30 juin 2004

29 juin 2004

La langue de nos élus

Au lendemain des élections fédérales, je ramène ici la citation de François Taillandier en lui donnant plus d'extension : « Nous sommes gouvernés par nos capacités de dire (ou nos impossibilités) ».


Le vote populaire a déterminé hier quelle serait la composition de la Chambre des Communes; ce faisant, nous avons ainsi remis notre gouverne entre les mains des élus. La répartition des sièges fait en sorte que les grands courants sont bien représentés : libéralisme, conservatisme, socialisme et autonomisme.


Reste à voir si celles et ceux que nous avons élus ont cette « capacité à produire du sens, à en déceler, à en exprimer » de façon à créer les consensus qui pourront nous faire bénéficier de ce qu'il y a de meilleur dans chacune de ces idéologies.


L'apprentissage d'une langue, sa plus ou moins grande maîtrise, les rapports qu'à travers elle on établit (ou non) avec une culture, l'appartenance sociale ou le niveau dont elle nous marque, tout cela gouverne notre capacité à produire du sens, à en déceler, à en exprimer. Nous sommes parlés par la langue que nous parlons, nous sommes " gouvernés " par nos capacités de dire (ou nos impossibilités).

(...) Nous n'exprimons jamais que ce que la langue dont nous disposons nous permet d'exprimer. Tout le problème est là.

(...) L'accès à une langue, c'est l'accès à tout ce que sans elle on ne saurait ni comprendre ni dire.

Extraits des Chroniques de François Taillandier, Vers la néo-langue, dans L'Humanité.


28 juin 2004

Oser le dire

Alain Lefèvre dénonce ce qu'il appelle la « moronie », de l'anglais moron (ou idiot). « C'est la puissance de cette industrie du marketing et du plaisir qui débilise (sic) nos peuples. Ça part principalement des États-Unis, qui ont réussi, en 50 ans, à nous imposer un cinéma de plus en plus débile. Très difficilement, des oeuvres de qualité arrivent à sortir. Il faut convaincre les jeunes, ajoute-t-il, qu'en allant vers les arts un peu plus classiques -- la musique, la littérature --, en pensant, en lisant, ils font de meilleurs citoyens. »

Cité par Claude Couillard, ALAIN LEFÈVRE : NON À LA MORONIE!, dans le Guide culturel de Radio-Canada.ca

27 juin 2004

Démocratie d'un jour

Mis à part les jours d'élections, nous avons bien peu d'occasions de vivre la démocratie égalitaire.



Les jours d'élections, nous sommes en effet tous citoyens égaux. Les plus que rien aussi bien que les moins que rien figurent de la même façon sur la liste électorale, sont accueillis de la même façon au bureau de scrutin, reçoivent le même bulletin de vote, ont le droit d'y apposer un seul 'x' et le vote de l'un compte tout autant que le vote de l'autre.



Demain, j'irai voter. Le pays tout entier respectera mon droit de vote. Toutes les Canadiennes et tous les Canadiens arrêteront tout pendant quelques heures pour que je puisse voter. Toute la journée, ils se demanderont pour qui j'ai bien pu voter. En soirée, ils seront des millions devant leur téléviseur, des ayant plus aussi bien que des ayant moins, anxieux de connaître mon choix, supputant leur avenir, conscients qu'il dépend en grande partie de mon vote...



Demain, je serai citoyen canadien à part entière : je serai fier de participer à cette grande journée de démocratie égalitaire canadienne, je serai fier de faire un choix positif qui fasse en sorte que le Canada aille droit devant avec un gouvernement propre et un pays vert.



26 juin 2004

Vous désirez?

On passe une partie de sa vie à se transformer pour être désiré; l'autre, à tout faire pour être accepté tel qu'on est.


Le désir est un plaisir peu coûteux tant qu'on n'essaie pas de le combler.


Un plaisir dure le temps de son désir.


L'insatisfaction est un désir qui a mal tourné.


Moment de grâce où le plaisir de désirer rencontre le désir de plaire.


Aimer, c'est partager les désirs de l'autre.


(Sur le même thème ou presque : Trop pas assez)







25 juin 2004

L'exemple de Wimbledon

J'ai toujours aimé l'activité physique et le sport. Depuis quelques années cependant, je ne suis plus capable de regarder les sports à la télé; et moins capable encore d'aller me percher à haut prix dans des gradins inconfortables pour les applaudir.



