13 octobre 2004

Very Important Petite Vie

    RIP pour l'émission VIP à la SRC. L'idée de la mère faisant la critique des spectacles tonitruants à la mode était pourtant prometteuse. Un seul mot pour qualifier le reste de l'unique édition de VIP : brouillon. On nous annonce à la place une programmation de facilité, celle de rire en rappel des reprises de La petite vie. Chef d'oeuvre télévisuel québécois de l'absurde dont on ne se tanne pas comme si l'absurdité était une drogue.


L'absurdité est sans doute tolérable pour d'autres, mais pas pour moi. Je pense que l'absurdité fait partie de l'enjeu spirituel de cette fin de siècle, où il devient de plus en plus difficile de croire en quoi que ce soit. L'absurdité est un plaisir fugace, comme une cigarette que l'on fume en riant, tout en sachant qu'elle est nocive. C'est une drogue, mais une drogue hideuse car elle nous pousse à ricaner. Elle nous ôte tout sens des lois humaines, tout sens profond des valeurs, et nous éloigne notamment de la compassion, essentielle à la survie de l'homme. Quelqu'un d'indifférent peut être ému par la souffrance d'un autre: «Ce qui lui arrive est si triste», pense-t-il alors. Mais l'absurdité lui souffle au même moment: «Comment ça, triste? Cet homme est sans intérêt et il mérite ce qui lui arrive.» C'est l'absurdité qui a permis l'existence des camps de concentration, parce qu'elle a en quelque sorte «habilité» des hommes à ricaner quand d'autres hommes vacillaient au moment d'entrer dans les chambres de la mort.

Entretien avec Norman Mailer, par Isabelle Fiemeyer, dans Lire, novembre 1995 (via Etolane, Médiatic)

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