29 mars 2005

Le parti pris des non-débats de société

J'y reviens, la rage au coeur.



Guy A. Lepage avait à sa table dimanche soir trois personnalités respectées et reconnues pour se tenir debout chacune dans son domaine, au moment même où la moitié des étudiants contestent en faisant l'école buissonnière les choix budgétaires de Jean Charest au silence éloquent.



À la même table, devant deux millions de Québécoises et de Québécois : le pouvoir, la finance et le sexe. Les trois forces qui drainent l'argent du (pauvre) monde étaient réunies : Philippe Couillard, Yves Michaud et Jocelyne Robert. Occasion inespérée pour susciter ouvertement un grand débat sur nos choix politiques et sur nos responsabilités individuelles.



Devant deux millions de téléspectateurs, Philippe Couillard vante l'investissement du siècle en santé (3 milliards de $ d'ici cinq ans dans le béton et la quincaillerie pour ériger trois hôpitaux en gros) sans que personne ne lui demande où le gouvernement prendra cet argent...



Devant deux millions de téléspectateurs, Yves Michaud rerereredit que les banques et les grandes sociétés canadiennes dirigées par des pdg aux salaires scandaleux camoufflent de plus en plus de milliards de $ (800 à ce jour, si je me souviens bien) dans les paradis fiscaux au vu et au su des gouvernements, privant ainsi le fisc de milliards de $...



Devant deux millions de téléspectateurs, Jocelyne Robert ose dire que le sexe médiatisé est de plus en plus connecté sur le cul et l'argent du cul, déshumanisé, en train de perdre son sens amoureux et même son plaisir, orienté totalement sur la performance à tout prix et à prix fort : le sexe objet, la femme de plus en plus objet (à quoi j'ajoute : l'embryon récrément, le foetus trop lourd à porter pour la société, le cher enfant trop cher...)



Constats ahurissants quand on y pense le moindrement. Mais constats seulement : chez Guy A. Lepage on ne tolère aucun débat qui ne puisse déclencher le rire. Le meneur de jeu sourire en coin avec son humoriste de service amènent plutôt Philippe Couillard à se défendre de toute ambition politique; Yves Michaud à rerererégler ses comptes avec le PQ et Lucien Bouchard (prédécesseur de Jean Charest, pour qui ne s'en souviendrait pas); Jocelyne Robert à commenter un soi-disant sondage sur les soi-disant pratiques sexuelles des Canadiens en âge de procréer.



Aucun débat : il ne faut pas sortir de leur torpeur (lire : amener à changer de canal) deux millions de citoyens bien assis devant leur cinéma maison en ce beau dimanche de Pâques, qui ne demandent rien d'autre que de pouvoir mourir de rire et vivre en paix.



Félicitations, Monsieur Couillard pour ces monuments qui seront construits à notre santé. Bonne chance Monsieur Michaud, avec le Château de l'Élysette du vignoble de votre ami Parizeau qu'au moins les banquiers pourront boire à notre santé. Et bon succès, Madame Robert avec la vente de votre livre : faute d'en débattre et d'être drôle, il fera peut-être réfléchir celles et ceux encore suffisamment en santé pour le lire.



The show must go on (traduction : ha! ha! ha!).



Le carré rouge itou.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Je déplore la chose davantage chaque semaine.

Pourquoi ne ne protesterait pas de façon créative en préparant chaque semaine le « off tout le monde en parle »?

Dès que les invités sont connus, le jeudi je crois, on prépare la liste des questions qu'il serait « socialement » intéressant de poser aux invités et on le publie tous sur nos carnets.

Dans le genre: les questions qu'on aurait dû poser aux invités cette semaine...

Clément
http://carnets.ixmedia.com/remolino

Jean Trudeau a dit...

Voilà une approche très constructive qui vaut d'être tentée.

Je crois cependant que le parti pris en faveur des non-débats de société est inhérent à la formule même de l'émission de type 'show', dont la limite est celle des deux énergumènes tellement drôles qui l'animent. En d'autres mots, c'est le parti pris de Radio-Canada pour une télévision populaire de consommation plutôt que pour une télévision publique citoyenne (pour laquelle nous payons, pourtant).

Anonyme a dit...

Rien de plus attristant que le rire obligatoire.

Les rigolades des baby boomers sont
la nouvelle injure de cette génétation
égocentrique et nulle pour qui
l' «avant-eux» est oblitéré
et l'«après-eux» n'existe pas.
La "souviens-rieneté" et la rigolade.

Qu'ils aillent au diable !