Plus capable depuis que, avec leur combien enchanté consentement, les athlètes sont une valeur marchande, des objets qu'on s'échange à plus value, qu'on achète et qu'on vend à prix fort, des objets qu'on placarde d'un tas de marques -- cet espace sur mon épaule a été payé par Molson, la bière des béathlètes.



Plus capable depuis que dans les stades et autres sites dédiés aux sports, les marques de commerce prennent de plus en plus de place pour attirer de plus en plus l'attention; et les athlètes, la place et l'attention qui restent.



Plus capable depuis qu'à la télé, on nous coupe effrontément de beaux jeux ou on en retarde l'exécution normale pour y substituer en prétextant des pauses tout ce qu'il y a de plus anti-sportif : bières ébrouantes, malbouffe avidissante, produits de fausse beauté, pilules addictives et 'gros chars' balourdisants.



Il y a une seule exception, à ma connaissance, au commercialisme sportif, et ce ne sont malheureusement pas les Jeux olympiques. C'est le tennis à Wimbledon : un stade exempt de tout placardage commercial qui accueille de la vraie compétition entre des athlètes qui donnent tout ce qu'ils peuvent de passion sportive sans nous vendre quoi que ce soit avec leur poitrine, sur leur front ou au bout de leur raquette. Un plaisir à regarder parce qu'on peut se concentrer sur leurs stratégies, leur grâce, leur maîtrise du jeu, bref leur art, et se demander pendant qu'ils reprennent leur souffle si on ne pourrait pas en faire autant ou au moins essayer. À Wimbledon, les athlètes ont toute la place, ils sont les dieux du stade : on les admire, on les respecte, on gagne ou on perd avec eux. Et il ne semble pas qu'ils en sortent appauvris pour autant.



Que partout ailleurs ou presque dans le merveilleux monde du sport on ait choisi de faire du commercialisme, soit : « On est dans des pays libres; si les gens veulent payer pour ça, c'est leur affaire... », etcoeblabla. Mais qu'on cesse d'appeller ça du 'sport professionnel'; qu'on appelle ça du sport commercial. Ou qu'on change la définition du mot 'professionnel'...


« Professionnel. Adj. Qui se laisse acheter et vendre à fort prix. » Qu'en pense l'Office des Professions?



Merci, Wimbledon!


24 juin 2004

Mes pays

Mes pays de souvenirs d'enfance

Le tablier de ma mère

Les châteaux dans le sable du terrain vague

Les mystères du sous-bois de l'ancienne poudrière

Le vélo trop lourd sur les trottoirs de Saint-Simon

La 'ronne' de camelot pour la grosse Presse à dix cents

Le lac Dupuis, la rivière aux Chiens

Le mont Sacré-Coeur, entre le zoo et la voie lactée



Mes pays d'images en noir et blanc

Où rire avec Chaplin ou Laurel et Hardy

Où chanter avec Gérard Barbeau et Bobby Breen

Où pleurer avec Aurore et Anne Franck



Mes pays d'aventures en papier

Sous les mers de Jules Verne

Ou dans la carlingue avec Bob Morane

À la poursuite de l'Ombre jaune



Mes pays de mots mystères

Lus, relus, répétés

Nelligan, Anne Hébert

Aussi beaux qu'impénétrables



Mes pays d'exils forcés

Dans des classes bigarrées

Dans des bureaux vacuitaires

Avec, puis sans bure

Avec, puis sans but



Mes pays de terres empruntées

Grand fleuve, affluents et grands lacs

Plaines à perdre le nord

Îles atlantiques

Montagnes pacifiques

Collines armandoises



Et mes pays inlassablement heureux

Depuis que je suis avec toi

Et les fils de nos désirs, grandis, libérés

Le noir qui perdure dans tes cheveux gris

Le désir insatiable qui résiste dans tes yeux

Les frémissements dans ta voix excédée par mes silences

Les pulsations de ton corps rempli d'âme

Amoureusement soudé à la vie



23 juin 2004

Les deux faces péquistes

Pour des raisons historiques, géographiques et réalistes, je suis un nationaliste convaincu que la place du Québec est dans le Canada. Le Québécois type qui ne trouve aucun parti pour le représenter. J'ai déjà eu beaucoup de sympathie pour le parti Québécois, au moment où il représentait bien nos aspirations en prônant fièrement la souveraineté association. Mais les choses ont changé avec le pouvoir et le temps.


