26 octobre 2004

Notre valeur à la carte

Il y a des fois où j'aimerais bien avoir quelque talent de caricaturiste. Ainsi, ce matin, où je me suis mis à supputer quelle est notre valeur à la carte.



Notre bouche est particulièrement appréciée dans les épiceries et dans les restaurants. Notre peau vaut cher dans les pharmacies et dans les friperies de jamais ou de déjà porté. À la quincaillerie, on toise plutôt nos bras. Nos yeux font la fortune des éditeurs et des télédiffuseurs; des lunettiers aussi, et des donneurs de spectacles en tous genres. Dans les magasins d'appareils électroniques, ce sont surtout nos oreilles qui rapportent. Et que feraient les parfumeries sans notre nez dont on se fiche pas mal qu'il soit gros ou petit! Vous avez vu comment les vendeurs d'articles de sports lorgnent nos jambes? Dans les boutiques de produits dits naturels, notre ventre fait fureur. Dans les bijouteries, ce sont nos doigts qui ont de la valeur, dès l'entrée; et plus encore, à la sortie. Quant à nos pieds, ils sont les bienvenus chez tous les bottiers. Même notre sexe est discrètement convoité dans les bars et boutiques érotisés.



Allez dans un centre commercial ou marchez sur une rue principale un jour de semaine où il y a peu d'achalandage et où les commerçants, tout sourire, vous regardent déambuler. En passant d'une porte à l'autre, vous prendrez conscience de votre valeur marchande, de celle de vos pieds, de celle de votre peau, de celle de vos doigts, de celle de votre estomac... En arrivant devant la banque du lieu, vous aurez même le sentiment d'avoir une valeur globale, de la tête aux pieds : une valeur à la carte.


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