnaissance sociale, l'enfer.
Selon ce principe mercantile, la culture, l'art, la pensée, la musique, tout doit se faire racoleur afin d'aller chercher le grand public, la masse des consommateurs, les cotes d'écoute, le plus grand marché. Le dénominateur commun. Il faut que tout le monde en parle. C'est ce qu'on appelle, maintenant, la culture démocratique. Et, derrière l'alibi de cette démocratisation, que retrouve-t-on? Une véritable entreprise de décervelage et d'uniformisation qui est à l'oeuvre. C'est une opération d'abêtissement et d'infantilisation généralisée en Occident, sans doute une autre conséquence de la mondialisation à l'américaine.
Jacques Senécal, «Culture et mercantilisme : décervelage à l'oeuvre», dans ledevoir.com, édition du vendredi 25 février 2005
Admettons que ce portrait brossé par Jacques Sénécal (comme celui d'hier, par François Guité, comme celui d'il y a trois jours par Virginie Luc, comme...) soit juste. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? On baisse les bras? On continue à le déplorer par clavier-souris interposés? On se berce dans l'indifférence et on se terre dans la résignation? Non. Non, parce qu'il y a une alternative : l'intellectual entrepreneurship, dont parlait récemment Sébastien Paquet.
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