Les commentaires des porte-paroles du PQ à la suite des référendums du 20 juin dernier sur les défusions municipales sont typiques à cet égard. Ils ne visaient visiblement à faire ni la promotion de la souveraineté ni celle de l'association, mais plutôt à attiser les affrontements entre francophones et anglophones en soulignant que ces derniers avaient dans l'ouest voté en bloc pour l'autonomie (défusion), contrairement aux francophones de l'est qui ont préféré l'association (fusion). Votre discours, mesdames, messieurs du PQ n'a fait que révéler un peu plus votre double face : comment pouvez-vous prôner l'indépendance du Québec comme moyen de préserver l'identité québécoise et en même temps dénoncer les contribuables des municipalités anglophones de vouloir préserver leur identité en choisissant de vivre dans des villes autonomes au sein de l'agglomération montréalaise?


Le Québécois type ne se reconnaît pas dans ce genre de déclarations. Et si vous êtes pour continuer ainsi dans la voie de la petite politique et de la stratégie de bottine, vous devriez peut-être songer à changer de nom.


22 juin 2004

Deux questions pour les économistes

Vrai ou faux?


Chaque fois qu'un millionnaire s'enrichit d'un million, ceux qui ne sont pas millionnaires s'appauvrissent d'un million.


L'économie sociale est une mesure qui permet de répartir sur tous les contribuables les effets les plus insoutenables de cet appauvrissement au profit des plus riches.



5 % d'Américains concentrent 59,2 % de la richesse du pays.



21 juin 2004

La paternité en péril - 2

Suite de mon billet d'hier.

Observations. - Nous n'avons pas réussi à imposer la paternité comme valeur fondamentale dans notre société. La paternité donne une direction et assure une continuité à long terme (tout le contraire de la politique, en passant). Sans paternité : ni direction, ni continuité réelles. Il s'ensuit une organisation sociale qui va dans tous les sens, où plus personne ne se retrouve. Ce désarroi -- qu'on appelle aussi liberté individuelle, droits de la personne -- entraîne de multiples frustrations que s'offre à combler tout un système de consommation connu sous le nom de produits et services. Et comme ce système réussit à répondre à la demande et qu'il profite bien à ceux qui font l'offre (7 700 000 millionnaires dans le monde à ce jour), il faut que la frustration perdure.

Vous croyez que je m'égare de mon sujet? Résumons. L'homme individu est équipé pour être père; il est fait pour la paternité. La paternité n'est plus une valeur fondamentale; elle n'a même pratiquement plus de sens. Ne pouvant être ce qu'il est fondamentalement, l'homme s'est ainsi condamné à devoir combler la frustration multiforme qui en découle. Ainsi va la loi de l'offre et de la demande.

Conclusion. - On revient souvent dans les médias sur la problématique de l'homme à la recherche de son identité; on évite étrangement alors d'associer la paternité à cette identité. C'est pourtant une clé, sinon la clé. Selon moi.

Bonne Fête des Pères!

20 juin 2004

La paternité en péril - 1

Le prétexte. - La Fête des pères! Belle occasion d'aborder un sujet à bout portant : la paternité.

Constat. - Allez donc comprendre la paternité! Allez comprendre comment il se fait qu'avec le même équipement -- standard chez tous les gars (à ce que je sache) -- il y en a qui réussissent à faire des enfants, d'autres, pas; il y en qui réussissent à être pères et à élever leurs enfants, d'autres, pas; il y en a même qui réussissent à être pères et grands-pères à la fois.

Hypothèse juste pour rire. - Je pense que c'est une question de mode d'emploi, tout simplement. Certains n'ont pas eu le mode d'emploi, ou ne l'ont pas lu, ou n'en ont lu que les premières pages. Et puis, là comme ailleurs, les gars utilisent l'équipement tout de go : nos ancêtres se débrouillaient sans mode d'emploi, pourquoi pas nous, et bla bla bla. Or, les gars, vos vrais amis vous le diront : on ne devrait pas utiliser un équipement aussi sophistiqué sans en connaître le mode d'emploi. Mais les vrais amis sont rares.

Hypothèse moins drôle. - Contrairement à la maternité qui est naturelle et innée chez les filles -- on appelle ça l'instinct de maternité --, la paternité a besoin d'être apprise : parce que l'instinct de paternité, ça n'existe pas. Pire encore, il ne se trouve personne pour enseigner la paternité; l'école des pères, ça n'existe pas non plus. J'irai plus loin : personne n'est vraiment capable de l'enseigner parce qu'on ne s'entend pas encore, après des siècles d'évolution (!), sur ce qu'est la paternité et ce qu'elle devrait être. Sauf exceptions, il n'y a donc pas d'autre choix que d'apprendre la paternité par soi-même : les exceptions étant la transmission de la paternité de père en fils par les quelques pères qui l'ont.

À suivre.


19 juin 2004

Médiacratie

La règle première d'un succès médiatique, c'est d'avoir l'air vrai. Parce que le bon public n'aime pas ce qui a est faux. Pour avoir l'air vrai, il faut que tout ait l'air vrai : que les personnages (maquillés) aient l'air vrais, que les décors (en cartons) aient l'air vrais, que le scénario (fictif) ait l'air vrai, que les paroles (apprises par coeur) aient l'air vraies. Le résultat : un bon 'show', c'est-à-dire un spectacle qui a l'air tellement vrai qu'il nous a fait oublier tout ce qui faux même si on sait que c'est faux -- le bon public n'est pas fou, quand même! Bravos! Applaudissements nourris debout dans la salle ou devant l'écran géant des cinémas maison. Cotes d'écoute en hausse. Représentations supplémentaires. Encore! Encore! On aime tellement s'en faire accroire.



Est-ce le politique qui a fait appel aux médias, sont-ce les médias qui se sont emparés du politique ou simple convergence? Je penche pour la deuxième hypothèse : j'ai déjà dit pourquoi dans un message aux chefs de partis. Toujours est-il que nous voilà maintenant en présence d'une campagne électorale où les chefs (vedettes) ont besoin d'un succès médiatique pour être élus démocratiquement : il leur faut donc avoir l'air vrais. Or, pour avoir l'air vrais, il leur faut répéter et faire confiance à l'équipe de réalisation, les vrais artistes vous le diront; sinon ça risque de sonner faux et c'est le désastre assuré. Il leur faut donc être bien dirigés et bien encadrés par la gent communicatrice : il leur faut un bon metteur en scène, un bon scénariste capable d'écrire des dialogues percutants, une équipe de soutien fiable tant sur le plan artistique que sur les plans logistique et technique. Et comme il s'agit d'une tournée (308 spectacles-circonscriptions en un mois, sans compter les rappels en catastrophe), il faut un autobus pour transporter toute cette équipe de 'véri-faiseurs', et un autre autobus pour les 'véri-ficateurs' télé-radio-presse (et un jour, -Internet) chargés de faire connaître tout ce qui sort de vrai à chaque arrêt spectacle. Dans les studios de pré-diffusion et les salles de pré-impression, on spécule (vrai ou faux?), on évalue l'effet surtout si le faux à l'air vrai et on finit par diffuser ou publier les citations et les clips qui auront l'air le plus vrais aux yeux et aux oreilles du monde. Parce que dans les maisons cinémas, le faux ne passera pas : les bons téléspectateurs ne regardent que ce qui a l'air vrai. Observez les extraits montrables montrés : ils sont très courts; il faut croire que les moments de vérité sont rares chez nos politiciens. Et à lire, voir ou entendre les communicateurs médianalystes en vue -- parce qu'ils ont l'air tellement vrais --, ces pauvres chefs qui aspirent à diriger le Canada ont encore beaucoup à faire, eux, pour avoir l'air suffisamment vrais. « D'ailleurs, les sondages le prouvent. »



J'ai encore une semaine pour faire mon choix dans cette campagne, c'est-à-dire distinguer le vrai du faux. Heureusement, je pourrai encore compter sur les médias pour m'éclairer.


Vive la vraie médiacratie!


18 juin 2004

Voir le monde

On peut partir au loin, s'envoler sur Air Canada, s'embarquer sur un bateau de croisières pour voir le monde entier.



On peut descendre dans le métro pour voir le monde, le vrai, transporter ses espoirs de station en station.



On peut prendre l'ascenseur de la Place Ville-Marie ou du 1000 de La Gauchetière pour voir le monde d'en haut s'affairer dans des cages de verre.



On peut voir le monde libre ou feignant l'être, en marchant dans le Parc Lafontaine ou dans le Parc La Vérendrye.



On peut aussi fermer les yeux et voir le monde qu'on voudrait voir.


17 juin 2004

Merci, Tim Berners-Lee!

Si la toile, qu'il modélisa en 1991 pour permettre aux chercheurs du Cern, à Genève, d'échanger plus facilement leurs informations, avait été brevetée, elle n'aurait jamais connu le développement exponentiel qui est le sien depuis une dizaine d'années. De passage mardi à Helsinki pour y recevoir le premier Prix technologique du millénaire, doté d'un million d'euros, le chercheur en systèmes d'information, âgé de 48 ans, a mis les pieds dans le plat du débat sur les brevets logiciels et pris très clairement position contre le brevetage du clic, du menu déroulant et autres inventions de l'ère de l'immatériel. « Si j'avais essayé de demander des royalties, il n'y aurait pas eu de world wide web, il y aurait eu beaucoup de petits webs ». Manière de dire que ce standard unique permettant aujourd'hui de naviguer à travers des milliards de documents, quel que soit votre ordinateur, votre système d'exploitation ou votre navigateur, n'aurait jamais connu une tel succès et aurait été remplacé par des milliers de petits réseaux propriétaires fermées veillant scrupuleusement sur leurs droits.

« Si j'avais essayé de demander des royalties, il n'y aurait pas eu de world wide web », dans Libération, édition du 17 juin 2004

16 juin 2004

La page noire

Amas de lettres insignifiantes, des mots surgissent je ne sais d'où dans la mémoire fragile du temps. Je m'en empare, les jette à la volée sur une page blanche.


Les mots s'étalent dans tous les sens, s'entre-mêlent, se superposent, cherchent en vain une phrase pour se donner un sens. Dans la cohue, des lettres se détachent, les mots se défont; on ne voit bientôt plus que consonnes, voyelles et accents épars.


L'accumulation continue jusqu'à ce qu'on ne distingue plus rien. Ni mots, ni lettres. Rien. La page est noire.


15 juin 2004

Trop pas assez

Chacun se départirait de ce qu'il a en trop en faveur de ceux qui n'en ont pas assez et plus personne ne manquerait de rien.


D'où vient que nous n'en ayons jamais assez ni jamais trop?


Ce que j'ai en trop aujourd'hui témoigne de mes désirs passés.


Écrasé par ce que j'ai en trop. Étouffé par ce qui me manque.


Tropèse, tropériclite, tropollue, tropourrit, tropète.


Je peux mesurer ce qui me manque à ce que j'ai en trop.


Le droit d'avoir trop est bien protégé par le droit. Le droit d'avoir l'est moins.


Les pauvres ne sont pas assez riches; les riches, pas assez pauvres. C'est pourquoi il y a trop de pauvres et pas assez de riches.


On peut avoir trop; mais peut-on être trop? Ce n'est pas parce qu'on n'a pas assez qu'on manque d'être.



14 juin 2004

Bienvenue sur Terre

14 juin 3004 (oui, 3004). - J'ai trouvé dans Insaturnet cette photo de la Terre prise par le robot Earthexplorator, avec la description suivante (traduction du saturnais à l'anglais par Satoogle) :


The sulfur-rich layer seen in (Earth) yielded evidence that a body of gently flowing water once covered the area. The underlying rock layers come from an earlier period.



Mars Columbia Hills (Photo : NASA/JPL/Cornell)




(Inspiré par la lecture du carnet de Dave Pollard, How to Save the World, découvert via un directeur d'école branché. Je suis cependant beaucoup moins optimiste qu'eux sur notre capacité d'agir.)


13 juin 2004

Lexilogos

Congé pour maladie, ce matin : intoxication lexilogique. Je viens de tomber dans Lexilogos de Xavier Nègre et suis incapable de m'en relever.



J'adore les dictionnaires! J'avais commencé par réaliser une page avec des liens comprenant des dictionnaires en ligne et d'autres merveilles que j'avais découvert sur Internet : j'adore aussi les cartes! Cette page représentait un outil facile et pratique à consulter. Puis, plutôt que de le garder pour moi tout seul, j'ai souhaité le partager : et Lexilogos fut! Et qu'est-ce que cela m'a apporté? des contacts, des amis qui ont contribué à enrichir Lexilogos... chaque jour de plus en plus... Donner, c'est s'enrichir!


En 2003, quand on me demandait ce que je pensais d'Internet, je répondais: c'est nul! Les moteurs de recherche présentent souvent n'importe quoi, n'importe comment. Les sites commerciaux et les sites parasites ont les meilleures places... Il faut du temps pour dénicher des trésors! Alors, plutôt que de critiquer et d'être passif, je me suis mis au travail! Je voulais un site qui recense une multitude de trésors et de merveilles du monde!


Et au bout de plusieurs mois, je suis assez content du résultat! J'ai changé d'avis sur Internet : c'est une source de richesses formidable!

(...)

Notre société est complètement sclérosée, droguée par la consommation... Il faut faire la révolution! Mais la révolution sera spirituelle ou ne sera pas. Renouons avec l'esprit de la Réforme et de la Révolution Française! Un nouveau jour de gloire doit arriver!


La philosophie doit être simple, très simple! Sinon ce n'est pas de la philosophie, c'est-à-dire l'amour de la sagesse, mais du philosophisme!

Xavier Nègre


Je viens de me faire un nouvel ami : Lexilogos.



12 juin 2004

Moments d'abandon

Le plus beau moment de la journée,

celui où elle se laisse admirer.



Le plus beau moment de la nuit,

celui où elle se laisse apprivoiser.



Le plus beau moment de la vie,

celui où elle se laisse étreindre.


11 juin 2004

Populus tremuloides ou Au crépuscule II

Hier soir, au soleil couchant, je suis retourné sous les grands peupliers. J'avais le goût d'écouter leurs frémissements pleins de vie. J'avais le goût de les voir bien, enracinés.


En cherchant avec Google, j'ai appris que nos grands peupliers étaient plus précisément des peupliers faux-trembles -- Populus tremuloides.


J'ai aussi appris que c'était l'espèce la plus populeuse en Amérique. Sans doute parce qu'ils aiment la vie et que plus on aime la vie, plus on la propage.



10 juin 2004

Café, crème et sucre

Mon café, ce matin, avait un goût de monde entier.


La cafetière Black & Decker Cup-at-a-Time était au goût de la technologie : design, sans coeur ni âme.


Le café Maxwell House Original à 4,99 $ le kilo chez SuperC, au goût du sous-développement africain et sud-américain qui a favorisé, favorise et favorisera toujours le nôtre, dieu merci.


L'eau Naturo format 18 litres, au goût des intrants agricoles associés au mais-grain qui donnent à l'eau de notre puits une odeur suspecte et qui a fait de moi un porteur d'eau bénévole pour les embouteilleurs étrangers de nos dernières eaux propres qu'ils ont su trouver et qu'ils ont trouvé à nous revendre à prix d'or -- on dira un jour à prix d'eau.


Ma tasse classique et sobre made in China 1/2 prix chez Canadian Tire, un goût de traditions qui se meurent; l'origine de la tasse se perd dans la nuit des temps et son anse témoigne si bien du génie humain séculaire... Mais elle prend trop de place dans les conteneurs en provenance d'Asie; il n'y aura bientôt plus à un prix abordable que ces verres en plastique increvable, empilables jusqu'à l'étouffement mondial.


Le sucre Lantic, sac de 4 kilos, meilleur prix garanti chez Maxi, Pasquier, SuperC et IGA, c'est-à-dire 3,79 $, un goût d'aliments naturels-organiques-bio-santé perdu dans le raffinement industriel et les additifs chimico incompréhensibles qui assurent la pérennité des produits périssables et des systèmes de santé si chers aux médecins et aux politiciens.


La 'crème' Parmalat-Lactantia PurFiltre lait 2 % partiellement écrémé additionné de vitamines A et D goût plus crémeux, un goût de multinationale multimillionnaire multicapable de multiplier ses multiprofits malgré ses multiscandales...


On parle, on parle... Il était quand même bon ce café, crème et sucre. Je crois même que je ne pourrais plus m'en passer. Mais demain, comme tous les matins d'avant aujourd'hui, je le siroterai sereinement sans réfléchir en regardant par la fenêtre les arbres qui nous oxygènent et les cervelles d'oiseaux qui s'en amusent.


09 juin 2004

Au crépuscule

À l'heure où le silence rejoint le crépuscule, j'aime marcher dans le boisé au repos, faire le tour de la vie, jaser avec les grands peupliers, prisonniers à vie à cause de leurs racines.


Hier soir, on s'est demandé : S'il fallait n'enseigner qu'une seule chose à nos rejetons, ce serait quoi?


Et on s'est mis à y penser dans l'air humide du soir. On entendait seulement un léger bruissement sec, qui semblait venir du cimetière voisin.


08 juin 2004

Le parti des zins

Appel à toutes et à tous les zins.


La campagne électorale actuelle vous indispose? Vous êtes insatisfait-e de la politiqueraillerie des dernières années? Vous êtes incrédule devant les choix qui s'offrent à vous durant cette élection? Vous trouvez injustes ces promesses de milliards de dollars faites à gauche et à droite, sachant très bien qu'on viendra les chercher dans vos poches. Vous êtes indigné-e de constater le manque de vision de nos chefs politiques? Vous êtes impatient-e de vous faire proposer des projets collectifs rassembleurs? Vous vous inquiétez pour la démocratie parce que nos jeunes s'en désintéressent? Vous êtes incliné-e à penser qu'il faudra voter pour les moins pires? Ou vous êtes indécis-e, simplement?


J e   v o u s   c o m p r e n d s   d o n c .


Je vous comprends parce que je suis moi-même zindisposé, zinsatisfait, zincrédule, zindigné, zimpatient, zinquiet. Bref, zindécis. Et ce qui me rassure, c'est que nous sommes nombreux, très nombreux à être zins. Tellement nombreux que je propose que nous mettions ensemble nos zins, que nous formions le parti des zins. Ainsi, nous pourrions gagner la prochaine élection et transformer nos zins zinutiles en espoirs et en fiertés!


07 juin 2004

Simplification

L'économie s'occupe des bêtes que nous sommes. (Dans le langage économique, on utilise plutôt le mot 'consommateurs', mais ça revient au même.) L'économie répond donc à nos besoins en tant que bêtes et nous crée même des besoins bêtes pour pouvoir y répondre.


Mais qui dit bêtes, dit troupeaux. Et, c'est connu, plus les troupeaux sont gros, plus on y trouve de bêtes; et plus il y a de bêtes, meilleur c'est pour l'économie. Ce qui est moins connu, c'est que plus il y a de bêtes dans un troupeau, plus les bêtes y sont bêtes. Et que la bêtise, ce n'est pas du tout bon pour l'économie.


On inventa donc la politique pour répondre aux besoins des troupeaux, c'est-à-dire pour gérer la bêtise des bêtes en troupeaux. Mais s'il faut un grand nombre de bêtes, peu importe leur grosseur, pour faire marcher l'économie, c'est tout à fait le contraire dans le cas de la politique : peu importe le nombre de troupeaux, l'important c'est qu'ils soient gros et qu'ils rassemblent le plus grand nombre possible de bêtes afin qu'il y ait le plus possible de bêtises à gérer. (Dans le langage politique, on utilise plutôt le mot 'contribuables' et parfois 'électeurs', mais ça revient au même.)


06 juin 2004

Jour J / D-Day, il y a 60 ans

Étolane en parle si bien que j'emprunte ses mots :



(...)


Pour que le sang arrête de couler, apprendre du passé et s'efforcer de ne pas le recréer sous une autre forme plus contemporaine mais tout aussi effroyable.


Les géants s'amusent au chaud dans leurs bureaux ovales, au loin des hommes meurent, petits soldats de plomb. Les populations souffrent, les géants s'enrichissent. Pourquoi tant de haine en notre humanité?


En souvenir de ce jour D, je dépose en ce jardin de mots, une gerbe de soleil. Un petit bout de réalité. Un morceau de paix. Un hommage silencieux. Une goutte d'espoir. Un rayon de lumière sur une marée de peines...

« Un matin pas comme les autres : Remembering D-Day... », dans Vol de mots

05 juin 2004

Dans le 165

J'ai revu Urbain, par hasard, dans le 165 du chemin de la Côte-des-Neiges. Grâce au cortège, devant, on a eu plus de temps pour causer temps, santé, patrons, femmes et enfants, ville et village.


En se levant pour descendre à Queen-Mary, il m'a lancé : « Une ville est humaine tant qu'il y a encore de la place pour ses déchets, pour ses pauvres et pour ses morts... Penses-y! On s'en reparle! »


Puis, dans l'autobus bondé, plus personne à qui parler.


04 juin 2004

Heure de pointes

Un pont est un lien qui permet d'établir une relation, mais c'est aussi une contrainte et un rétrécissement. Lorsqu'on est nombreux à vouloir prendre le pont en même temps, la contrainte devient obstacle, le rétrécissement devient étranglement et il y a engorgement : le pont n'apparaît plus pour l'heure comme un lien mais comme une barrière à la relation.



Avez-vous déjà vu un embouteillage sur un ponceau?



S'arrêter sur un pont est une insoutenable contradiction. Ralentir s'impose cependant : pour admirer le fleuve aux abords, la ville sur la rive, la montagne en contre-haut. Amorcer la relation, quoi.



Il y a des ponts qui inspirent des chansons. Et ce sont toutes des chansons d'amour.



Les ponts de la Rive-Sud nous font traverser l'histoire : Mercier, Champlain, Victoria, Jacques-Cartier, Lafontaine. Au fait, sont-ils dans un ordre chronologique?



Et que dire des tunnels sombres, secrets, souterrains, où on ne veut ni arrêter, ni ralentir? Pourquoi n'ose-t-on pas les appeler ponts? Parce qu'on n'est jamais certain d'en voir le bout?


03 juin 2004

Représentation ou Message simple aux chefs des partis

L'électeur contribuable que je suis pendant la période électorale -- simple contribuable après --, a une étrange impression. L'impression que nous n'existons pas. Que pour les chefs en lice et pour les quelques candidats qui ont la parole (facile?), les caméras existent, les micros existent, les journalistes existent, les partisans avec leur carte de membre existent...


Mais nous, nous, le peuple? Nous, les électeurs dont le vote est si important? Les chefs et leurs porte-paroles ne nous parlent pas. Ils parlent de nous; mais ils ne nous parlent pas. C'est pourtant nous qu'il faudrait convaincre, pas les journalistes!


Ce qui suit s'adresse aux chefs de partis directement et exclusivement. (Surtout pas à leurs conseillers en communication.)


Monsieur Paul Martin,
Monsieur Stephen Harper,
Monsieur Jack Layton,
Monsieur Jean Duceppe,
(if you need it, an English version follows)


Ne vous laissez pas avoir plus longtemps par les médias.


Les médias sont en train de vous kidnapper, si ce n'est déjà fait -- et si c'est le cas, vous ne pourrez malheureusement jamais lire ce message. Ils sont en train de vous kidnapper et nous demandent en rançon l'augmentation de leur tirage ou de leur cote d'écoute ainsi que le prix de pages entières de publicité partisane ou gouvernementale. Toutes les questions qu'ils vous posent sont piégées : ils ne veulent pas vraiment connaître les réponses; il veulent simplement vous déstabiliser, vous provoquer afin d'avoir un prochain titre pour leur papier ou des images originales (une grimace de surprise, un bégaiement d'hésitation, une phrase contradictoire, un lapsus, une bourde...) pour leur topo télé.


Vous n'appartenez pas aux médias; vous nous appartenez. Parlez-nous, convainquez-nous. Nous, on ne vous piégera pas; on voudra seulement en savoir plus pour être certains de notre choix le 28 prochain. On ne vous demande même pas des promesses; seulement de nous dire votre vision du pays et de nous convaincre de votre humanité. Mettez-nous dans le coup : parlez-nous.


Ou alors, ne soyez pas surpris si un jour, seulement vos partisans (à qui vous parlez) et les journalistes (à qui vous parlez de nous), seulement eux iront voter. C'est que nous aurons compris ce que nous représentons véritablement pour vous, mais que vous n'aurez pas compris ce que vous représentez pour nous.


(English integral version from Google translation tool)
You longer do not let have by the media. The media are kidnapping you, if it is not already done -- and if it is the case, you cannot unfortunately never read this message. They are kidnapping you and ask us in ransom the increase in their pulling or their dimension of listening as well as the price of whole pages of publicity partisane or governmental. All the questions that they pose to you are trapped: they do not want to really know the answers; it want simply to destabilize you, you to cause in order to have a forthcoming title for their paper or of the original images (a grimace of surprise, a stammering of hesitation, a contradictory sentence, a lapse, a boob...) for their tele topo. You do not belong to the media; you belong to us. Speak to us, convainquez us. Us, you will not be trapped; one will want only to know of them more to be certain of our choice the 28 next. One does not even ask you for promises; only to tell us your vision of the country and to convince us of your humanity. Put to us in the blow: speak to us. Or then, are not surprised if one day, only your partisans (with which you speak) and the journalists (with whom you speak about us), only they will vote. It is that we will have understood what we represent truly for you, but that you will not have understood what you represent for us..

02 juin 2004

Fidélité?

- La fidélité. Mais pourquoi?


- Pour faire durer le plaisir.


01 juin 2004

Pluies

Il pleut c'est la fête



Il pleut sur les bêtes

les champs et les bois



Il pleut dans ma tête

mes idées mes joies



Il pleut sur la planète

des humains nus s'y noient



Mais pleut-il sous la pierre

dans l'abri où vous êtes